mercredi 2 juillet 2014

La frontière épanouie / Letizia Nardi


M2 Ethnologie et Anthropologie sociale, EHESS 

La frontière épanouie

Réflexion mésologique sur le rôle du saumon dans l’Alaska contemporain

Letizia Nardi,

We have spent countless summer evenings grilling salmon under the midnight sun and savoring it in the dark of winter thanks to a fully stocked freezer. Salmon aren’t just another fish in Alaska – they are our lifeblood(extrait du site www.salmonlove.com)
            Dans ce texte, nous tenterons d’analyser, avec les outils conceptuels de la mésologie[1], la valeur que l’Alaska et ses habitants attribuent aujourd’hui au saumon.
Cet animal, depuis toujours au cœur de l’économie des sociétés autochtones qui pratiquaient en exclusivité la pêche de subsistance, à partir de la moitié du XIXème siècle,  a fait l’objet d’une exploitation commerciale, d’abord incontrôlée,  puis réglementée, de la part des compagnies américaines de pêche industrielle. à partir des années 1970, la pêche récréative est venue peu à peu s’ajouter à ces deux typologies, jusqu’à devenir un secteur économique assez puissant.  Ces trois déclinaisons de la pêche du saumon coexistent aujourd’hui dans le même environnement, mais interagissent avec la même ressource de manière différente. Il s’agit ici de réfléchir sur l’entremêlement contemporain de ces trois phénotypes du rapport entre homme et saumon. Pour ce faire, nous nous appuierons sur des données ethnographiques récoltées sur le terrain lors d’un séjour de trois mois en Alaska,  plus précisément à Anchorage et dans la région de Bristol Bay, au Sud-Ouest du pays, meilleur endroit au monde pour pêcher le saumon rouge (sockeye salmon- Ornorhyncus Nerka). Nous puiserons nos matériaux dans des entretiens conduits in loco avec plusieurs informateurs, ainsi que dans des sources écrites (littérature ethnographique, articles de journaux, publications scientifiques) et des observations personnelles réalisées pendant et après le terrain.  Une comparaison avec le cas controversé de l’exploitation du cuivre, un métal dont la région de Bristol Bay est extrêmement riche, servira de piste de réflexion ultérieure pour établir l’intérêt unique de la ressource «saumon». Une perspective diachronique sera également utile à notre analyse , afin de montrer comment des contingences historiques ont fait qu’une ontologie mésologique traditionnelle, celles des populations autochtones, se soit entremêlée au dualisme moderne importé par les différents groupes colonisateurs, en faisant du saumon une ressource « protéiforme » dans l’appréhension  humaine.


1. Au bord de nulle part
« The Last frontier » is our new slogan. Not the new frontier, mind you. The last frontier. No more frantic attempts to fly, walk or drive to the edge of the earth. You have arrived. It will glow in reflected headlights on winter nights, this new message to the collective unconscious. This is it. All torn up and built up again. The end of the line. (Stephen Conn, Cabin Fever: comments on modern Alaska life, 1979)
            The last frontier : cette formule, inscrite sur la plaque d’immatriculation des voitures alaskiennes depuis 1975[2], demeure à l’heure actuelle en tant qu’ expression omniprésente du statut ontologique indéracinable de cette terre.  Harmonie réussie entre deux extrémisations, l’une spatiale et l’autre temporelle, le concept de dernière frontière parvient, encore aujourd’hui, à puiser ses forces non seulement dans la littérature ou  l’imaginaire, mais aussi du réel contemporain, dans certains lieux du monde sensible qui présentent des caractéristiques éloquentes pour tout homme prêt à les percevoir.
            Baptiser une terre du nom de « frontière » a l’effet perturbateur de la dissimuler en tant qu’espace, et, en même temps, de valoriser ses possibilités d’expansion  et d’exploitation limitées. La terre en question ne devient ainsi qu’un ensemble de lignes qui sillonnent sa surface, qu’un pionnier armé de patience pourrait idéalement parcourir, coloniser et, enfin, métamorphoser en un nouvel espace doté de sens. On ne saurait ici souligner suffisamment l’importance fondamentale de la thèse sur la frontière de Frederick Turner, bien que plus tard révisée et critiquée par les études historiques sur l’espace; le rôle moteur de la tension entre civilisation et wildernessdemeure puissant dans le délinéament actuel des rapports avec notre milieu. De plus, cette opposition  se glisse aussi dans la relation entre les cultures « traditionnelles » et la culture hégémonique du cas, là où existe un processus de colonisation. Dans notre expérience ethnographique,  nous avons pu observer que cette tension était encore d’actualité en Alaska, même si la frontière américaine au sens turnérien a cessé d’exister depuis plus d’un siècle. Toutefois, dans leur version contemporaine, les termes de cette fonction subissent une inversion : la wilderness est, au final, la vraie civilisation, réalisée à travers une reconquête de la frontière selon des nouvelles valeurs.

