mercredi 28 juin 2017

Chaînes sémiologiques et production de la réalité / A. Berque

The Exaltation of the Arts (Jan Leyniers, 1660)
Brussels Manufactory (tapestry)
Congrès de l’Association française de sémiotique
Greimas aujourd’hui : l’avenir de la structure
UNESCO, Paris, 30 mai – 2 juin 2017
Chaînes sémiologiques et production de la réalité
par Augustin Berque


Résumé – La notion barthésienne de « chaîne sémiologique » est ici rapprochée de la notion mésologique de chaîne trajective, et corrélativement de la notion de mitate 見立て (voir un lieu a en tant que lieu b) et de la « logique du lieu » (dite également « logique du prédicat ») de Nishida. Dans cette optique, la réalité se définira comme la trajection (par les sens, l'action, la pensée, le langage) de S en tant que P, soit la formule r = S/P, ce qui permet la synthèse entre logique de l'identité du sujet (Aristote) et logique de l'identité du prédicat (Nishida). La notion de chaîne trajective, soit la formule (((S/P)/P')/P'')P'''..., permet de prendre en compte l'histoire et l'évolution. S'ensuivent une série de rapprochements entre les chaînes sémiologiques barthésiennes, la tonation (Tönung) chez Uexküll, la sémiose chez Peirth, voire la physique chez Heisenberg. Il s'agira ici d'ordonner ces divers rapprochements en tant que production de la réalité (le milieu, Umwelt) à partir du Réel (l'environnement, Umgebung), et réciproquement.



§ 1. Le sens, du point de vue mésologique
Je parlerai ici de sens, terme qui vous est familier, mais du point de vue de la mésologie[1], terme qui vous l’est moins. Ce terme figurait dans la première édition du Petit Larousse, en 1906, il n’y est plus aujourd’hui. En 1906, le Petit Larousse le définissait comme « Partie de la biologie qui traite des rapports des milieux et des organismes », « milieu » étant pour sa part défini sous ce rapport comme « Lieu dans lequel on se meut. Sphère morale ou sociale : être sorti de son milieu ». À peu de chose près, c’était là effectivement le sens dans lequel l’entendit le créateur du terme « mésologie », le physiologiste Charles Robin (1821-1885), qui l’introduisit lors de la séance inaugurale de la Société de biologie, le 7 juin 1848, comme le rappelle Georges Canguilhem :

« Dans le Système de Politique positive (1851) Comte nomme deux jeunes médecins qu’il donne pour ses disciples, les docteurs Segond et Robin. Ce sont là les deux fondateurs, en 1848, de la Société de Biologie (…). L’esprit qui animait les fondateurs de la Société était celui de la philosophie positive. Le 7 juin 1848, Robin lisait un mémoire Sur la direction que se sont proposée en se réunissant les membres fondateurs de la Société de biologie pour répondre au titre qu’ils ont choisi.  Robin y exposait la classification comtienne des sciences, y traitait dans l’esprit du Cours des tâches de la biologie, au premier rang desquelles la constitution d’une étude des milieux, pour laquelle Robin inventait même le terme de mésologie »[2].

            Bien que cette mésologie ait eu pignon sur rue au XIXe siècle, notamment sous l’impulsion d’un collègue de Robin, le médecin et statisticien Louis-Adolphe Bertillon (1821-1883) – à qui, pour cette raison, l’on attribue souvent mais à tort la paternité de cette discipline –, celle-ci a été peu à peu évincée par l’écologie, plus tard venue (c’est en 1866 que Haeckel lance Ökologie, qui pénétrera en français sous la forme écologie en 1874). On peut s’interroger sur cette éviction, la définition d’Ökologie étant initialement à peu près la même[3] que celle de la mésologie, et la première édition du Petit Larousse ignorant encore le terme « écologie ». C’est sans doute qu’en tant que science positive, considérant des objets, la mésologie ne pouvait couvrir sans un réductionnisme abusif le champ qu’elle s’était attribué ; aussi bien, celui-ci est-il aujourd’hui couvert par deux sciences bien distinctes, l’écologie et la sociologie.
            Or tandis que la mésologie périclitait en France, une mésologie nouvelle naissait en Allemagne dans les travaux du naturaliste balte Jakob von Uexküll (1864-1944), sous le nom d’Umweltlehre. Nouvelle, parce qu’Uexküll opère un changement de point de vue radical : il s’agit désormais  de considérer l’animal – disons plus largement le vivant – non plus comme un objet mais comme un sujet (als Subjekt), qui en tant que tel établit avec le donné environnemental (Umgebung) une relation propre à son espèce, élaborant de la sorte ce qui est son milieu spécifique (Umwelt). D’où cette distinction capitale : le milieu (Umwelt) n’est pas l’environnement (Umgebung). L’environnement est universel, donné tel quel à toutes les espèces, le milieu est singulier, propre à telle ou telle espèce. C’est dire du même pas que, si l’environnement fait l’objet de l’écologie, la mésologie a pour objet les milieux, qui sont aussi nombreux que les espèces vivantes[4].
            C’est là dire aussi, et par là même, que le milieu a un certain sens, lequel est propre à chaque espèce ; et de fait, l’ouvrage dans lequel Uexküll fera en 1934 la synthèse de ses travaux[5], Incursions dans les milieux d’animaux et d’humains, comprend un second essai intitulé Théorie de la signification, dans lequel, avec un demi-siècle d’avance, sont jetées les bases de ce qui deviendra plus tard la biosémiotique. Selon son (re)fondateur, le biologiste danois Jesper Hoffmeyer, celle-ci sera posée comme l’étude de la « sémiosphère » qui est inhérente à la vie :

