« Chaudron 3, 2019 : L’Extérieur », École Camondo, 12-13 septembre 2019
conférence inaugurale
conférence inaugurale
Exister au dehors de soi : la demeure humaine
par Augustin Berque
Rithika Pandey, Anxiety room (source) |
Résumé – L’habitation humaine ne se borne pas au logement des corps dans des « machines à habiter » ; c’est le foyer de l’écoumène (ἡ οἰκουμένη, « l’habitée »), tissu des systèmes écologiques, techniques et symboliques qui, au dehors des limites du corps physiologique, font exister – ek-sistere, « se tenir au dehors » – l’être humain sur la Terre. L’écoumène, ensemble des milieux humains, c’est la demeure de notre être. Elle s’est constituée historiquement (évolutionnairement) dans un couplage dynamique avec l’émergence du genre Homo. Si chaque être humain a toujours le for intérieur de sa propre conscience, il ne pourrait pas vivre – il n’existerait même pas – sans cette sortie au dehors de soi dans un certain milieu.
I. L’idée d’habitation est pour nous indissociable de celle de séparation entre intérieur et extérieur par une paroi quelconque. Suivant les civilisations, celle-ci pourra se composer de matières variées, des plus légères – comme les herbes sèches à armature de branchage des habitations aborigènes traditionnelles en Australie – aux plus consistantes, comme les briques, les pierres ou les parpaings qui font nos murs familiers ; mais l’essence d’une paroi étant non moins symbolique que physique, ce n’est pas la matière des parois qui détermine l’habitation ; c’est la distinction entre un dedans et un dehors, qui s’accompagne nécessairement d’un seuil faisant le lien entre les deux. Aux dedans, aux dehors et aux seuils correspondent des comportements idoines, qui structurent l’espace-temps de l’existence humaine à diverses échelles, allant de l’intime au monde entier.
II. Cette relation multiscalaire entre l’existence humaine et l’espace-temps où elle se définit, c’est ce que j’appellerai ici l’écoumène.
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