Traité des couleurs de Goethe (1809, aquarelle - Goethe-Museum Frankfort) |
Séminaire Mésologiques, 10 mars 2017
Le Poète et la Panthère
ou le Paysage comme Expérience
Isabelle Favre
Dans sa Théorie de la Signification, publiée à la suite de Mondes animaux et monde humain, Jakob von Uexküll écrit au début du tout dernier chapitre, intitulé Le Progrès :
« Ce progrès, tant vanté, qui est censé conduire les êtres vivants d’une origine imparfaite à un état de perfection toujours plus élevé, n’est-il pas au fond une vue de petits-bourgeois qui spéculent sur le bénéfice croissant d’une bonne affaire ? ».
J’interpréterais volontiers cette phrase comme l’intuition des transformations qui nous dépassent, en nous faisant entrer dans l’Anthropocène. Anthropos apparaitrait alors sous les traits de petits bourgeois spéculateurs, peu importe leur affaire pourvu qu’elle soit bonne. Certains de leurs contemporains pourtant restent passionnés par la compréhension et l’expression de la forme. Qu’elle soit forme de vie ou de langage, cette passion implique curiosité et reconnaissance d’une altérité. Uexküll achève ainsi son chapitre sur Le Progrès :
« Ce n’est pas l’expansion de notre milieu de vie à des millions d’années-lumière qui nous élève au-dessus de nous-mêmes, mais la reconnaissance qu’aux côtés de notre milieu personnel se lovent dans un plan commun les milieux de nos frères humains et animaux. »
Uexküll utilise bien le mot « Mitbrüder » (frères).
Dans mon exposé, je souhaite mettre au jour les figures de ce plan commun, puis observer dans quelle mesure le "paysage", un mot apparu il y a 500 ans, peut nous permettre d’en faire l’expérience.