« La sémiosphère est une sphère tout comme l’atmosphère, l’hydrosphère, et la biosphère. Elle pénètre dans tous les coins ces autres sphères, en incorporant toutes les formes de la communication : sons, odeurs, mouvements, couleurs, formes, champs électriques, radiations thermiques, ondes de toute espèce, signaux chimiques, toucher, etc. Bref, des signes de vie »[6].

            Personnellement, j’ai découvert la mésologie chez le philosophe japonais Watsuji Tetsurô[7] (1889-1960), qui en avait probablement entendu parler lors d’un séjour en Allemagne, en 1927-1928, et qui en fit le thème d’un livre publié en 1935, Fûdo (Milieux)[8]. La mésologie (fûdoron 風土論) de Watsuji est effectivement fondée sur le même principe que celle d’Uexküll : distinguer le milieu (fûdo 風土) de l’environnement naturel (shizen kankyô 自然環境), car le premier suppose la subjectité (shutaisei 主体性) de l’être considéré, humain en l’occurrence. En effet, Watsuji borne sa mésologie aux milieux humains, et la définit comme une phénoménologie herméneutique. C’est dans cette même optique que j’ai écrit l’un de mes premiers essais sur le milieu nippon, Le sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature[9], dont le thème était en effet de saisir le sens que les Japonais, au fil de l’histoire, ont donné à leur relation à la nature de leur archipel.
            Ce livre fut pour moi l’occasion de définir comment, du point de vue mésologique, j’entendais le mot « sens » ; à savoir, triplement :
1. Une direction physique dans l’espace-temps, comme lorsqu’on dit « prendre une rue en sens interdit », ou « dans le sens des aiguilles d’une montre » ; on est là niveau ontologique de la matière, et de cette entité physico-chimique qu’est la planète.
2. La faculté de sentir que possède tout être vivant, comme lorsqu’on parle du « sens de l’ouïe », ou que l’on dit « tu n’as pas le sens du rythme » ; on est là au niveau ontologique de la chair, et de cette entité écologique qu’est la biosphère.
3. La signification des choses, et en particulier celle des signes, comme lorsqu’on dit « le sens de cette phrase », ou « cela n’a aucun sens » ; on est là au niveau ontologique de l’esprit, et de cette entité éco-techno-symbolique qu’est l’écoumène, c’est-à-dire l’ensemble des milieux humains, ou la relation de l’humanité à l’étendue terrestre.
            Le niveau 3 suppose le niveau 2, qui suppose le niveau 1, alors que l’inverse n’est pas vrai, justement parce qu’il y a un sens – celui de l’évolution et de l’histoire – dans la suite 1-2-3, et a priori non pas dans la suite 3-2-1, non plus qu’il n’y en aurait à couper le niveau 3 des deux autres niveaux qu’il suppose. En ce sens, la mésologie récuse radicalement la clôture des systèmes de signes sur eux-mêmes.

