dimanche 30 janvier 2011

L'homme et son milieu / C. Calame

Pierrick Naud
Pierrick Naud
Dessin tiré de la série La mécanique du reflet. 2006.
 Fusain et vernis sur papier 100 x 150 cm.
Compte rendu de la séance du mardi 18 janvier 2011, séminaire collectif “Le vivant et son milieu".

L'homme et son milieu

Dépasser l'opposition “nature/culture” dans une perspective anthropopoiétique

par Claude Calame 


Traditionnellement, dans la pensées occidentale, les relations de l'homme avec son environnement ont été pensées en termes de "nature" et de "culture"; ceci avec un double malentendu: d'une part la nature a été objectifiée face à un être humain qui pourrait agir sur elle, sans arrière-pensée, d'autre part le concept de nature a été reporté sur l'homme lui-même qui disposerait lui aussi d'une nature.
En fait d'une part les sciences du vivant et les sciences neuronales, d'autre part l'anthropologie culturelle et sociale montrent désormais la perméabilité de ces deux "ordres", artificiellement distingués.

samedi 29 janvier 2011

Japarchi / Patricia Marmignon : La création de l'urbain

La création de l'urbainDispositifs et notions de la spatialité japonaise. Compte rendu de la séance du vendredi 28 janvier 2011.


Après l'introduction au séminaire par Philippe Bonnin, Patricia Marmignon présente sa thèse sur Osaka (puis une note sur les notions de kyôdôtai 共同体, chônaikai 町内会, et komyunitei コミュニテイ, publiées prochainement), dont voici le compte rendu :

Cet ouvrage s’inscrit dans la pluridisciplinarité de l’urbanisme et s’appuie sur les travaux des différents acteurs de ce champ, japonais et occidentaux. Il est dans la lignée de la géographie culturelle berquienne. L’hypothèse est de considérer le paysage urbain et sa planification comme vecteur, ou plus précisément, comme instrument de socialité.

Parution de la traduction française du classique de Watsuji Tetsurô, Fûdo

Parution de la traduction française du classique de Watsuji Tetsurô, Fûdo (和辻哲郎著『風土.人間学的考察』1935) :
WATSUJI Tetsurô, Fûdo. Le milieu humain, traduction et commentaire par Augustin Berque, avec le concours de Pauline Couteau et Kuroda Akinobu, Paris, Editions du CNRS, 2011.

Détail de la 4e de couverture :

WATSUJI Tetsurô (1889-1960) est, avec NISHIDA Kitarô (1870-1945), le plus grand nom de la philosophie japonaise au XXe siècle. Son œuvre majeure est son Éthique, somme en trois volumes dont la publication s’est échelonnée de la veille au lendemain de la seconde guerre mondiale ; mais la plus connue est certainement Fûdo, essai publié en 1935, et dont les idées principales font justement partie du cadrage théorique de l’Éthique.

vendredi 28 janvier 2011

Prises et dé-prises (A. Berque) / Catastrophes (Y. Moreau)

Kôbé, 17 janvier 1995
Effondrement de l'autoroute du Hanshin
Séminaire "Questions de mésologie". Compte rendu de la séance du jeudi 27 janvier 2011
catastrophe
Dans la première partie du cours, A. Berque explicite la notion de "prises écouménales" (ou "prises médiales", à échelle plus locale). Ce sont les interrelations que nous avons avec les choses de notre milieu. Celles-ci sont à distinguer de simples objets, lesquels sont en principe des en-soi existant par eux-même indépendamment de notre existence.
Par exemple, une aspérité sur une paroi rocheuse est un objet, qui n'existe en tant que prise que pour l'alpiniste. Comme toute chose dans l'écoumène, une prise est trajective. Sa réalité s'exprime par la formule r = S/P, dans laquelle l'oblique / signifie l'en-tant-que selon lequel, dans l'opération de trajection de S en P, S (le sujet logique, l'objet physique, l'en-soi, la substance) est saisi (prédiqué) en tant que P par un existant quelconque.

