Un quagga (espèce éteinte autour de 1880) |
Vous trouverez l'essentiel de ce cours dans "La biodiversité comme impératif moral". Le 14 janvier, A. Berque a plus particulièrement commenté la question du "troisième genre" de la chôra platonicienne. Dans le Timée, la chôra apparaît comme le milieu existentiel de l'être relatif (la genesis), reflet de l'être absolu (on ou eidos, idea).
En 48e du Timée, l'on trouve le passage suivant (traduction A. Rivaud, Timée, Critias, Paris, Les Belles Lettres, 1925) : "Alors nous avions distingué deux sortes d'être (Tote men gar duo eidê dieilometha). Maintenant, il nous faut en découvrir un troisième genre (Nun de triton allo genos hêmin dêlôteon)". Suit un développement où la chôra n'est pas définie, mais seulement cernée par des métaphores qui paradoxalement la font apparaître à la fois comme une matrice ("mère" : mêtêr, "nourrice" : tithênê) et comme une empreinte ("empreinte dans la cire" : ekmageion) de la genesis. Et en 52d, Platon conclut qu' "il y a l'être absolu, la place où naît l'être relatif, et ce qui naît, trois termes existant de façon différente, et qui sont nés avant le Ciel (on te kai chôran kai genesin einai, tria trichê, kai prin ouranon genesthai)".
Du point de vue de la mésologie, le troisième genre de l'être correspond à la trajectivité (S/P) des choses qui font concrètement un milieu (S/P), entre l'objet abstrait en soi (S, i.e. le sujet logique) et le sujet existentiel qui saisit cet objet selon certains prédicats (P), pour en faire concrètement une chose (S/P). De ce point de vue, l'eidos est S, et la chôra comme la genesis, qui sont réciproquement empreinte et matrice, i.e. qui se co-suscitent, sont trajectives (S/P) ; mais il n'y a rien, dans le texte de Platon, qui apparaisse vraisemblablement comparable à P.
Dans Basho (場所, 1927), en revanche, Nishida a rapproché la chôra de ce qu'il appelle à la fois basho 場所 (lieu, ou plutôt champ) et jutsugo 述語 (prédicat) ; mais il absolutise ce P, qui selon lui subsume son propre sujet. Cette absolutisation de P est l'énantiomère de l'absolutisation de S, tant par Platon que par la science moderne. Ces deux positions sont récusées par la mésologie d'A. Berque, pour laquelle l'absolu est hors de toute connaissance sinon mystique, et qui se borne donc à poser que la réalité combine trajectivement S et P en S/P.