§ 2. La ternarité de la réalité
La mésologie d’Uexküll se donnait fondamentalement pour objet de comprendre ce qu’est la réalité pour un certain animal. Cette réalité n’est pas réductible à ce qui est la réalité pour l’observateur. C’est une réalité concrète, supposant conjointement l’animal et son propre milieu, tandis que celle de l’observateur est une réalité abstraite, supposant le regard de nulle part que la science moderne porte sur un environnement objectifié. Uexküll parle donc de « contrepoint » (Kontrapunkt) et de « contre-assemblage » (Gegengefüge) entre l’animal et son milieu : l’un suppose l’autre, l’un n’existe pas sans l’autre, tandis que l’environnement s’impose tel quel à toutes les espèces. Ainsi un même objet pourra exister différemment selon l’espèce considérée. Pour dire ce mode d’existence, Uexküll parle de Ton, ce que les traducteurs ont généralement rendu par « tonalité », « coloris » etc., mais que je préfère traduire par « en tant que » pour la raison que l’on verra plus bas. Par exemple une même touffe d’herbe, concrètement, pourra exister en tant qu’aliment (Esston) pour la vache, en tant qu’obstacle (Hinderniston) pour la fourmi, en tant qu’abri (Schutzton) pour le scarabée, etc.  
            C’est dire que, dans la relation médiale – le contrepoint – entre l’animal et son milieu, le donné environnemental prend un sens particulier. Cette prise de sens, qui engendre un certain mode existentiel,  Uexküll l’appelle très logiquement « tonation » (Tönung). Il ne va pas toutefois jusqu’à créer de concept proprement ontologique pour dire ce mode existentiel. Watsuji en revanche, qui était philosophe, en pose un dès la première ligne de Fûdo : « Ce que vise ce livre, c’est à élucider la médiance (fûdosei 風土性) en tant que moment structurel de l’existence humaine »[10]. Par ajout du suffixe sei , qui conceptualise (comme –ness en anglais, ou en français –ité), ce concept de fûdosei est dérivé très régulièrement de fûdo[11], terme qu’après moult cogitations je m’étais résolu à rendre par « milieu » ; d’où « médiance », dérivé de la racine latine med qui est celle de « milieu » mais celle aussi de medietas, qui a donné en français « moitié ». La médiance en effet, c’est le contrepoint, le contre-assemblage de deux « moitiés » indissociables, l’une qui est un certain être, et l’autre qui est son milieu.
            Ce concept, on voit que Watsuji l’a défini comme « le moment structurel de l’existence humaine (ningen sonzai no kôzô keiki人間存在の構造契機) ». « Moment structurel (kôzô keiki構造契機) » traduit ici directement l’allemand Strukturmoment, où das Moment (et non der Moment, i.e. un court laps de temps) a le sens que lui donne la mécanique, à savoir le couplage dynamique de deux forces. Pour la mésologie de l’écoumène, la médiance en somme, c’est le couplage dynamique de l’individu et de son milieu éco-techno-symbolique, lequel est nécessairement collectif (tel le langage), comme Watsuji, du reste, l’illustre par le mot même de ningen 人間 (être humain, Mensch), dont il a fait le concept central de son éthique[12], et où le premier sinogramme (, lu hito quand il est seul) signifie pour lui la moitié individuelle de l’humain, l’autre moitié étant son aida () ou plus concrètement son aidagara 間柄, i.e. son entrelien avec autrui et, par ce truchement, avec les choses de son milieu. C’est pourquoi Fûdo a pour sous-titre Ningengakuteki kôsatsu 人間学的考察, « réflexion sur l’entrelien humain ».
            Bien que dynamique, la médiance est chez Watsuji plutôt un état qu’une opération. Comme il l’écrit, le milieu donne chair (nikutai 肉体) à l’histoire, mais cela ne dit pas comment l’histoire, à partir de l’environnement, donne sens au milieu. Cette opération qui donne sens au milieu, c’eût été l’équivalent conceptuel, à la fois ontologique (ou plutôt ontogénétique) et logique, de ce qu’Uexküll a rendu par l’image de la Tönung. Avant d’écrire Le sauvage et l’artifice, il me manquait donc encore un terme pour dire cette prise de sens, qui au fil de l’histoire a produit la médiance nippone. J’ai relaté dans ce livre comment ce sont Gilbert Durand et Piaget qui, à partir de la notion de trajet, m’ont guidé en fin de compte vers le néologisme de trajection[13]. Parallèlement, j’étais guidé aussi par un concept de l’esthétique japonaise, le mitate 見立て, littéralement « instituer par le regard », autrement dit voir comme, voir en tant que. Cela consiste, par exemple, à voir un certain paysage comme si c’en était un autre, célèbre en peinture ou en littérature[14].
            À ce stade, toutefois, je ne disposais pas d’une formulation proprement logique et ontologique de la trajection ; la notion n’allait donc guère plus loin que de postuler que la réalité concrète est trajective, c’est-à-dire une sorte de va-et-vient entre les deux pôles théoriques du subjectif et de l’objectif, que le dualisme moderne a dissociés.
            Le problème est en effet logique et ontologique à la fois ; c’est de savoir comment, dans la biosphère, une même touffe d’herbe peut concrètement exister en tant qu’aliment (soit A) mais aussi en tant qu’obstacle (soit non-A) ; ou bien comment, dans l’écoumène, les « huit paysages de la Xiang et de la Xiao » (Xiao-Xiang ba jing 瀟湘八景 dans le Zhejiang, soit A) peuvent aussi exister au Japon en tant que « huit paysages d’Ômi » (Ômi hakkei 近江八景, soit non-A). Comment un même objet peut-il être deux choses différentes, et comment deux lieux géographiquement différents peuvent-ils être un même paysage ?
            La réponse, c’est que la réalité, concrètement sinon dans l’abstrait, ne s’établit pas dans un rapport binaire (S est P, l’herbe est un aliment) mais dans un rapport ternaire : S est P pour I (l’interprète), l’herbe est un aliment pour la vache, mais pour la fourmi, c’est un obstacle. Les rives du lac Biwa près d’Ômi ne sont pas en elles-mêmes (S) celles des rivières Xiao et Xiang (P), elles le sont pour les lettrés (I). Soit, toujours, le rapport ternaire S-I-P, non pas le rapport binaire S-P. Dans la biosphère aussi bien que dans l’écoumène, en biologie comme en histoire de l’art, la réalité (r) n’est donc pas l’en-soi (S) du Réel (R), c’est-à-dire un pur objet (S), elle est nécessairement trajective, c’est-à-dire S en tant que P pour I ; ou pour simplifier en sous-entendant I : la réalité, c’est S en tant que P, soit la formule r = S/P.
            Et cela vaut même en physique, du moins à l’échelle quantique, et à cette différence près que l’interprète I, là, n’est pas un être vivant, mais l’appareillage – ou plus abstraitement la méthode – de l’expérimentation. Selon la méthode I, en effet, une même particule S existera concrètement soit en tant qu’onde (P), soit en tant que corpuscule (P’). Autrement dit, soit en tant qu’A, soit en tant que non-A, dans un rapport ternaire et non pas binaire ; ce qui conduisit Heisenberg à écrire, closant ainsi trois siècles de dualisme moderne :  