            Venons-en à présent au lieu géographique de notre intérêt, et écoutons la réflexion sur ce milieu formulée par un outsider, un jeune Américain qui rejoint a Bristol Bay pour la première fois, avec le projet d’y travailler en tant que pêcheur durant la saison du saumon :
For there is a patience in Egegik, one found only in earth’s harshest environments, where the outside world has no impact on what happens day to day. Out there those animals and humans share the wilderness, wary of each other but neighbors nonetheless. Their movements, like a slow form of tai chi, are in direct contact with the earth’s pulse, a connection most of us lost long ago.
                                                                                           (Carter B., Red Summer, 2008)
            Dans ces lignes, on retrouve les éléments classiques qui forment à la fois les concepts de frontière et de wilderness, regroupés et exprimés par un représentant de l’“American mind”, la res cogitans privilégiée par l’historien Roderick Nash dans son premier ouvrage  intitulé Wilderness and the American mind, publié en 1964[3].  Cette vision de la nature, si elle ne fait apparemment que reconnaître une valeur égale à tous les êtres qui cohabitent en son sein, revient au final à effacer  toute valeur, rappelant la conclusion du parcours philosophique de Giacomo Leopardi, poète et philosophe italien du début du XIXème siècle, qui déploie, dans son pessimisme cosmique, l’idée d’une nature aveugle et impartiale qui se justifie par sa dynamique perpétuelle de création-destruction. Dans cette perspective, la matière n’a aucune valeur intrinsèque, sinon celle, essentielle, d’être susceptible de se transformer.
            Néanmoins, la dernière phrase de Carter semble révéler une intuition mésologique  (« a slow form of tai chi » et « movements in direct contact with the earth’s pulse ») : un sens du milieu s’introduit dans les lézardes du dualisme cartésien et se déploie dans l’évocation d’un rapport dynamique entre êtres vivants et souffle de la planète. La présence apparemment écrasante de la nature frontalière engendre, à travers l’accumulation et l’évolution des pratiques quotidiennes, des rapports structurels d’opposition, d’inclusion et de collaboration : dans ces rapports on peut trouver une raison à la valeur de la nature.
            Dans cet essai, il s’agira de montrer comment le saumon, à travers les activités de pêche et son élaboration matérielle et sociale, sert de moteur ontologique à la dialectique homme-milieu qui se joue aujourd'hui dans ce coin de l’Amérique. À la lumière de l’histoire, on pourra voir la frontière qui sépare civilisation et wilderness comme une composition multilinéaire : le saumon traverse régulièrement ces lignes, et dans l’interaction avec les hommes autour de ces frontières, se tissent des rapports éco-techno-symboliques, à travers lesquels se fondent les partis-pris écologiques, les convictions politiques, ainsi que les choix de vie les plus radicaux ou les plus traditionnels.

2. Bristol Bay
« Tout sens et toute valeur naissent trajectivement de l’histoire (et à une autre échelle de l’évolution), mais aussi de l’immédiateté du symbolique » ( A. Berque, Poétique de la Terre, 2014)
            Notre terrain ethnographique s’est déroulé pendant trois mois, de septembre à décembre 2013, entre Anchorage, ville de 300 000 habitants, au milieu de la côte sud de l’Alaska, et Dillingham, petite ville de 2 500 habitants, située sur la côte ouest de l’Alaska Peninsula,  triangle de terre s’étendant de l’Alaska vers la Russie en se morcelant progressivement dans la chaîne des Iles Aléoutiennes. Le bassin configuré par cette formation géologique prend le nom de Bristol Bay, et constitue le bras le plus à l’est de la mer de Béring. La région terrestre correspondante est subdivisée en 6 territoires géopolitiques, dont le Dillingham Census Area, qui est notre terrain d’étude. Les régions voisines  du Bristol Bay Borough et le Lake and Peninsula Borough sont également importantes dans notre recherche, car elles partagent les mêmes enjeux éco-politiques. La géographie physique de ces terres est caractérisée par une étendue de plaines, à traits ondoyants, constituées par les anciens dépôts des glaciers de la chaîne Aléoutienne et des montagnes Akhlun. Le sol de cette région est très riche en sédiments alluviaux ; cela comporte également un nombre important de lacs, rivières et zones humides, ce qui constitue un habitat excellent pour la reproduction des saumons, et très favorable pour beaucoup d’autres espèces animales (oiseaux de mer, ours, aigles, mais aussi élans et caribous).
            Dillingham, une des principales agglomération de la région (avec Naknek et King Salmon, situés dans d’autres municipalités), se trouve à la confluence des rivières Nushagak et Wood, qui forment un bras, Nushagak Bay, de la baie principale. Avant les premiers contacts avec les explorateurs russes et anglais, les seuls habitants autochtones de cette zone étaient les Aglurmiut, un groupe appartenant à la famille linguistique des Eskimo Yup’ik de l’Alaska central. Ces peuples organisaient leur vie dans un cycle saisonnier qui comprenait aussi des mois de subsistance maritime, durant lesquels les familles s’établissaient dans leurs campements d’été situés sur la côte, afin de pratiquer la pêche. Lors  des premiers contacts, plusieurs implantations Yup’ik étaient présentes sur les côtes de Nushagak Bay. En 1829, l’explorateur Ivan Vassilief a établi le premier comptoir de fourrures dans cette zone, et ce type de commerce, qui engageait bien entendu les autochtones, est resté la seule activité « coloniale » de la région jusqu’en 1867, au moment où les Russes ont vendu l’Alaska aux États-Unis. Après cette date, la région de Bristol Bay a assisté a un développement rapide de la pêche commerciale du saumon par les compagnies américaines, et la première conserverie a été implantée près de Dillingham en 1883. Cette date constitue un tournant fondamental dans l’histoire économique et sociale de Bristol Bay.
            C’est là que nous allons fixer notre première « borne ontologique » : la ligne côtière de la baie devient le lieu de rencontre entre, d’un côté, des pêcheurs professionnels de toute origine (surtout des Scandinaves et des Italiens implantés à San Francisco et Seattle) qui arrivent chaque année par mer pour pratiquer la pêche au filet maillant dérivant et vendre de grandes quantités de saumons aux conserveries, et les Yup’ik, qui, de leur côté, se déplacent chaque été au bord de l’eau, tant sur la côte maritime que près des rivières, pour pêcher avec leur techniques traditionnelles et transformer l’animal en nourriture à travers des processus de fumage et dessiccation. Plusieurs valeurs du saumon  se génèrent ainsi dans le même chronotope : la valeur économique au sens formel provenant de la transformation d’un être vivant en moyen d’échange sur le marché international, et la valeur symbolique, psychologique et économique au sens substantiel dont s’emparent les Yup’ik chaque année, grâce aux pratiques de pêche et d’élaboration matérielle et culturelle de cette ressource.
            Cette première confrontation entre valeurs du saumon va, au fil des années,  engendrer sa propre histoire, avec une diversification sociale croissante de la région et, peu à peu, une implication majeure des Yup’ik dans le milieu de la pêche commerciale :
World War II saw a great change in Bristol Bay fisherman. Many of the Italians, Scandinavian, and Finns were caught up in the military, or in wartime work and couldn’t travel to Alaska to fish. Before the war the canneries didn’t want to hire residents, but with the shortage of nonresident fishermen they suddenly discovered that the Native Aleuts and the Eskimos were marvelous boatmen and seemed to have been born to sail. Some of us resident whites didn’t do so bad, either.
                                                                                        ( T.Troll, Sailing for Salmon, 2011)

