La seconde vie des "petits bois"
Un pavillon de thé "vert" à Tokyo
Par Ariel Genadt
Les images du 11 mars 2011 d'un territoire couvert de débris ont évoqué une fois de plus des questions concernant la manière dont les maisons japonaises sont construites aujourd’hui, et ce qu'il en advient lorsqu'elles sont détruites ou sérieusement endommagées. Jusqu'à la fin de la période Edo (1868) les maisons japonaises étaient faites pour la plupart de bois et de bambou, et assemblées suivant un système de joints « secs », n'utilisant ni clous de fer ni colle. Cette méthode permettait que lors des incendies et tremblements de terre assez fréquents, les matériaux de construction se consument entièrement ou alors puissent être récupérés ou remplacés facilement.
Lors de l'ouverture du Japon vers l'Occident sous Meiji, les méthodes de construction importées, qui répondaient mieux à la teneur au feu en utilisant de la brique et du béton armé, n'étaient pas cependant faites pour résister aux plus grandes forces de la nature, tels que les séismes majeurs et les tsunamis. L'intégration de réseaux modernes de plomberie et d'électricité dans l’enveloppe des maisons a compliqué davantage la récupération des matériaux de construction lors de dégâts. C’est une des raisons pour lesquelles le tri des débris post-tsunami s'avère aujourd'hui difficile et coûteux, ralentissant la reconstruction des zones dévastées, et contribuant davantage à la pollution de l’environnement.
Lors de l'ouverture du Japon vers l'Occident sous Meiji, les méthodes de construction importées, qui répondaient mieux à la teneur au feu en utilisant de la brique et du béton armé, n'étaient pas cependant faites pour résister aux plus grandes forces de la nature, tels que les séismes majeurs et les tsunamis. L'intégration de réseaux modernes de plomberie et d'électricité dans l’enveloppe des maisons a compliqué davantage la récupération des matériaux de construction lors de dégâts. C’est une des raisons pour lesquelles le tri des débris post-tsunami s'avère aujourd'hui difficile et coûteux, ralentissant la reconstruction des zones dévastées, et contribuant davantage à la pollution de l’environnement.
Dans l’urgence de fournir des abris à des milliers de personnes, et de préférence sans les déplacer, des logements préfabriqués ont été livrés en zone dévastée, tels ceux conçus par l’architecte Ban Shigeru (cf.note 1). Mais faisant abstraction du problème particulier de la contamination des débris par la radioactivité à Fukushima, une autre réponse pourrait être envisagée dans l’avenir: pourquoi ne pas concevoir l’assemblage des maisons à la base, de manière à ce que l’on puisse éventuellement utiliser leurs ruines pour reconstruire des abris temporaires? Cette idée suivrait la philosophie avancée par Will McDonough et Michael Braungart dans leur livre « Cradle to Cradle » (cf.note 2), selon laquelle il faudrait concevoir des objets de consommation de manière à ce que l'on puisse réutiliser les matériaux qui les composent une fois l'objet devenu obsolète. Il ne s'agit pas juste de recyclage, un procédé au cours duquel la qualité des matériaux se dégrade tout en consommant davantage d’énergie, mais d’une réutilisation des pièces dans l’état le plus proche possible de leur usage précédent. Ces pensées m’ont nourri cet été (2012) lors de mon séjour à Tokyo. En collaboration avec le laboratoire de Kengo Kuma à l'Université de Tokyo et l’ingénieur Jun Sato, j’ai conçu un pavillon de thé 'vert', que nous avons érigé dans la cour de la faculté d'ingénierie. Cette structure expérimentale réinterprétait des méthodes de construction traditionnelles de France et du Japon, et faite entièrement de matériaux renouvelables: bois, bambou, corde de fibres naturelles et papier. Leur assemblage à joints secs, sans clous métalliques ni adhésifs, permet une construction et un désassemblage rapide, de manière à ce que l'intégralité des matériaux puisse être réutilisée, remplacée, ou bien se décomposer dans la nature sans laisser de traces.
La structure principale se composait de huit arches de hauteur variable, la plus grande d’une portée de 3.30m. Chaque arche était faite de trois couches de bois contreplaqué de 15mm d'épaisseur, prédécoupées à la machine en segments de 15cm par 135cm de long. Les segments ont été posés en quinconce de manière à les réunir par des chevilles de bois et de bambou. Cette méthode, inspirée par la "charpente à petits bois" de Philibert Delorme de 1561 (cf.note 3), permet d'utiliser des essences de bois locales, de résistances différentes, puisque l’assemblage de plusieurs couches admet la variation de la longueur des pièces et de leur épaisseur. C’est donc une méthode qui s'adapte au site et aux conditions du marché. Cette invention libérait à l’époque les combles des éléments de structure qui limitaient l'usage de leur espace. Elle a été ici déclinée pour créer un abri posé à ras du sol, utilisant un système d’assises qui s’adaptent aux déclivités du terrain.
Le contreventement des arches de notre pavillon a été inspiré par les maisons de campagne japonaises du style gasshô, employant des cordes pour raccorder les liernes de bambou à la structure maîtresse en bois. L’ensemble délimite une surface intérieure du 4.5 tatamis (2m70x2m70), typique des pavillons de thé traditionnels. Toutes les dimensions des éléments de la structure découlent du module du tatami (arrondi à 90cm). Les voiles de papier translucide suspendus de la structure secondaire par des baguettes en bois, ont été inspirés par les noren. Servant d’habillage et de protection solaire, ils animent un jeu d'ombres sur les nattes de goza au sol, reflétant le changement du temps, le mouvement du soleil et le souffle du vent.
Notes :
Notes :
- WORKS - DISASTER RELIEF PROJECTS CONTAINER TEMPORARY HOUSING - Onagawa, MIYAGI
- Texte original paru en 2002 : Cradle to Cradle : Remaking the Way we Make Things. Lit. Du berceau au berceau – refaire la manière de faire les choses. Edition française paru sous le titre: Cradle to cradle: créer et recycler à l'infini. Editions Alternatives, 2011.
- Philibert Delorme: Nouvelles inventions pour bien bâtir et à petits frais. Paris : Imprimerie Féderic Morel, 1561.
Conception, texte et vidéo : Ariel Genadt, architecte, doctorant en architecture à l'Université de Pennsylvanie, Philadelphie, et boursier de la JSPS Summer Program 2012 ; en collaboration avec Kengo Kuma Lab, Université de Tokyo et Jun Sato, ingénieur structure.