« S’il est permis de parler de l’image de la nature selon les sciences exactes de notre temps, il faut entendre par là, plutôt que l’image de la nature, l’image de nos rapports avec la nature. (…) C’est avant tout le réseau des rapports entre l’homme et la nature qui est la visée de cette science. (…) La science, cessant d’être le spectateur de la nature, se reconnaît elle-même comme partie des actions réciproques entre la nature et l’homme. La méthode scientifique, qui choisit, explique, ordonne, admet les limites qui lui sont imposées par le fait que l’emploi de la méthode transforme son objet, et que, par conséquent, la méthode ne peut plus se séparer de son objet »[15].

§ 3. Les chaînes trajectives
C’était là reconnaître que tout est affaire de milieu (Umwelt, fûdo, S/P), plutôt que d’environnement (Umgebung, shizen kankyô, S). Autrement dit, nous avons concrètement affaire avec des choses (S/P), non pas abstraitement avec des objets (S) – rappelons en passant que le sujet du logicien, i.e. ce dont il s’agit (S),  c’est l’objet du physicien (S). Trajectés en tant que quelque chose (als etwas) par les sens, par l’action, par la pensée, par le langage, les objets de l’environnement ek-sistent hors de leur identité abstraite (S) pour devenir, en rapport avec nous, les choses concrètes (S/P) de notre milieu.
            Si toutefois c’est là poser la trajectivité ou la médiance des choses (S/P), ce n’est pas encore dire comment fonctionne la trajection qui fait ek-sister l’objet hors de son identité (S). Cette trajection est certes analogue à une prédication (S est P, le sujet S est le prédicat P), mais elle n’y réduit pas, puisqu’elle ne concerne pas seulement le langage mais d’abord les sens et l’action (ce qui vaut pour tout le vivant dans toute la biosphère), puis la pensée (ce qui vaut pour les animaux supérieurs), et enfin seulement le langage (ce qui, double articulation oblige, ne vaut que pour le seul zôon logon echôn, dans la seule écoumène)[16]. Dans la concrétude, ou mieux la concrescence (le croître-ensemble, cum-crescere) du milieu S/P et de l’interprète I, la trajection est non seulement un processus, mais c’est un enchaînement où, compte tenu de la mortalité du vivant et de la ternarité S-I-P, de nouveaux interprètes I, I’, I’’, I’’’ et ainsi de suite ne cessent de réinterpréter ce qui était la réalité (S/P) pour l’interprète antérieur. Dans ce processus, S/P se trouve indéfiniment placé en position de sujet (S) par rapport aux nouveaux prédicats P’, P’’, P’’’ et ainsi de suite. Le processus évolue donc en (S/P)/P’, puis en ((S/P)/P’)/P’’, puis en (((S/P)P’)/P’’)/P’’’, et ainsi de suite, indéfiniment.
            C’est là une figuration non seulement logique, mais ontologique aussi. Dans l’histoire de la pensée européenne, et cela depuis Aristote, il y a en effet homologie entre le rapport sujet/prédicat en logique et le rapport substance/accident en métaphysique ; car le sujet logique, « ce qui gît dessous », to hupokeimenon, ou « ce qui est jeté dessous », subjectum, c’est aussi la substance, le « se-tenir-dessous », hupostasis ou substantia. Cette vision est si prégnante que les scolastiques iront jusqu’à attribuer au sujet le genre féminin, et au prédicat le genre masculin, dans la position orthodoxe de la copulation[17] : 

