lundi 25 février 2019

Descendre des étoiles, monter de la Terre / A. Berque

Parution
Descendre des étoiles, monter de la Terre

La Trajection de l’architecture 

Augustin Berque 
2019, Éoliennes, 80 p. 

L’humanité est-elle en train de se déterrestrer ? L’architecture moderne a revendiqué un « espace universel » qui, perdant tout lien avec la singularité des lieux concrets, aboutit aujourd’hui à l’acosmie d’un « espace foutoir » (junkspace) où une starchitecture – une « architecture E. T. », comme descendue des étoiles – se pose ici ou là comme elle se poserait ailleurs. Comment en est-on arrivé là, et pouvons-nous recosmiser l’architecture ? La question n’est pas moins profonde que celle de l’origine de toute réalité…

Lien vers le site de l'éditeur, 9 euros.

Vers le port de Toï-Yagisawa (péninsule d'Izu, Japon), photo F. Adam

mercredi 20 février 2019

Milieu et sens des choses / Augustin Berque

Faces - Zdislav Beksinski
Article initialement paru dans Le sens au cœur des dispositifs et des environnements, Eleni Nicopoulou et Nicole Pignier (dir.), Saint-Denis, Connaissances et savoirs, 2018, 276 p.

Milieu et sens des choses

Mésologie et sémiotique 

par Augustin Berque

Préambule 

Ce qui va suivre suppose une évolution ou une ontogenèse du sens en trois strates qui, tout en étant interactives, ne sont pas ré-versibles ; c’est-à-dire que la troisième suppose la seconde, qui sup- pose la première, tandis que l’inverse n’est pas vrai. Il y a donc eu, dans cette ontogenèse, émergence du sens dans un certain sens, à partir de la première strate et, par la seconde, jusqu’à la troisième. Toutefois, cet ordre n’est pas celui d’une simple causalité. Cela ne relève ni de la nécessité, ni du hasard. La troisième strate étant une fois émergée, elle agit sur l’évolution de la seconde comme sur celle de la première, qui continuent d’agir sur elle-même et entre elles, dans un processus historique et contingent nommé trajection.

mercredi 6 février 2019

Public, commun et privé dans la spatialité japonaise / Augustin Berque

Poster, the East-Asian Exhibition
(Fukuoka City, 1927)
Fukuoka City Museum
Colloque international « L’espace public » CNRS & Société française des architectes – Paris, 25-26 mai 2018 – 

Public, commun et privé dans la spatialité japonaise 

vus de l’ère Shôwa (1926-1989) 

par Augustin Berque 

Incipit – Les années Shôwa (昭和, « Paix lumineuse »), du nom de règne de l’empereur Hirohito, furent ce temps où, à deux reprises, le Japon a pu croire qu’il avait accompli le mot d’ordre meijien : « rattrapez, dépassez (l’Occident) » (oitsuki, oikose 追いつき、追い越せ), voire le rêve de l’école de Kyôto : « le dépassement de la modernité » (kindai no chôkoku 近代の超克). La première fois, cela se termina dans les cendres de Hiroshima, la seconde par l’éclatement de « la Bulle » (Baburu バブル). Ce fut aussi un temps où, corrélativement, fleurirent les « nippologies » (nihonjinron 日本人論), réflexions sur l’identité nippone contrastée à celle d’un univers externe réduit à l’Occident, lesquelles, du même coup, donnent à relativiser le paradigme occidental moderne sur tous les plans, y compris la question de l’espace public. À ce propos, j’en tente ci-après un petit florilège. 

Résumé – Le sinogramme 公, qui aujourd’hui signifie « public » en Chine comme au Japon, se compose de deux éléments : ム et 八. Le premier élément est la forme initiale du sinogramme signifiant « privé » : 私. Il signifiait à l’origine : cacher en entourant de trois côtés. Le second élément signifiait au contraire : ouvrir à droite et à gauche. Dans la prononciation dérivée du chinois gong, 公 se prononce , mais ooyake dans sa prononciation proprement japonaise, ce qui étymologiquement signifiait : « lieu (ke) de la grande (oo) maison (ya) », c’est-à-dire celle du souverain. Ce terme a donc une origine inverse de celle de notre « public », mot qui vient du latin populus, peuple. Dans la tradition japonaise, le peuple relève au contraire du watakushi 私, le privé ; et dans le régime féodal, qui a régné sur l’archipel de la fin de l’État antique (XIIe siècle) jusqu’à la restauration meijienne (1868), ooyake désignait la chose du suzerain, watakushi celle du vassal. Rien à voir avec l’idée de res publica. C’est dire qu’introduire la notion occidentale de « public » n’a pas été une mince affaire.