            Un autre tournant dans les rapports humains avec les saumons de Bristol Bay s’esquisse donc vers le milieu du XXème siècle: des autochtones, qui, jusque-là ne pratiquaient que la pêche de subsistance, prennent aussi part à des opérations commerciales. D’autre part, de plus en plus de pêcheurs « étrangers » s’installent dans la région et à travers les pratiques de mariage mixte contribuent à la complexification ethnique de la population locale. De ce fait chaque groupe pénètre dans le milieu de l’autre : les uns s’approprient une nouvelle technique, les autres un nouvel espace et de nouveaux liens.
            L’essor du modèle commercial connaît, en quelque sorte, un arrêt en 1972, lorsque l’État de l’Alaska soumet la pêcherie de Bristol Bay au « limited entry program » : à la suite de la diminution drastique des captures, et sous l’impulsion des préoccupations écologistes de l’époque, l’État crée environ 1700 permis de pêche commerciale,  échangeables sur le marché libre, et les octroie aux pêcheurs actifs dans la baie à ce moment-là (selon des critères qui, d’ailleurs, favorisent les pêcheurs blancs, dotés d’une approche plus « capitaliste » de la gestion de leur activité). Ces mêmes permis détiennent aujourd’hui le droit de pêche dans cette région, et continuent à être vendus et rachetés tant par les investisseurs que par les pêcheurs indépendants.
            C’est en 1981 que l’Alaska Native Claims Settlement Act (ANCSA) transforme les groupes ethniques autochtones en corporations, en leur donnant à gérer des terres et des droits sur ces dernières. En même temps, la totalité de la population alaskienne  maintient le droit de chasser et de pêcher sur le reste des territoires fédéraux et étatiques, selon des règles qui ne prennent pas en compte l’appartenance ethnique. Contrairement à ce qu’avait prévu l’ANCSA au départ, cet accord n’élimine pas les tensions interethniques : d’importants contrastes dans la société alaskienne continuent de surgir, car les autochtones, qui reconnaissent  la source de leur identité dans les activités de subsistance, voient cette négation d’une préférence ethnique dans les droits à la subsistance comme une expropriation de leur propre identité. A la dernière conférence de l’Alaska Federation of Natives (AFN) qui s’est tenue en octobre 2013, la principale question soulevée était, encore une fois, celle de la  Native preference ,  signe de son actualité brûlante, 30 ans après l’implémentation du programme ANCSA.
            La Bristol Bay Native Corporation, qui voit la lumière grâce à cet accord, s’est depuis engagée dans une politique d’amélioration et de protection de la pêche au saumon. Cette nouvelle organisation, dans son ensemble, a eu l’effet de stabiliser démographiquement et économiquement la région, ou tout au moins de ralentir le progrès dans les deux sens. La pêche commerciale y demeure la seule activité d’exploitation massive de ressources à l’heure actuelle, ce qui constitue presque un unicum dans le panorama économique alaskien, où le primat de la pêche a souvent été dépassé par le développement industriel des extractions minières et pétrolières. On reviendra sur ce point important plus loin, afin de voir comment le développement d’une ressource n’est qu’une affaire économique ou politique, relevant aussi du symbolique.