« ‘Parmi ceux qui appliquent la grammaire de Vénus (…) [i]l y en a qui, prenant la fonction du sujet, ignorent le prédicat, d’autres qui se contentant du prédicat, ne se prêtent nullement à la soumission légale du terme sujet’ (…) [A]u couple subjectum / praedicatum, employé d’abord par les grammairiens, se substitue dans la seconde moitié du XIIe siècle le couple suppositum / appositum (…) Alain [de Lille] n’est ni grammairien ni logicien, et en tant que poète il joue ici à son gré de ces termes techniques. Le texte impose que le prédicat désigne l’élément mâle du couple et que le sujet soit l’élément femelle (celui qui est ‘placé sous’ dans la position ‘légale’ du rapport sexuel (subjecti termini subjectionem legitimam) (…) Le sujet (suppositum) dans toute phrase a la valeur du féminin parce qu’il est ‘placé sous’, tandis que le prédicat qui lui est joint (appositum) a celle du masculin. Manifestement, Alain fait allusion à la position dite ‘naturelle’ du coït. Le prédicat est l’homme parce que c’est lui qui, par sa semence, permet au substantif féminin de procréer le sens ».

            Or le sens n’est pas seulement « procréé » dans la trajection S/P, il ne cesse d’évoluer dans la chaîne trajective  (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’…, et ainsi de suite, indéfiniment ; et ce faisant, il ne cesse de se substantialiser (je n’irai pas jusqu’à dire « féminiser »[18]). En effet, si dans la relation initiale S/P, S est substantiel et P insubstantiel – car il n’est qu’un accident, un attribut, qui à lui seul n’existe pas vraiment :

« [Pour Aristote] un prédicat n’a pas proprement d’existence, il n’est pas un être, mais il présuppose des existants desquels il puisse être prédiqué et qui, dans une proposition, joueront le rôle de sujets, hupokeimena. […] Le sujet doit en effet y être entendu comme une substance »[19],

et si même, dans la « logique du lieu (basho no ronri 場所の論理) » de Nishida Kitarô (1870-1945), laquelle, en substituant l’identité du prédicat à l’identité du sujet, culbutait pourtant la logique aristotélicienne en son énantiomère, le prédicat est posé comme un « néant absolu (zettai mu 絶対無) »[20], en revanche, dans les chaînes trajectives de la réalité concrète : (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’…, le prédicat P, au fur et à mesure du déroulement d’une chaîne, est placé en position de sujet S’ par rapport au prédicat suivant P’, puis de S’’ par rapport à P’’, et ainsi de suite ; c’est dire qu’il gît toujours plus profondément sous l’accumulation des prédicats subséquents P’, P’’, P’’’… et ainsi de suite. Il devient donc de plus en plus « gisant-dessous », hupokeimenon.
            Cette substantialisation de l’insubstantiel, c’est ce que l’on appelle en métaphysique une hypostase. Dans les chaînes trajectives de la réalité, il y a de la sorte, en spirale, indéfiniment assomption de S en tant que P, hypostase de P en S’, et ainsi de suite. C’est dire, concrètement, que le sens devient chose, et que les choses deviennent des objets réels, de plus en plus matériels, mais réciproquement aussi : derechef, mais un chaînon plus loin, l’objet devient chose, la chose devient sens, et ainsi de suite.  L’évolution, l’histoire, c’est cela : le déroulement d’une chaîne trajective, où, indéfiniment, s’inverse mais se reprend toujours plus outre la relation matière/vie/esprit[21].   

§ 4. Quand le mythe s’hypostasie en histoire
Les familiers de Roland Barthes auront en mémoire ses fameuses Mythologies[22] , où il est question de « chaînes sémiologiques ». Barthes, on le sait, interprète le signe comme relation entre signifiant et signifié, selon la formule « Sã/Sé = signe ». Or les Mythologies montrent que, dans le mythe, cette relation est « doublée » :

« Le mythe se constitue à partir d’une chaîne pré-existante : le signe de la première chaîne devient le signifiant du second […ce que Barthes illustre par] une phrase figurant comme exemple d’une grammaire : c’est un signe composé de signifiant et de signifié, mais qui devient dans son contexte de grammaire un nouveau signifiant dont le signifié est : ‘je suis ici comme exemple d’une règle grammaticale’ »[23].

