Postface de La forêt amante de la mer, de HATAKEYAMA Shigeatsu
(1994, traduit par Augustin Berque), Marseille, Wildproject, 2019.
La mésologie active de Hatakeyama
par Augustin Berque
Si j’ai entrepris de traduire ce livre, c’est à la suite de ma rencontre avec l’auteur, M. Hatakeyama Shigeatsu, en octobre 2015, à Mône même puis sur les pentes du mont Murone, dans la forêt qu’il avait plantée. […]
Ce livre illustre le combat que l’auteur a mené et gagné contre un projet de construction de digue maritime à la suite du tsunami du 11 mars 2011. Au-delà de cet épisode, il illustre la mésologie active qu’incarne cette histoire. Hatakeyama san a pris conscience, de par son expérience concrète, que défaire le lien existentiel, la médiance entre l’humain et son milieu est mortifère, et il a justement su redynamiser ce lien par des actions concrètes, vécues à la racine. C’est pourquoi, notamment, l’enfance y tient une si grande place : la sienne, où sa propre vie s’est construite en relation directe avec celle de ses compagnons humains et non-humains, mais celle aussi des enfants d’aujourd’hui, par des actions pédagogiques déterminées.
Le sel de la mer, ce sel sacré que les habitants de Mône ont la charge de puiser pour les cérémonies du Murone jinja, et qui ainsi établit un lien symbolique entre la mer et la forêt, Hatakeyama san n’en fait pas seulement un usage littéraire. Son action et son œuvre incarnent l’essence de ce qui crée l’habitabilité de la Terre pour nous autres humains : l’écoumène, ἡ οἰκουμένη, « l’habitée », autrement dit la relation éco-techno-symbolique de l’humanité avec la Terre – l’ensemble des milieux humains. L’écologique est là manifestement à chaque page, la technique relatée en détail, et le symbole toujours présent, accentué au fur et à mesure de la lecture par la scansion d’un poème.
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