            Dans ce cadre socio-économique, l’activité de subsistance, qui n’a jamais cessé d’être pratiquée par les Yup’ik, s’est imposée comme un "choix obligé" pour tout résident de la région, qui, du fait de son isolement géographique, ne rentre pas de manière rentable dans le système du marché. Le coût des importations rend tout produit deux à trois fois plus cher qu’à Anchorage ou à Juneau. De plus, les supermarchés locaux ne sont pas suffisamment approvisionnés pour soutenir un régime alimentaire  satisfaisant. Il semble également que les produits issus de la subsistance (le saumon in primis mais aussi d’autres espèces de poissons, des baies, de la viande de caribou et d’élan, du gibier, des plantes sauvages, des mammifères marins) l’emportent sans nul doute pour leur goût et leurs propriétés bénéfiques pour le corps humain. Aujourd’hui, à Bristol Bay, comme dans le reste de l’Alaska rural, on témoigne d’une économie  "syncrétique" , où la subsistance dépend de l’économie de marché, qui n’aurait aucun sens en dehors d’un contexte dans lequel on peut pratiquer la subsistance. Ceci est valable pour tous les résidents ruraux: environ 40% de la population de Dillingham est qualifiée de  caucasian  par le US Census Bureau. Les études de l’Alaska Department of Fish and Game montrent que ces 40% pratiquent certainement au moins la pêche, voire d’autres activités de subsistance. Ce sont ces "libertés"   et cet accès direct aux ressources naturelles qui incitent les gens qui ne peuvent pas faire appel à une tradition familiale ni à une identité ethnique liée au territoire, à choisir de vivre à Bristol Bay.

            Il faut cependant ajouter un troisième terme à la dialectique de "pêche de subsistance-pêche commerciale"  : les activités de pêche sportive, développées à partir des années ’70, constituant une source de revenus non négligeables pour la région. Grâce à l’attirance de milliers d’hommes et de femmes passionnés de pêche à la ligne pour ce lieu immaculé, chaque été, certaines rivières, surtout celles dont les environs sont les plus attrayants, se remplissent de gens qui se réjouissent grâce aux saumons et à l’aspect sauvage parfois effrayant de Bristol Bay.  Par exemple, un jeune  dillinghamer , fils d’une femme Yup’ik et d’un homme blanc, au mois de juillet peut consacrer un weekend à la pêche de subsistance avec sa famille, travailler pendant trois semaines sur un bateau commercial en tant qu’équipage, puis, une fois que la grosse vague de saumons rouges est passée, servir de guide touristique à un groupe d’Allemands désireux de se placer dans l’eau jusqu’à la taille avec leur canne à pêche.

3. Pebble Mine : the wrong mine in the wrong place

            
Ouvrons ici une parenthèse sur l’ actualité de Bristol Bay. Comme dans le cas des Huichols au Mexique, exposé par Augustin Berque dans son article Mésologie du sacré, à Bristol Bay, un enjeu similaire menace la reproduction de la « source de l’être » (Berque, 2012) qu’est le saumon. Après des explorations préalables conduites depuis 1986 par Cominco Alaska Exploration, en 2001, un partenariat de compagnies minières, du nom de « Pebble Mine » rachète le projet et commence à faire des essais dans le sol, dans une portion de terre au Nord du Lac Iliamna et à l’Est du lac Clark : les deux  lacs de l’Alaska Peninsula servant de bassins versants aux principales rivières de la région. Les géologues découvrent ainsi d’ immenses dépôts de cuivre, d’or et de molybdène. Pebble Mine commence alors à projeter ce qui pourrait devenir le plus grand développement minier à ciel ouvert de l’Amérique du Nord (les droits miniers couvrant une surface de 480 km2)  Peu à peu, les résidents de Bristol Bay ont été sensibilisés aux risques de ce projet pour l’écosystème et, bien évidemment, pour la survie et la reproduction du saumon. Certes, le saumon n’est pas le seul animal qui serait affecté par la pollution des eaux ; c’est le seul animal, cependant, d’intérêt commercial. Sans entrer dans le discours d’une longue lutte d’intérêts qui continue encore, nous allons retenir l’impact psychologique et politique que ce projet de développement a eu dans toute la région de Bristol Bay. Le résultat a été de portée historique : les groupes autochtones, identifiés avec la subsistance, les groupes commerciaux, ainsi que les associations de pêcheurs sportifs, se sont, pour la première fois, ressemblés du même côté du conflit et ont peu à peu construit, depuis 2006, un discours unitaire anti-Pebble et, bien entendu,  pro-saumon. Le tournant, dans ce processus d’unification, a été le choix d’une association de pêcheurs sportifs très puissante, Trout Unlimited, de lancer une campagne contre le projet minier et en faveur de la sauvegarde des eaux : la Save Bristol Bay campaign a ainsi canalisé les efforts des associations des autochtones et le désaccord des pêcheurs commerciaux, pour, en 2013, créer une lobby politique appelée  "Bristol Bay United" , qui ressemble officiellement les "trois voix du saumon" .


            Entrons maintenant un peu plus dans les détails de ces trois déclinaisons du rapport avec le saumon et l’environnement de Bristol Bay, dans le but d’esquisser les trois prises écouménales qui s’entremêlent et  fusionnent dans la contemporanéité alaskienne. 