            L’effet de ces chaînes sémiologiques est, selon Barthes, que ce qui est historique se trouve mythiquement déshistoricisé et, de ce fait, naturalisé. Tel est le mythe : l’histoire travestie en nature. Au lu de ce qui précède, on comprendra : un prédicat P travesti en sujet S, un accident insubstantiel travesti en substance ; et c’est effectivement ce qui se passe dans l’histoire des milieux humains, tout comme dans l’évolution des milieux vivants[24], où il y a, par « calage trajectif »[25], indéfiniment hypostase (substantialisation) de S/P en S’ par rapport à un prédicat postérieur P’, puis de cet (S/P)/P’ en S’’ par rapport à un prédicat ultérieur P’’, et ainsi de suite, selon la formule (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’…, indéfiniment. Et de fait, on peut représenter les chaînes sémiologiques barthésiennes exactement de la même façon[26] : (((Sã/Sé)/ Sé’)/ Sé’’) / Sé’’’… et ainsi de suite, indéfiniment.
            Plus simplement dit, cela signifie que dans les chaînes sémiologiques, tout comme dans les chaînes trajectives, il y a toujours interprétation d’interprétations, on-dit d’on-a-dit, perçu de perceptions, etc. ; d’où, indéfiniment, naturalisation de l’artifice, hypostase des prédicats, autrement dit ce que Heidegger, dans L’origine de l’œuvre d’art, appelle le retrait de l’œuvre dans la Terre. Du point de vue de la mésologie, cela conduit certes à admettre que la réalité des milieux est toujours quelque peu mythique[27], mais n’équivaut pas pour autant au métabasisme (le « on en a fini avec la base » de la French theory) d’un pur constructivisme, car le S ou le Sã initial, la Terre, gît toujours néanmoins là, sous nos pieds comme devant nos yeux.
            Ce que le rapprochement susdit entre chaînes trajectives et chaînes sémiologiques ne montre pas, toutefois, c’est que la dyade S-P ne peut concrètement s’établir que dans un rapport ternaire S-I-P, où I est l’interprète pour lequel S existe en tant que P. Ce n’est que dans la ternarité concrète – plus : concrescente – de S-I-P que S peut être P, donc signifier quelque chose ; il va de soi en effet que l’on peut transposer la triade S-I-P en une triade Sã-I-Sé. L’on retrouve ici le principe ternaire de la sémiotique visuelle de Charles Sanders Peirce (1839-1914), qui se distingue comme on le sait radicalement de la binarité du signe saussurien :

« Le signe saussurien naissant de l’association d’un signifiant et d’un signifié, il s’ensuit que la source de la signification réside à l’intérieur du signe, comme dans une capsule. Il en va autrement de la position peircienne, qui est d’inspiration empiriste : ici la source de la signification se trouve forcément en dehors du signe. De ce fait, parler de la manière dont un signe fonctionne entraîne fatalement la prise en compte du contexte et des circonstances dans lesquelles l’interprétation sémiotique a lieu (…) »[28].

            Il est vrai que ce que Peirce appelle the Interpretant dans la triade dont les deux autres termes sont the Object et the Sign, n’est pas exactement ce que j’entends ici par I (l’interprète – à savoir un être vivant – de S en tant que P)[29] ; ce serait plutôt le noème que I a dans la tête à propos de S, autrement dit ce que j’entends par P ; mais peu importe ici. L’intéressant est que, pour Peirce, l’interpretant peut indéfiniment, à son tour, être réinterprété en d’autres interpretants, dans le processus que Peirce nomme semiosis ; et c’est aussi que, du point de vue de la mésologie, cette sémiose n’est autre qu’une chaîne sémiologique, donc une chaîne trajective, et ce avec les mêmes effets : l’intrication de la nature (S), de l’histoire (S/P) et du mythe (P) dans la réalité des milieux, donc dans la réalité des choses telles qu’elles existent pour nous.
            Si toutefois les chaînes sémiologiques barthésiennes montrent bien comment l’histoire devient mythe, autrement dit comment le signe Sã/Sé est hypostasié en un signifiant du second degré Sã’, elles ne montrent pas l’inverse : comment cette hypostase devient vraiment substantielle, c’est-à-dire comment le mythe devient histoire, jusque dans les faits les plus matériels. Or c’est bien ce qui se passe dans l’histoire des milieux concrets. J’en ai détaillé un exemple dans un ouvrage antérieur, Histoire de l’habitat idéal, de l’Orient vers l’Occident[30]. L’« habitat idéal » en question, c’est la maison individuelle au plus près de la nature, que plébiscitent, avec une remarquable constance, les trois quarts des Français (ils ne sont pas les seuls). L’histoire montre que cet idéal a pris son origine dans deux mythes homologues, en Occident celui de l’Âge d’or puis sa suite arcadienne, en Orient celui du Datong 大同, la « Grande Identité » où les dieux étaient les commensaux des humains, et où les villes, closes de murailles et de douves, n’existaient pas encore. De ce mythe est née, sous les Six Dynasties (IIIe-VIe siècle), la pratique de l’ermitage mandarinal ; de cette pratique l’idée de paysage, shanshui 山水, que l’on date communément de la réunion du Pavillon des orchidées (Lanting)[31], le 3e jour du 3e mois de 353 ; de celle-ci l’aménagement de jardins paysagers ; de ceux-ci, avec leurs « fabriques » figurant de faux ermitages, ce que l’Europe du XVIIIe siècle, les croisant avec le mythe arcadien, prendra pour de véritables maisons dans une nature charmante ; de là, aux XIXe et XXe siècles, le paradigme de nos pavillons banlieusards, lesquels provoqueront l’éclatement des villes et l’étalement périurbain, pour aboutir à l’actuel urbain diffus, dont l’empreinte écologique disproportionnée n’est pas le moindre des facteurs du réchauffement de la planète.
            De la sorte, en trois mille ans d’histoire, ce qui à l’origine n’était qu’un mythe – un simple dire (P) – s’est hypostasié, plus, matérialisé dans les effets telluriques de l’anthropocène (S). La sémiosphère est redevenue atmosphère, le dire est redevenu la Terre, qui pourtant l’avait engendré au fil de l’évolution puis de l’histoire... Ne serait-ce pas ainsi que vit le sens, toujours recommencé mais toujours plus outre, dans les chaînes trajectives de la réalité ?

