vendredi 25 décembre 2015

A en tant que non-A / Augustin Berque

Le Rêve (Pablo Picasso, 1932)
(source)
Colloque philosophique franco-japonais
Université Dôshisha, Kyôto, 13-14 décembre 2013

A en tant que non-A

Du syllemme de la réalité au paradigme mésologique

par Augustin BERQUE

Résumé – Créée en 1848 comme science positive des milieux par un disciple d’Auguste Comte, Charles Robin, mais plus tard écartelée entre sciences de la nature et sciences humaines, la mésologie (環世界学、風土学) s’est étiolée devant l’écologie et a presque disparu au XXe siècle, avant de renaître sous le nom d’Umweltlehre (環世界学) dans les travaux d’Uexküll, et de fûdogaku 風土学 dans ceux de Watsuji. Différence radicale avec la mésologie de Robin, celle-ci est une herméneutique dont la condition est la subjectité (主体性) du vivant en général, ou de l’humain en particulier. Le milieu n’est donc pas l’environnement objectif que considère la science écologique ; mais ce n’est pas non plus une simple représentation subjective, parce qu’il existe réellement.  À la fois subjectif et objectif, A et non-A, il est trajectif (通態的).

mercredi 16 décembre 2015

Au prisme du haiku / Augustin Berque


Sur mon chapeau
La neige me paraît légère
Car elle est mienne

Haïku de Nagata Koi (1900-1997)
Estampe d'Hiroshige, (69ème Station de Kisokaido, 1834)
(source)
La Maison de la poésie de Nantes, Poésies et écologies, Lieu unique, 28 novembre 2015

La perception du milieu nippon au prisme du haïku

Augustin BERQUE

1. De quel point de vue ?
Je ne vous parlerai pas en spécialiste de la littérature japonaise, ce que je ne suis pas, ni en poéticien, bien que j’aie commis l’an dernier un livre intitulé Poétique de la Terre[1] ; mais il s’agissait en réalité d’une poïétique de la Terre, c’est-à-dire d’une analyse de la force créatrice de cette planète dont l’évolution, en quelque quatre milliards d’années, est passée, en créant d’abord la vie, d’un simple état physico-chimique à l’état bio-physico-chimique, c’est-à-dire écologique, celui de notre biosphère, pour accéder enfin, en créant l’humanité, à l’état éco-techno-symbolique, celui de notre écoumène, c’est-à-dire l’ensemble des milieux humains, ou la relation de l’humanité avec la Terre.

mercredi 9 décembre 2015

Les ambiances sensibles / Fabio La Rocca

Vue de toits (effet de neige), de Gustave Caillebotte (1878)
(source)
Exposé au séminaire « Mésologiques » du 13 février 2015 (texte condensé)

Les ambiances sensibles et le milieu existentiel

par Fabio La Rocca


Résumé :
Le quotidien urbain s’invente et se réinvente. Il en résulte que la relation singulière que nous établissons avec les lieux des métropoles est le produit des effets du milieu territorial d’un point de vue symbolique et affectif. L’espace vécu en commun favorise ainsi une identification collective avec le développement d’une diversité de pratiques sensibles qui constitue la variété des ambiances et une forme de narration de la scène urbaine et sociale. Ecouter, sentir, toucher les espaces : une expression sensorielle et sensible qui affecte nos parcours et nos relations au milieu et à sa diversité symbolique. Les ambiances de la vie quotidienne urbaine créent dans leur ensemble une unité significative de construction de lieux de socialité, d’espaces d’émotions, ou bien d’espaces sensibles.

mardi 8 décembre 2015

Habitat insoutenable et COP21 / Augustin Berque

(source)

[Habitat insoutenable et COP 21]

Préface à l’édition japonaise de : Augustin Berque, Histoire de l’habitat idéal, de l’Orient vers l’Occident, Paris, Le Félin, 2010
Augustin Berque

Que je l’aie écrit voici dix ans ne modifie pas l’actualité du propos de ce livre, propos qui reste de définir les origines et l’histoire des motivations qui ont poussé la société contemporaine, dans les pays riches, à idéaliser la maison individuelle au plus près de la nature, ce qui a conduit à l’éclatement des villes et au phénomène de l’urbain diffus. Les origines et l’histoire des motivations qui expliquent ce phénomène n’ont pas changé.

mercredi 2 décembre 2015

L’effet Uexküll / Victor Petit

Première de couverture de l'édition originale allemande publiée en 1934 de Milieu animal et milieu humain
Première de couverture de l'édition originale
allemande publiée en 1934 de
Milieu animal et milieu humain
(source
Séminaire Mésologiques du 13 novembre 2015

L'effet Uexküll 

(Merleau-Ponty, Canguilhem, Simondon)

Victor Petit

Résumé : Dans un article des Cahiers de Simondon, n°1 (2009), nous méditions l’héritage d’Uexküll, avec les yeux de Simondon, à partir d’une triple distinction qui définissait selon nous le vivant : individu/système (machine) ; rapport/relation ; environnement/milieu. Dresser la liste des personnes qui ont, à leur manière, distingué le rapport physique d’un système à son environnement de la relation biologique d’un individu à son milieu, s’avèrerait être une tâche délicate, puisque cette distinction s’ancre dans l’éthologie et la psychologie animale, aussi bien que dans la psychologie médicale, aussi bien que dans la phénoménologie du vivant et la philosophie de la biologie, etc. Cette distinction est, selon nous, une autre manière de dire l’effet Uexküll. Avant de méditer cet effet chez trois philosophes contemporains et amis (Merleau-Ponty, Canguilhem, Simondon : partie 3), nous resituerons le milieu d’Uexküll historiquement, pour mieux saisir la philosophie du milieu (partie 1), avant de préciser de quoi sa mésologie de la perception est fondatrice (partie 2). 
De l’héritage philosophique d’Uexküll, nous ne dirons cependant presque rien. Et son héritage n’est pas tant ici explicite qu’implicite. Certes Merleau-Ponty, Canguilhem et, à moindre égard, Simondon, disent explicitement l’importance d’Uexküll, mais ils ne l’étudient pas de près – sauf dans les cours sur la nature (1957-1958) de Merleau-Ponty. Si nous pouvons parler d’ « effet Uexküll » cependant, c’est que le couplage dynamique de l’être et du milieu qui est au fondement de leur philosophie n’est pas compréhensible sans l’héritage d’Uexküll. Cet héritage pose des questions philosophiques qui sont autant de chantiers mésologiques ; et l’un des chantiers les plus difficiles nous semble celui de préciser le rôle et le statut du « milieu technique » (partie 4).