4. As Yup’iks, we dont release the fish we catch[4] - Subsistance
            Dans la cosmologie Yup’ik, le concept de personne est étendu à l’ensemble des êtres vivants. Les consciences individuelles sont rassemblées en  une seule grande personne, que les Yup’ik appellent « Ellam Yua ». Le monde sensible est donc la surface matérielle du déploiement cosmique des différents êtres.  Un saumon est sensible et conscient durant toute sa vie,  méritant ainsi un traitement respectueux après sa mort. Sa capture n’est pas une prévalence de l’esprit humain sur l’esprit du saumon, c’est une offre que l’homme doit accepter et apprécier. Il s’ensuit, de cette idée fondamentale, des codes de traitement et de gestion du saumon qui doivent être strictement respectés, afin d’assurer la survivance et l’abondance des saumons chaque année. Plus particulièrement les os font l’objet de dispositions précises : ils ne doivent pas être jetés n’importe où, mais ensevelis, où donnés aux chiens. Le seul endroit où ils peuvent être jetés à l’eau, c’est dans les lacs, là où les saumons vont mourir naturellement après la reproduction.
            En langue Yup’ik, les termes de « nourriture » et de « poisson » sont exprimés sous le nom de « neqa ». Cela témoigne de l’importance du poisson dans l’alimentation locale. Cela  nous conduit aussi à une autre réflexion : puisque le poisson est un composant essentiel de la plupart des repas, sa valeur en tant qu’ être conscient  doit être recoupée avec celle qu’il acquiert en tant que noyau du régime alimentaire. Ici nous paraissent particulièrement justes les considérations à propos de l’économie territoriale formulées par Augustin Berque dans son ouvrage Ecoumène :
 D’un point de vue écouménal, en effet, prendre en compte les externalités, c’est restituer l’objet marchand à la chôra dont l’avait abstrait le scientisme. C’est en refaire une chose, en reconnaissant la réalité des milieux humains, dans lesquels le commerce proprement dit n’est qu’un aspect d’un échange plus général :la circulation nécessaire au maintien du corps médial qui nous différencie des bêtes. Ce faisant, c’est nous délivrer un peu du fétichisme de la marchandise, nous faire un peu moins bestiaux en réapprenant la valeur de ce qui n’a pas de prix  (A. Berque, Écoumène, 1987)
            Ce qui nous aide dans l’effort d’analyser l’importance du saumon, c’est de le considérer comme la charnière entre l’empire du prix et la défétichisation qu’entraîne la consommation directe et culturalisée de cet animal. Dans le paradigme de la subsistance, l’élaboration et la circulation de ce bien dans un territoire bien précis, n’ impliquent pas une gestion super-organique de la valeur ; au contraire, ce sont la chair du saumon, les outils de traitement, les lieux de pêche et de consommation, les liens sociaux que renoue périodiquement la circulation de ce bien, qui sont reconnus et prisés.
            D’ailleurs, dans la tradition Yup’ik, le partage de ce que l’on pêche, de ce que l’on chasse ou récolte a toujours fait partie des processus de  subsistance. Un élan tué et découpé n’est pas « culturalisé » tant que l’on n’a pas réparti sa viande entre les membres de la famille, en prenant le soin de refournir les plus âgés qui ne peuvent aller à la chasse. Cet impératif du partage domine aujourd’hui la conception d’une subsistance authentique :
I feel like there should be some sort of a subsistence club where you would have to share a certain amount of your food with a certain group, to make it more traditional (…)that might help alleviate some of the problems of people moving here for the first year, and wasting a whole bunch of fish, cause then you would have to be put into the subsistence community, and you would have to work with other people, so you would know what to do if you had too much fish(extrait d’entretien avec A.M., artiste d’origine Yup’ik résidente à Dillingham, automne 2013)
            On comprend que cette vision contraste âprement avec la tradition désormais séculaire de la pêche à la ligne, qui continue de faire des adeptes dans le monde entier: des groupes de pêcheurs qui songent aux rivières rouges de saumons d’Alaska.  « Jouer » avec le saumon, chez les Yup’ik, est un comportement inadmissible et très dangereux, avec des effets dévastateurs sur le rapport entre humains et poissons : attraper un saumon, le libérer de l’hameçon et le rejeter à l’eau signifie non seulement refuser une offre précieuse, mais aussi blesser l’animal, qui risque ensuite de mourir et de s’échouer sur les rives, là où ses os seront exposés et éloigneront les autres saumons.
