mercredi 26 décembre 2018

Trajectivité, littérature et traduction / Julie Brock

Paysage bucolique
'Milton Avery, 1945)

Trajectivité, littérature et traduction

Julie Brock (Kyoto Institute of Technology)

Résumé : Dans cet article, nous présentons succinctement la mésologie d'Augustin Berque, et nous expliquons sur quels fondements nous envisageons son application dans le domaine des études littéraires et traductologiques. Dans la première partie, nous expliquons ce que signifie le concept de trajectivité. Augustin Berque se réfère notamment à la chôra platonicienne pour montrer qu'il existe, à l'origine de la pensée occidentale, la notion d'un espace qui n'appartient ni proprement au sujet, ni proprement à l'objet, mais qui les contient tous les deux. La trajectivité définit le mouvement qui permet de relier le sujet et l'objet, le monde abstrait et le monde concret, l'environnement et le paysage, un individu et la société, et plus généralement A et non A. Selon Augustin Berque, ce mouvement se constitue dans la formule « en tant que » (en allemand als, en anglais as, en japonais sunawachi). Il appelle « interprétation » cet acte de conscience du sujet aux yeux de qui, par exemple, l'environnement naturel apparaît en tant que paysage. Dans la deuxième partie, nous posons l'hypothèse que, dans le domaine de la littérature, cette fonction de l'interprète est remplie par le lecteur aux yeux de qui un document textuel apparaît en tant que poème ou en tant que roman. Dans la troisième partie, nous concentrons notre questionnement sur la fonction du traducteur qui se tient à la fois du côté de l'objet et du sujet, du lecteur et de l'auteur, de l'original et du texte nouveau qui deviendra proprement « une traduction ».