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mercredi 2 septembre 2020

Extrait de Recouvrance

Kyoto, Pedro Szekely

Retour à la terre et cosmicité en Asie orientale

(Bastia, éditions Éoliennes, à paraître)
Augustin BERQUE

§ 55. L’y-présence : la ville japonaise

Vous avez vu la Ford Mustang GT Fastback de Frank Bullitt (Steve McQueen) dévaler les rues de San Francisco dans le film de Peter Yates (1968) ? Non ? Alors ouvrez La Terre et Moi, du géographe Luc Bureau , à la page 98, où vous trouverez un plan de San Francisco, avec comme légende cette citation de L’Amérique au jour le jour, de Simone de Beauvoir :

« San Francisco est un scandale d’abstraction têtue, un délire géométrique. Le plan a été tracé sur le papier sans que l’architecte jetât un coup d’œil sur le site : c’est un damier aux lignes bien droites, exactement comme New York et Buffalo. Les collines, ces accidents trop concrets, on les a simplement niées ; les rues les escaladent et les dévalent sans s’écarter de leur dessin rigide ».

San Francisco a été fondé en 1776 , alors en Nouvelle-Espagne, mais n’a pris sa configuration actuelle qu’après la conquête de la Californie par les États-Unis (1846) , qui ont systématiquement géo-maîtrisé le continent à l’aide du gril orthogonal du township. Le gril, ils n’en étaient évidemment pas les inventeurs. On dit communément que le premier à l’appliquer à un plan de ville fut l’architecte Hippodamos (-498/-408), à Milet, mais le plan orthogonal de Milet avait été précédé de neuf siècles par celui d’Akhetaton, la nouvelle capitale construite par Akhenaton (Aménophis IV, -1371 ou -1365/-1338 ou -1337), qui, le temps d’un règne, imposa dans la religion égyptienne le monothéisme du Soleil (Rê), dont il était à la fois le prophète et l’incarnation.
Ce lien entre la géométrie, la géo-maîtrise de l’étendue par le pouvoir et le monothéisme aura marqué l’histoire de l’Occident.

mercredi 11 mars 2015

La ville insoutenable / Augustin Berque

Lotissement
 (source)
Colloque ANR PAGODE
Villes et quartiers durables : la place des habitants
Maison des Suds-Pessac, 27 et 28 novembre 2014

La ville insoutenable

par Augustin BERQUE

1. « Insoutenable », mais encore ?
Je remercie les organisateurs du colloque ANR PAGODE « Villes et quartiers durables : la place des habitants » de m’avoir confié cette première conférence plénière sous le titre « La ville insoutenable ». C’était là certainement rendre hommage au programme de recherche décennal (2001-2010) L’habitat insoutenable / Unsustainability in human settlements, dont la première publication collective portait effectivement ce titre : « La ville insoutenable » [1] ; mais je dois immédiatement dissiper un malentendu. Dans l’esprit où ce programme de recherche fut lancé, en 2001, l’« insoutenabilité» en question n’était pas entendue comme étant celle de la ville, mais celle au contraire de ce que, par approximations successives, nous sommes finalement convenus d’appeler « l’urbain diffus » ; c’est-à-dire bien autre chose que la ville dans son acception traditionnelle, cet « assemblage d’un grand nombre de maisons disposées par rues », selon la définition qu’en donnait la première édition du Petit Larousse (1906) ; autre chose, a fortiori, que ce qu’entendait par là l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et qui correspond plutôt à ce que nous appellerions aujourd’hui une place forte, derrière ses remparts qui l’isolent et la distinguent catégoriquement des campagnes environnantes ; cela exactement pour les mêmes raisons qui ont fait qu’en chinois, c’est le sinogramme chéng  (« muraille », comme dans « la Grande Muraille », Cháng Chéng 長城) qui a historiquement signifié la ville. 

lundi 9 juin 2014

De cosmologie en paysage : la naissance du jardin de lettré en Chine / A. Berque

Landscape in the Style of Various Old Masters  In the Style of Yang Sheng Wang Jian
Landscape in the Style of Various Old Masters:
In the Style of Yang Sheng
Wang Jian, (1598 - 1677)
(Yale University Art Gallery)
Paru dans Sylvain ALLEMAND, Édith HEURGON, Sophie de PAILLETTE (dir.), Renouveau des jardins : clés pour un monde durable ? Actes du colloque de Cerisy, Paris, Hermann, 2014, p. 54-57.
Centre culturel international de Cerisy-la-Salle, 3-13 août 2012
Colloque Renouveau des jardins : clefs pour un monde durable ?

De cosmologie en paysage :

la naissance du jardin de lettré en Chine

par Augustin Berque


1. Les parcs animaliers du temps des Han
Le mot chinois pour dire « jardin », yuán, est rendu par le caractère , qui combine  la clef , signifiant « enclos », et l’élément (yuàn), qui signifie « ample vêtement où l’on est à l’aise », mais est ici utilisé phonétiquement. Une étymologie moins courante interprète ce  comme synonyme de son presque homophone yuán , « haie ». D’autres sinogrammes sont également associés à l’idée de jardin ou de parc, mais celui-ci est le principal, et il a traversé l’histoire. On le retrouve par exemple dans le japonais den.en toshi 田園都市, qui a rendu l’anglais garden city.