            En revanche, les tensions développées dans le rapport avec la pêche commerciale relèvent d’un antagonisme écologique et économique plus moderne, dans le sens où les subsistence users, qu’ils se revendiquent blancs ou Eskimo, sont conscients que la surpêche du saumon par les bateaux de commerce limite et détruit peu à peu la population animale. Il s’agit aussi d’une tension interne à l’individu, puisque de nombreux locaux sont impliqués dans la pêche commerciale et désirent en tirer profit, bien qu’en même temps ils veuillent sauvegarder la pêche de subsistance.
            Toutefois, comme nous l’avons évoqué avec l’exemple du jeune homme dillinghamien, les dynamiques d’une économie mixte ont, sur une longue durée, créé des corps médiaux de plus en plus complexes : le corps individuel se retrouve confronté à plusieurs prises du milieu, et devient ainsi capable de s’engager dans plusieurs  « moments » , selon la définition watsujienne de la médiance. Les différents rapports éco-techno-symboliques avec le saumon engendrent une espèce de polylalia de modèles de comportement, qui se résolvent dans la symphonie de la vie quotidienne de chaque individu.
5 .  Do you wanna see fish hitting a net ?[5] – Pêche commerciale
For me Bristol Bay is far larger than just a place to catch fish and make a few bucks. After a while the bay, as an ecosystem, crawls inside of you and becomes part of who you are.” (John Copp, pêcheur à la retraite, extrait d’un article paru sur www.dailyastorian.com le 27/03/13)
« We’re like potato pickers » m’explique Katherine, pêcheuse de 28 ans, née à Dillingham de parents californiens ayant émigrés en Alaska dans les années 70. Depuis deux ans, la jeune femme est propriétaire d’un de ces précieux permis de pêche de Bristol Bay, l’ayant acheté à son père qui a pris sa retraite. Elle est capitaine de son propre bateau, et gère un équipage de deux hommes. Elle a utilisé l’ expression « potato pickers » pour me donner une idée du peu de profit que tirent les pêcheurs de la vente de leur produit. Pourtant, ces mots résonnent particulièrement juste pour décrire les acteurs d’une activité qui est souvent appelée  « harvest », récolte, ce qui dégage une métaphore agricole assez frappante pour une industrie qui fait de la caractéristique « sauvage »  du saumon son point fort. De plus, le terme « harvest » n’est pas seulement employé par les pêcheurs commerciaux comme Katherine, il est aussi utilisé par les subsistence users pour décrire toutes les activités de subsistance, de la pêche du saumon à la récolte des baies ou à celle du bois à brûler. On pourrait trouver, dans cette tendance linguistique, un apprivoisement de la nature frontalière, qui, au fur et à mesure de sa relation avec les humains, se transforme en une sorte de ferme heureuse, un Éden où l’Homme n’a qu’à tendre le bras pour s’approprier toute ressource. En tous cas, de cette idée de surabondance idyllique, Bristol Bay a toujours tiré une relative tranquillité économique. Certes, la population de saumons a connu des baisses critiques au cours des années, mais l’amélioration des contrôles et la stricte gestion de la pêcherie  de l’ Alaska Department of Fish and Game a conduit, dans ces derniers temps à des pics de plus de 30 millions de saumons en migration anadrome.
            Ainsi, grâce aux caractéristiques rares de cet environnement, 150 ans de pêche commerciale se sont écoulés et des liens se sont tissés. L’histoire a forgé le sens d’une activité extrêmement dure pour les humains qui la pratiquent, et qui, pourtant, continue d’attirer chaque année des pêcheurs chevronnés avec leur progéniture, et parfois des étrangers à la recherche d’un travail, voire d’une expérience de vie, comme l’auteur de Red Summer, l’ouvrage qui a ouvert notre réflexion sur la frontière.
            Or, convient de se demander si, pour ces gens, le saumon n’est qu’une marchandise, comme la loi du marché auquel ils font référence le voudrait. Notre réponse se rapproche notamment de la réflexion formulée à propos de la subsistance : le saumon, dans son rôle-charnière entre marché et réalité, a permis aux pêcheurs commerciaux à Bristol Bay, tant les résidents que les étrangers, de nouer des liens avec le territoire et ses réalités,  de telle sorte que le saumon est institué en tant que source de sens, et son prix en tant que  moyen de renouer ces liens, année après année. Dans une perspective plus radicale, on pourrait dire que le saumon « commercial », paradoxalement,  n’a pas  de prix pour les acteurs sociaux qui s’engagent dans la pêche. L’expérience de la pêche commerciale dégage ainsi une prise de milieu aussi riche symboliquement que la subsistance, réalisant un écart trajectif comparable et ouvrant un espace à la communication entre valeurs.