Palaiseau, 9 mai 2017.


Né en 1942 au Maroc, géographe et orientaliste, Augustin Berque enseigne la mésologie à l’École des hautes études en sciences sociales. Membre de l’Académie européenne, il a été en 2009 le premier occidental à recevoir le Grand Prix de Fukuoka pour les cultures d’Asie, et en 2017 le premier Français admis au Palais de l’environnement terrestre (Chikyû kankyô dendô 地球環境殿堂 : the Earth Hall of Fame KYOTO), qui commémore le Protocole de Kyôto (1995).

         
           




[1] Pour une mise au point récente sur ce thème, v. Augustin BERQUE, La mésologie, pourquoi et pour quoi faire ?, Nanterre La Défense, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014 ; et Là, sur les bords de l’Yvette. Dialogues mésologiques, Bastia, éditions éoliennes, 2017.
[2] Georges CANGUILHEM, Études d’histoire et de philosophie des sciences concernant les vivants et la vie (1968), Paris, Vrin, 1968, p. 71-72. 
[3] Soit, selon l’équivalent allemand du Petit Larousse, le Duden, Deutsches Universal Wörterbuch (éd. 1989) : « Wissenschaft von den Wechselbeziehungen zwischen den Lebewesen u. ihrer Umwelt (als teilgebiet der Biologie) » (science des corrélations entre les êtres vivants et leur milieu, comme partie de la biologie).
[4] La mésologie d’Uexküll s’apparente ainsi à l’éthologie, dont il fut l’un des fondateurs.
[5] Jakob von UEXKÜLL, Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen. Bedeutungslehre, qui sera traduit en français sous les titres Mondes animaux et monde humain (Denoël, 1965) puis Milieu animal et milieu humain (Payot & Rivages, 2010). La seconde traduction ne comporte malheureusement pas la Bedeutungslehre (Théorie de la signification).
[6] Jesper HOFFMEYER, Signs of meaning in the universe, Bloomington & Indianapolis, Indiana University Press, 1996 (1993), p. VII.
[7] Dans l’ordre normal en Asie orientale, patronyme (Watsuji) avant le prénom (Tetsurô) ; ainsi que, plus loin, pour Nishida (patronyme) Kitarô (prénom).
[8] Que j’ai traduit en français sous le titre Fûdo. Le milieu humain, Paris, CNRS, 2011.
[9] Paris, Gallimard, 1986.
[10] Kono sho no mezasu tokoro wa ningen sonzai no kôzô keiki to shite wo akiraka ni suru koto de aru この書の目ざすところは人間存在の構造契機としての風土性を明らかにすることである.
[11] Fûdo est composé des deux sinogrammes « vent » () et « terre » (do). Il rend globalement les particularités aussi bien physiques que sociales d’une certaine contrée. Fûdobyô 風土病, par exemple, c’est « maladie endémique ». Toutefois, est très polysémique, et compte parmi ses acceptions celle de « manière de,  façon, mode ». Par exemple, nihonfû 日本風 signifiera « à la (manière) japonaise ». Dans fûdo, étant en position de déterminant et do en position de déterminé, l’on pourra donc considérer que le milieu (Umwelt, fûdo), c’est l’Umgebung (do) déterminé par un certain Ton (), en somme la manière () d’exister que l’environnement (do) prend pour un certain être.
[12] Un an avant Fûdo, en 1934, Watsuji avait publié Ningen no gaku to shite no rinrigaku 人間の学としての倫理学, « L’éthique comme étude du ningen », i.e. comme étude de l’entrelien humain. Plus tard, son œuvre monumentale Rinrigaku (Éthique) s’est fondée sur le même principe.
[13] J’ai appris bien plus tard que ce terme n’était en fait pas un néologisme. Le Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré en donnait déjà la définition suivante : « Terme de rhétorique. Trajection des épithètes, se dit, dans Eschyle, du transport de l’épithète à un substantif qui semblerait ne pas la comporter (WEIL, Revue critique, 15 janv. 1876, p. 49). Étym. Lat. trajectionem, transposition ou hyperbate, de trajicere (voy. TRAJECTOIRE) ». Toutefois, le sens dans lequel j’utilise « trajection » en mésologie a peu de rapport avec cette définition.