samedi 22 janvier 2011

Vers une science naturelle

Compte rendu du séminaire "Poétique de la Terre" du vendredi 21 janvier 2011

"Au commencement était le Verbe, Et le Verbe était auprès de Dieu, et Le Verbe était Dieu"  Saint Jean sur l'île de Patmos
Logique du prédicat absolutisé
"Au commencement était le Verbe,
Et le Verbe était auprès de Dieu, et
Le Verbe était Dieu
Saint Jean sur l'île de Patmos
1. AB (A. Berque) reprend la question interrompue le 14 janvier : l’absolutisation de l’objet (S) par la science, l’absolutisation du prédicat (P) par la mystique, et la trajectivité de la réalité (S/P) des milieux (humains, ou du vivant en général), i.e. dans la concrétude de l’existant. Le POMC (paradigme occidental moderne classique) s’est fondé sur l’abstraction du cogito énonciateur de P par rapport aux choses (S/P), ce qui les transforme en objets (S).

C’est le principe du dualisme. Posé en théorie par Descartes comme condition de la science pure, ce dualisme a petit à petit influencé tous les comportements du TOM (le topos ontologique moderne, i.e. le sujet humain individuellement posé comme abstrait de son milieu).

2. En termes mésologiques, le TOM, réduit à son corps animal, est coupé de son corps médial, transformé en objet extérieur.
Le penseur A. Rodin

Le TOM, réduit à son corps animal,
est coupé de son corps médial"
(initialement appelé "Le poète")
A. Rodin, 1902 (premier moulage)
Cela retentit sur son comportement ordinaire (v. les CR du cours « Questions de mésologie »), mais dans le domaine de la science, cela lui a permis des progrès fulgurants dans la connaissance de cet objet extérieur.
Cependant, c’était au prix du mécanicisme, qui forclôt (locks out) toute subjectité (subjecthood, 主体性) hors l’objet extérieur pour concentrer celle-ci dans la seule conscience individuelle du cogito.

samedi 15 janvier 2011

La biodiversité comme impératif moral

Un quagga
Un quagga (espèce éteinte autour de 1880)
Séminaire "Poétique de la Terre". Compte rendu du cours du vendredi 14 janvier 2011.

Vous trouverez l'essentiel de ce cours dans "La biodiversité comme impératif moral". Le 14 janvier, A. Berque a plus particulièrement commenté la question du "troisième genre" de la chôra platonicienne. Dans le Timée, la chôra apparaît comme le milieu existentiel de l'être relatif (la genesis), reflet de l'être absolu (on ou eidos, idea).

Plasticité du vivant, des sciences et des métaphores de connaissance

Dodo
Séminaire “L’embrayage nature/culture”, compte rendu du lundi 10 janvier / L. Boi.

J’ai voulu, en ouverture, insister sur ce que la biologie devient de plus en plus la scène où se reflètent avec le plus d’acuité les métaphores et les sensibilités de la pensée contemporaine. Dans ce rôle, elle remplace peu à peu la physique, qui sert de point de référence depuis plus d’un siècle. Réciproquement, ce qui est en train de se produire dans les sciences de la société d’une part et dans les sciences de la cognition de l’autre, et qu’inclut dans un sens large les sciences du vivant, est le reflet d’un profond changement dans la pensée moderne.

vendredi 14 janvier 2011

Co-suscitation à la librairie de la place de l'Odéon



AUGUSTIN BERQUE présentera ses deux derniers ouvrages à la Librairie de la place de l’Odéon,
le mercredi 19 janvier 2011 à 19 heures.