            Les conséquences de cette reconnaissance du pêcheur commercial dans la nature de Bristol Bay nous permettent en quelque sorte d’inverser le paradigme de la frontière : s’il est vrai que le terme « harvest » nous renvoie à la nature apprivoisée, l’accent que les habitants et les amateurs de ce lieu posent sur sa qualité "pure" et "sauvage" nous ouvre un autre paysage, celui d’une nature qui demeure immaculée, et dont les mécanismes parfaits la font ressembler « un jardin à ressources » que l’homme doit administrer simplement à travers une cueillette contrôlée.  Dans cette vision, la valeur de la frontière est produite par le maintien de la wilderness , et non par son apprivoisement.

6. Save Bristol Bay ! -Pêche sportive

La connaissance objective des écosystèmes et de la biosphère est certes nécessaire pour que nous nous comportions de façon plus rationnelle ; néanmoins, elle ne peut pas engendrer de sens moral, parce qu’ elle ne concerne pas notre être mais seulement les interrelations objectives de l’environnement » (A.Berque, Mésologie du sacré, 2012)
            Au cours d’une conversation dans un café d’Anchorage, Mme W., responsable de Trout Unlimited de la campagne Save Bristol Bay contre le projet Pebble Mine,  m’a révélé que la raison principale, et la plus personnelle, pour laquelle elle s’est engagée dans cette campagne est l’opportunité de pouvoir garantir aux habitants de la baie un avenir pour la pêche de subsistance , afin qu’ils puissent toujours soutenir leur mode de vie. En même temps, Mme W. possède une connaissance  assez détaillée de l’écosystème de la région en termes scientifiques.  Elle est employée dans une organisation dédiée à la sauvegarde des rivières accessibles aux pêcheurs sportifs aux États-Unis, et s’occupe de promouvoir la pêche sportive dans le respect des écosystèmes locaux. C’est une femme américaine blanche, née dans un État du Lower 48, étant récemment venue habiter  Anchorage avec sa famille. Elle a ajouté qu’elle aimerait que son fils, âgé de 3 ans au moment de l’entretien, puisse un jour aller pêcher à Bristol Bay et profiter de la beauté unique de ce lieu et de ses ressources naturelles. D’une manière ou d’une autre Mme Williams a pu appréhender le réel alaskien et a pu y trouver du sens à son être propre ainsi qu’à celui de ses proches : sans la connaître intimement, elle juge légitime la prise écouménale autochtone, et, nous l’interprétons ainsi, cette prise écouménale enrichit la sienne de façon substantielle. Elle tire alors son éthique non pas de la connaissance objective des risques pour l’environnement que Pebble Mine représente, mais d’une sorte d’appropriation psychologique de la valeur que d’autres groupes humains ont fabriquée à partir de leurs expériences directes de production matérielle et culturelle, dans certain conditions éco-techno-symboliques. On peut voir dans ce cas un exemple de complexification de la chaîne trajective, ce qui nous parait être un processus souvent obligatoire pour tout individu issu d’un milieu occidental et moderne, afin de se reconnaitre dansune nature. [6]
            D’autres pêcheurs sportifs, moins empathiques que Mme W., avancent leurs propres raisons concernant la protection des eaux de Bristol Bay selon des principes plus « modernes » : la valeur intrinsèque de l’écosystème et l’importance de la pêche sportive en tant que style de vie à préserver pour les générations futures. De cette manière, eux aussi font partie des alliées anti-Pebble.

7. Red Gold


Avant que l’on puisse considérer, et a fortiori quantifier, la rareté ou l’utilité d’une certaine ressource, il faut d’abord que telle ou telle donnée de l’environnement (S) ait été instituée en tant que ressource (S/P) par une certaine histoire, dans un certain milieu. (A. Berque, Poétique de la Terre, 2014)
            Jusqu’ici nous avons tenté de nous frayer un chemin à travers la description de l’histoire de Bristol Bay et les différents "portraits"  du rapport  entre êtres humains et saumons. On a vu que ces éléments  contribuaient, de façon complémentaire, à faire de cet animal à la fois un objet prisé et un interlocuteur privilégié, et, au final, une ressource totale. Par le terme de « total », nous entendons le degré d’implication des individus et de la société par rapport au corps médial du saumon. Or, cette qualité ressort de manière frappante lorsque des externalités tentent d’atténuer, voire de détruire ce primat. La controverse soulevée par Pebble Mine en est la preuve : le cuivre et l’or,  des matériaux « précieux » reposant tout près des saumons qui envahissent les rivières de Bristol Bay chaque été,  n’ont pas encore de prise symbolique suffisante pour pouvoir être considérés comme concurrents  réels du saumon. En d’autres lieux d’Alaska, ils ont reçu le statut de ressources primaires, mais à Bristol Bay, la toute dernière frontière, la partie n’est pas finie. Le surnom attribué au saumon dans cette bataille médiatique, « red gold »  en est un exemple. Or, « red gold » est aussi un terme populaire pour indiquer le cuivre : ce jeu de mots est  la quintessence de cette dynamique de confrontation entre ressources et valeurs.
            La trajectivité du saumon lui assure pour le moment un pouvoir ontologique indispensable : « Cette source est la ressource entre toutes, celle où périodiquement, rituellement, l’être se ressource dans son être-là » (Berque, 2012) Dans l’exemple rapporté par Augustin Berque, « l’être-là » fait référence au pèlerinage des Huichols au cerro Quemado : la source de l’être est donc ancrée dans un lieu particulier et, grâce à sa vertu, sacré. Dans notre cas, à Bristol Bay, on retrouve une déclinaison diversement dynamique d’une telle dialectique homme-milieu: alors que les Huichols se déplacent chaque année pour aller puiser du sens sur le cerro Quemado, à Bristol Bay, ce sont les saumons qui reviennent vers les lieux de vie des habitants de la baie pour les ressourcer. Ces mouvements, formellement différents, donnent le même résultat substantiel : le lieu, l’animal, deviennent les réceptacles du sacré.
            Ces rapports ne peuvent pas nous laisser indifférents lorsqu’on entend parler de  "last frontier". Si l’on accepte de voir le monde en le reconnaissant comme étant notre milieu et non pas une res extensa séparée de notre être, si l’on accepte de nous re-cosmiser, alors ces  frontières, ces sillons sur la surface terrestre privés d’ontologie propre,  se déploieront  sous nos yeux et regagneront le niveau de surface ; et ce faisant, il deviendront un espace et donc un milieu. Les migrations du saumon servent aussi  à relier entre eux les milieux, à reformer cycliquement la géographie de cette frontière épanouie. Si l’on trouve encore du sens dans le concept de la dernière frontière, c’est parce que l’on peut la parcourir avec nos pieds et y trouver une dimension quelque peu adaptée à notre physicité humaine : cela est possible grâce au couplage de notre corps avec un milieu technique et symbolique reposant sur la richesse de l’altérité animale.