[14] Outre Le sauvage…, op. cit., j’ai détaillé la chose dans Les raisons du paysage, de la Chine antique aux environnements de synthèse, Paris, Hazan, 1994.
[15] Werner HEISENBERG, La nature dans la physique contemporaine (Das Naturbild der heutigen Physik, 1955), Paris, Gallimard, 1962, p. 33-34.
[16] Conformément à son étymologie (hê oikoumenê, l’humainement habitée), « écoumène » est en mésologie du genre féminin. Il est du genre masculin dans son usage traditionnel en géographie, où il désigne la partie habitée de la Terre et non pas la relation humaine à l’étendue terrestre.
[17] Alain DE LILLE [1120-1202 ou 1203], La plainte de Natura (De planctu naturae), traduit du latin et commenté par Yves Delègue, Grenoble, Jérôme Millon, 2013, p. 83, et ibid. note 2, ainsi que p. 105 note 1. 
[18] Les grammairiens appellent une telle figure « prétérition ».
[19] Robert BLANCHÉ et Jacques DUBUCS, La logique et son histoire, Paris, Armand Colin, 1996 (1970), p. 35.
[20] Sur ce thème, v. Augustin BERQUE (dir.) Logique du lieu et dépassement de la modernité, Bruxelles, Ousia, 2000, 2 vol. ; et plus particulièrement mes articles « La logique du lieu dépasse-t-elle la modernité ? », p. 41-52, et « Du prédicat sans base : entre mundus et baburu, la modernité », p. 53-62 dans Livia MONNET (dir.) Approches critiques de la pensée japonaise au XXe siècle, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, 2002.
[21] Je ramasse ici l’idée directrice de mon Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie, Paris, Belin, 2014.
[22] Paris, Seuil, 1957.
[23] Mythologies, op. cit., p. 222-223.
[24] Plus de détails sur ce point dans Poétique de la Terre, op. cit., partic. le chap. X : « Histoire, évolution, trajection ».
[25] Cette expression m’a été inspirée par une notion bouddhique (sk niśraya, jp eji 依止, lu également eshi) dont Frédéric GIRARD, Vocabulaire du bouddhisme japonais, Genève, Droz, 2008, vol. I, p. 212, donne les traductions suivantes : « appui ; prendre appui sur un maître, une personne vertueuse ; résider chez un maître ». Il ajoute cette citation du Mahāyānasūtrālamkāra : « C’est parce qu’ils sont sans nature propre que [tous les dharma] s’érigent / L’antérieur est le point d’appui du postérieur (qian wei hou yizhi前為後依止 ) ».  En somme, pour s’établir, une relation se cale sur une autre, qui la précède, et toutes se calent mutuellement, indéfiniment et sans qu’il y ait besoin d’en substantifier les termes. En revanche, du point de vue des chaînes trajectives, il y a bien substantification, mais toujours relative.
[26] Barthes quant à lui adopte une autre figuration, mais qui revient strictement au même.
[27] Du point de vue de la physique, c’est admettre avec Bernard d’ESPAGNAT (À la recherche du réel. Le regard d’un physicien, Paris, Dunod, 1979 ; et Le réel voilé : analyse des concepts quantiques, Paris, Fayard, 1994) que nous n’atteignons jamais au Réel (l’en-soi pur de l’objet), mais seulement à un « réel voilé », c’est-à-dire entaché par la relation de la méthode avec l’objet, comme l’avait déjà posé Werner HEISENBERG, La nature…, op. cit..
[28] Tony JAPPY, Regards sur le poème muet. Petite introduction à la sémiotique visuelle peircienne, Presses universitaires de Perpignan, 2010.
[29] Y compris en physique, puisque si ce que Heisenberg appelle « la méthode » est un appareillage matériel, cet appareillage est un artefact humain, et les données qui en ressortent sont nécessairement surprédiquées par un interprète humain.
[30] Paris, Le Félin, 2010, poche 2016.
[31] Sur ce thème, v. Augustin BERQUE, La pensée paysagère, Bastia, éditions éoliennes, 2016 (2008).