Cloche du soir au monastère de Mii, Utagawa Hiroshige (source) |
Colloque international Milieu / Mi-lieu, 14-15 novembre 2016
Qu'est-ce qu'une logique du milieu,
et pourquoi nous en faut-il une aujourd'hui ?
par Augustin Berque
Résumé – Une logique du milieu n'est ni une logique de l'identité du sujet S (de type aristotélicien), ni une logique de l'identité du prédicat P (de type nishidien); c'est une logique trajective, où S est saisi en tant que P. En principe, la science absolutise S (le sujet du logicien = l'objet du physicien), tandis que la religion absolutise P (la Parole qui, étant auprès/au sujet de Dieu, est Dieu); en pratique, on est toujours au milieu des deux, dans la trajection de S en tant que P. Cette trajection, sous le nom de "tonation" (Tönung), a été montrée par Uexküll dans les milieux animaux (Umwelten). De là, on la retrouve chez Heidegger, pour qui l'étant est "quelque chose en tant que quelque chose" (etwas als etwas), soit S en tant que P. C'est la logique du als, l'en-tant-que. Heidegger en a tiré le concept de "dispositif" (Gestell). Tant cet als que ce Gestell étaient - mutatis mutandis - présents dans le bouddhisme dès le Ve siècle, et s'y retrouvent aujourd'hui en japonais sous le nom, respectivement, de soku 即 et de sesetsu 施設. Pourquoi nous faut-il aujourd'hui une logique du milieu? Parce que l'absolutisation de S mène à un réductionnisme qui annihile virtuellement l'interprète I de S en tant que P (i.e. l'humain en particulier, et le vivant en général), tandis que l'absolutisation de P aboutit virtuellement au dogmatisme et au fanatisme. Il nous faut penser la ternarité S-I-P, car la binarité S-P est mortifère.