Self portrait at an early age (Rembrandt, 1628-1629) source |
Université de Corse, Corte, 11 juin 2013 / Séminaire Questions de mésologie, VII
Peut-on dépasser l’acosmie de la modernité ?
par Augustin Berque
§ 1. Terre, monde, cosmos, univers
Un ouvrage récent d’Henri Raynal est intitulé Ils ont décidé que l’univers ne les concernait pas[1]. L’auteur y emploie le terme d’acosmisme pour dénoncer l’« autisme » de notre espèce, qui s’estime aujourd’hui dégagée de toute obligation de penser sa place dans l’univers, et de s’y tenir. Pour dire des choses assez voisines, je préfère employer le terme d’acosmie, qui a pour moi l’avantage d’évoquer l’anomie durkheimienne, c’est-à-dire l’effacement des valeurs, et les désordres qui s’ensuivent. Alors toutefois que l’anomie est sociale, l’acosmie concerne à la fois le social et le naturel. Plus exactement, il s’agit de l’embrayage des valeurs humaines aux faits de la nature, auxquels la mésologie, contrairement au naturalisme (tels la sociobiologie ou Calliclès dans le Gorgias)[2], refuse de les réduire, mais aussi, contrairement au métabasisme contemporain (tel celui de la French theory, laquelle nous verrait volontiers planer dans l’azur sans plus de base terrestre), tient tout autant à les y fonder.