La rencontre sera animée par Piero Zanini (Laa/Ensaplv)
7, Place de l’Odéon 75006 Paris. tel 01.44.41.15.75
métro : Odéon ou RER : Luxembourg

L'être humain au milieu de la nature
(ce synopsis, repris intégralement, a été initialement publié sur espacestemps.net)

De ses plus anciennes expressions mythologiques jusqu’à l’urbain diffus contemporain, l’histoire des raisons pour lesquelles la société des pays riches en est venue à idéaliser le modèle de l’habitation individuelle au plus près de la nature couvre plus de trois millénaires.

Le principe de la co-suscitation, actif à tous les étages

Globules Blanc (Pierre - Léon)
"Globules blancs"
(CC : leonzerider / Pierre - Léon)
Séminaire "Questions de mésologie". Compte rendu du cours du jeudi 13 janvier 2011

A. Berque définit le sens dans lequel il utilise le terme "mésologie", introduit en 1848 par Charles Robin comme "l'étude des milieux" (v. CR du cours du 9.12.10. "Historique du terme mésologie")

1. Dans le cadre de la mésologie, il s'agit ici plus spécialement des milieux humains, mais le principe est le même que pour l'étude des milieux en général. A. Berque définit "milieu" comme la relation d'un sujet avec son environnement. Ledit "sujet" s'entend à toute échelle et à tout niveau ontologique : individuel ou collectif, humain ou vivant, dans l'espace comme dans le temps (l'histoire, l'évolution). La subjectité (le fait d'être un sujet : subjecthood, shutaisei 主体性) peut être celle d'une personne individuelle, d'un groupe, d'une société, d'une espèce, voire de la vie en général.

lundi 10 janvier 2011

Comment pénétrer la subjectité japonaise ?

Compte rendu de l'exposé d'Augustin Berque au séminaire du CRJ du 6 janvier 2011 :

La subjectité (shutaisei 主体性, subjecthood) n'est pas la subjectivité (shukansei 主観性, subjectiveness). C'est le fait d'être sujet (souverain de soi-même), pas le fait d'être subjectif (soumis à ses passions). Il y a certes des chevauchements entre les deux concepts. Le problème vient de l'ambivalence du terme "sujet" dans les langues européennes (pour y voir clair dans cette question complexe, v. l'article "sujet" dans le Vocabulaire européen des philosophies dirigé par Barbara Cassin, Seuil / Le Robert, 2004, p. 1233-1254). En revanche, lorsqu'ils ont introduit la philosophie occidentale, les Japonais ont distingué, dans ce même terme "sujet" (hupokeimenon, subjectum, Subjekt, subject, sujeto, sogetto...), le sujet existant (shutai 主体), le regard subjectif (shukan 主観), le sujet grammatical (shugo 主語), le sujet logique (shudai 主題), etc.

samedi 8 janvier 2011

La nature d'un point de vue moral : co-suscitation (yuanqi 縁起)

L'été - Arcimboldo
L'été
Giuseppe Arcimboldo (vers 1527-1593)
Huile sur toile
© Musée du Louvre, Cliché G. Blot/RMN
Séminaire "Poétique de la Terre" : compte rendu de la séance du vendredi 7 janvier 2011.

Les dernières séances (jusqu'au 10 décembre) avaient tenté d'articuler la morale humaine à l'histoire naturelle (v. pour rappel "Sur la terre. Les fondements terrestres de l'éthique humaine", déjà distribué le 10 décembre). Il s'agit à présent, pour préciser l'embrayage nature/culture, de renverser le point de vue en essayant de prendre en compte la nature d'un point de vue moral, à commencer par la question de la biodiversité.

1. A. Berque met d'abord en évidence les impasses de l'objectivisme scientifique en la matière. La science moderne (en l'occurrence l'écologie), dont la condition fondatrice institue la nature en objet, exclut par principe de son champ la subjectité de l'existence humaine. Ontologiquement, elle ne peut donc pas prendre en compte l'écoumène, qu'elle dissout dans la biosphère. Autrement dit, elle dégrade l'humain au rang de non-sujet. D'où une série de contradictions : dériver une éthique de l'écologie en tant que science est indéfiniment soit immoral, soit incohérent.