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Genji regardant la neige depuis son balcon
Toyohara Kunichika (1867)
Museum Victoria |
Compte Rendu du Séminaire du 3 avril 2015
Neiges d'antan, neiges d'ailleurs
Martin de la Soudière
Chargé de recherche au CNRS
Nous transportant dans le temps autant que dans l'espace, la neige est l'un des "météores" qui fascine le plus. Sa chute, sa texture, sa couleur, etc. déroutent, et la rendent instable, mouvante, aléatoire, paradoxale. Comme l’admettent les climatologues, elle est difficile à appréhender, à mesurer, à deviner. Les mots, en toute culture, et pas seulement chez les Inuit, sont là, très nombreux, qui en décrivent les variétés. Météore solide, c’est un
matériau, comme le savent bien les enfants, une pâte à modeler. Quant à sa couleur, elle n’est pas celle qu’on croit : blanche… mais bleue. On attend sa première chute, comme la poésie le dit souvent, mais la dernière ? Surprenante, elle l’est encore avec la symbolique qui lui est associée. Elle dépayse en effet. Dans l’espace d’une part, car nous l’associons aussitôt à d’autres contrées où elle est reine, les Grand Nords, la montagne aussi. Elle dépayse d’autre part dans le temps. Et là, nouveau paradoxe : si elle est surtout associée à l’enfance, elle l’est aussi à la vieillesse et à la mort. C’est là le véritable sens du poème de François Villon :
Ballade des dames du temps jadis. Enfin, comme on le croit en Lozère, elle ferait dormir, idée reprise par le chanteur Pascal Danel en 1966 :
Les neiges du Kilimandjaro. J’ai fini par l’allusion à un objet universel et emblématique, les boules à neige, étudiées par l’ethnologue
Martyne Perrot : "elles font voyager, écrit-t-elle, vers des contrées lointaines, en même temps que vers notre propre enfance".