7. Protée
En guise de conclusion, nous proposons une réflexion inspirée par la mythologie grecque. Protée, dieu de la mer chargé par Poséidon de veiller sur ses créatures aux alentours de l’ile de Pharos, est capable de se métamorphoser à l’infini. Il possède aussi un pouvoir divinatoire qu’il exerce uniquement lorsqu’il revêt une forme humaine, ce qui rend possible la parole. Il n’aime pas partager son savoir, et, pour l’obliger à parler, il faut le capturer lors de sa sieste, lorsqu’il dort, avec son corps de vieillard dans les grottes, en compagnie de ses phoques. Le vortex métamorphique de Protée nous semble être un phénomène stimulant à considérer lorsqu’on tente de capter la complexité symbolique du saumon : il s’agit d’une oscillation sémantique poussée au paroxysme, qui regagne enfin sa détente avec une verbalisation, et, dans notre cas, avec le déploiement de la valeur. Le saumon, en raison de son histoire et du synchronisme de ses multiples pistes symboliques, se retrouve, comme Protée, dans un état de perpétuel changement entre plusieurs complexes éco-techno-symboliques : et pourtant, il parle aux Alaskiens et à tout ceux qui veulent l’entendre. Il faut juste « l’attraper » lorsque nous sommes prêts à écouter sa nature.

Bibliographie principale

Berque, A.,
ÉcoumèneIntroduction à l’étude des milieux humains.  Paris, Belin, 1987.
Poétique de la TerreHistoire naturelle et histoire humaine. Essai de mésologie. Paris, Belin, 2014.
Mésologie du sacré, p. 93-101 dans Bérengère HURAND et Catherine LARRÈRE, dir., Y a-t-il du sacré dans la nature ?, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014 (Actes du colloque Y a-t-il du sacré dans la nature ? Université Paris I, 27-28 avril 2012).

Carter, B.,
 Red Summer: the Danger and Madness of Commercial Salmon Fishing in Alaska, Tucson, Schaffner Press, 2008.

Evans, S., M. Kukkonen, D. Holen, and D. S. Koster,
Harvest and Uses of Wildlife Resources in Dillingham, Alaska, 2010. Anchorage, Alaska Deparment of Fish and Game, Division of Subsistence Technical Paper No. 375, 2013.

Wolfe J. R.,
Playing with Fish and Other Lessons from the North, Tucson, The University of Arizona Press, 2006.

[1] Dans ce texte nous utilisons les concepts de l’approche mésologique développée par Augustin Berque, que nous tirons de ses ouvragesÉEcoumène (éd.Belin 1987) , Poétique de la Terre (éd. Belin 2014) et du texte « Mésologie du sacré », communication au colloqueY-a-t-il du sacré dans la nature ?, qui a eu lieu à l’Université Paris I en avril 2012 (actes publiés sous la direction de Bérangère HURAND et Catherine LARRÈRE, Y a-t-il du sacré dans la nature ?, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 93-101)..
[2] Avant cette date le slogan était, à partir de 1965, “North to the Future”,  et pendant quelques années, « The Great Land »
[3] Notons comment le titre de cet ouvrage – qui d’ailleurs est l’un des piliers intellectuels du mouvement écologiste américain des années ’60 - renvoie de manière examplaire au dualisme entre esprit et matière qui caractérise l’approche épistémologique de l’homme moderne à son milieu.
[4] Extrait d’un entretien conduite par Robert Wolfe pour son ouvrage Playing with fish, 2006
[5] Cette phrase est le titre de plusieurs vidéos-amateurs (repérables sur Youtube.com) filmées par des pêcheurs depuis leurs bateaux , où l’on voit les saumons en migration s’abattre violemment contre les filets dérivants à l’arrière des bateaux, en produisant un effet visuel très frappant, révélateur de l’abondance des saumons aussi bien que de la montée d’adrénaline éprouvée par les pêcheurs lors de ce véritable « moment de gloire ».
[6] Cependant, ce discours, qui peut paraître évident, n’est jamais vraiment assumé par les acteurs sociaux : ils préfèrent s’enivrer du sens éthique projeté sur les chiffres, les images, les graphiques, qui sont supposés illustrer la valeur totale, intrinsèque, écrasante de la nature de cette toute dernière frontière. « Science has talked » a été le slogan du « parti » anti-Pebble, suite à la publication, en janvier 2014, du dossier de l’Environmental Protection Agency (EPA) défavorable au développement du projet.

Crédits photographiques :  l'ensemble des images (choisies par Mésologiques.fr / Yoann Moreau) sont tirées des oeuvres de Charlie George Sr. Xalxidi, Royal BC Museum, (crayons de couleurs sur papier, autour de 1910). Source