mardi 31 janvier 2017

Qu'est-ce qu'une logique du milieu, et pourquoi nous en faut-il une aujourd'hui ? / Augustin Berque

Cloche du soir au monastère de Mii
Cloche du soir au monastère de Mii, Utagawa Hiroshige
(source)
École des hautes études en sciences sociales / Université Pierre et Marie Curie
Colloque international Milieu / Mi-lieu, 14-15 novembre 2016

Qu'est-ce qu'une logique du milieu,
et pourquoi nous en faut-il une aujourd'hui ?

par Augustin Berque

Résumé – Une logique du milieu n'est ni une logique de l'identité du sujet S (de type aristotélicien), ni une logique de l'identité du prédicat P (de type nishidien); c'est une logique trajective, où S est saisi en tant que P. En principe, la science absolutise S (le sujet du logicien = l'objet du physicien), tandis que la religion absolutise P (la Parole qui, étant auprès/au sujet de Dieu, est Dieu); en pratique, on est toujours au milieu des deux, dans la trajection de S en tant que P. Cette trajection, sous le nom de "tonation" (Tönung), a été montrée par Uexküll dans les milieux animaux (Umwelten). De là, on la retrouve chez Heidegger, pour qui l'étant est "quelque chose en tant que quelque chose" (etwas als etwas), soit S en tant que P. C'est la logique du als, l'en-tant-que. Heidegger en a tiré le concept de "dispositif" (Gestell). Tant cet als que ce Gestell étaient - mutatis mutandis - présents dans le bouddhisme dès le Ve siècle, et s'y retrouvent aujourd'hui en japonais sous le nom, respectivement, de soku 即 et de sesetsu 施設. Pourquoi nous faut-il aujourd'hui une logique du milieu? Parce que l'absolutisation de S mène à un réductionnisme qui annihile virtuellement l'interprète I de S en tant que P (i.e. l'humain en particulier, et le vivant en général), tandis que l'absolutisation de P aboutit virtuellement au dogmatisme et au fanatisme. Il nous faut penser la ternarité S-I-P, car la binarité S-P est mortifère.

mercredi 25 janvier 2017

Existe-t-il un mode de pensée forestier ? / Augustin Berque

Ashida, extrait des Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō
Utagawa Hiroshige
(source)
Groupe d’histoire des forêts françaises
– Journée d’étude du 28 janvier 2017 –
Maison de la recherche de l’Université Paris-Sorbonne
Forêts, arts et culture : lieux de récits et esprits des lieux

Existe-t-il un mode de pensée forestier ?

par Augustin Berque

Résumé – On rappelle d’abord la distinction mésologique entre milieu et environnement (Umwelt et Umgebung chez Uexküll, fûdo et kankyô chez Watsuji). Dans un milieu humain, la réalité d’une forêt n’est pas seulement écologique, elle est éco-techno-symbolique. Cette réalité n’est ni seulement objective, ni seulement subjective, elle est trajective. On brosse ensuite un tableau écologique des formations végétales au Japon, avant de montrer la prégnance du végétal dans la civilisation japonaise. Il n’y a pas là détermination causale de la culture par l’environnement, mais identification de la culture à son milieu par des chaînes trajectives, fonctionnant comme les « chaînes sémiologiques » barthésiennes. On termine sur l’hypothèse que la profusion de la vie dans la forêt de mousson a peut-être favorisé une disposition à penser la complexité du concret.

mercredi 18 janvier 2017

Thinking the ambient / A. Berque

Gyotaku Print - Leaf Skeletons - Cottonwood, Populus deltoides
Eric Hochberg, 1985
(source)
To be published in an anthology of Japanese environmental philosophy (J. Baird Callicott and James McRae, eds.)

Thinking the ambient
On the possibility of shizengaku (naturing science)
by Augustin BERQUE


1. Subject, nature, and Japanese language
It is generally assumed that one of the main ingredients of the modern Western paradigm was science as instituted by the scientific revolution of the XVIIth century; that is, as founded on the will to objectify phenomena, measure these objects and ascertain their laws through experimentation. This supposed an ontological stance, called dualism, in which the object is essentially distinguished from the subject who observes it. The institution of the modern subject was thus correlative to the institution of the modern object. A telling image of this essential distinction was given by the discovery and implementation of the laws of linear perspective, which placed the observer’s eye outside and back of the picture, converting the scene represented by the latter into a strictly measurable object (PANOFSKY 1927).

mercredi 11 janvier 2017

Trajective-Architecture / Maurice Sauzet

Les Baigneurs (Paul Cézanne, autour de 1890)
(source)
École des hautes études en sciences sociales
La mésologie et les sciences : interactions critiques
– Journée d’étude, jeudi 24 novembre 2016 –

Trajective-Architecture 

Maurice Sauzet

Pour donner mon opinion sur l'architecture qui inonde nos rues et nos campagnes, j'exprime le regret de voir presque toujours ignorer le vécu de l'espace au profit d'une platitude fonctionnelle élémentaire, ou d'une monumentale gymnastique structurelle. A l'inverse ici, nous poursuivons l'objectif d'élever l'architecture au niveau le plus subtil, le plus haut, du ressenti émotionnel de l'espace. Par des méthodes bien définies, sans déroger aux nécessités de raison, nous réalisons une mutation: l'environnement classique froidement objectif devient un milieu pour l'homme. Cette architecture je l'ai initialement nommée "Architecture Naturelle". Apres la création du concept de trajection par Augustin Berque et certaines adaptations, je la nommerai volontiers "Trajective Architecture " On s'efforce ici, de faire bouger les lignes des études habituelles , où techniques, fonctions, et esthétiques supplantent le plus souvent les aspirations émotionnelles des usagers. C'est une remise en cause des méthodes de conception. Elles pallient à cette omission . Omission qui est en vérité un refus... Refus de l'irrationalité de la pulsion émotionnelle.. L'émotion est irrationnelle... Certes... Mais elle fait partie de notre vie..