mardi 31 mars 2015

Mythologie de l'urbain diffus / Augustin Berque

Vue aérienne du domaine de Versailles
Vue aérienne du domaine de Versailles (source)
Proposé aux Annales de géographie, dossier « Habiter : mots et regards croisés »

Mythologie de l’urbain diffus

par Augustin Berque

Résumé. L’article établit la généalogie des mythes qui, en Orient comme en Occident, ont conduit à l’idéalisation de la maison individuelle au plus près de la nature, et ainsi engendré une forme d’habitat insoutenable – non durable écologiquement et injustifiable moralement – : l’urbain diffus.

Abstract.  This article establishes the genealogy of the myths which, in the West as well as in the East, have induced the idealization of the detached house close to nature, and thus produced in the end a form of settlement – a pervasive yet rural-like form of urbanization covering the whole territory – which is both ecologically unsustainable and morally unjustifiable. 

mercredi 25 mars 2015

Where is knowledge ? / Augustin Berque

The Fall of Man de Lucas Cranach
The Fall of Man, Lucas Cranach (XVIe)
(source)
Paru dans  
Dokkyo kokusai kôryû nenpô 
Dokkyo international review, XIV, 2001, 67-90.
International conference on
 Knowledge and Place
Sôka, Dokkyo University, 
9-10 December 2000

Where is knowledge ?

In the mediate data of the unconscious

by Augustin BERQUE
EHESS/CNRS, Paris & Miyagi University, Sendai

Les beunes, vallées magnétiques / Augustin Berque

La Vézère à Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil
La Vézère à Les Eyzies-de-Tayac-Sireuil (Dordogne)
(CC Hubert DENIES, 2014, source)
Sédiments 2. Les grands cahiers Périgord patrimoine

Les Beunes, vallées magnétiques

Préface / A. Berque

            Romain Bondonneau, le maître d’œuvre de cet ouvrage, m’a fait l’honneur de me demander une préface pour des vallées que je n’avais jamais vues, ou quasi ; car cela remonte bien loin, et seraient-ils magnétiques, à la longue, les souvenirs s’estompent. Faut-il qu’il m’en souvienne ? Le temps passe, beunes et rivières s’écoulent et passent les auteurs, car ils ont du moins cela en commun avec le temps et avec les rivières, et c’est un sort cosmique : empreint de cosmicité. L’espace-temps, prenons-le donc vers l’amont, à l’inverse des Beunes, lesquelles ont pris le chemin de la Vézère. C’était au Pliocène, nous-dit-on. Âge plus récent que le Miocène, mais moins que le Pléistocène. Et que dire de l’Holocène, voire de l’Anthropocène ! Un vrai scenic railway. C’est sans doute ce qui attira les Beunes – la Grande, la Petite, la toute Petiote, et enfin la Paradoucement beune, ce qui après tout ne veut dire que « ruisseau » dans le jargon des Eyzies, époque assez barbare, et disons même paléolithique dans l’emploi des termes d’hydrographie. 

mercredi 18 mars 2015

Nature, culture: trajecting beyond modern dualism / Augustin Berque

La Nature se dévoilant devant la Science
Louis-Ernest Barrias (source)
University of Tsukuba / EHESS International conference
Fragmentation and divergence: towards the management of social transformation
10-11 March 2015, EHESS, 190 avenue de France, 73013 Paris

Nature, culture: trajecting beyond modern dualism

自然と文化の通態 : 近代二元論のかなたへ

by Augustin BERQUE

Abstract – Modern dualism, opposing the subject to the object, and therefore culture to nature, has made possible modern science and technology, and consequently modern civilization, but it has eventually produced an unsustainable world, which progressively destroys its own basement: the Earth. In order to survive, we have to overcome dualism, but is that rationally possible? Making use of the concepts of trajection and trajective chains, this paper shows that not only concrete reality is trajective (neither purely objective nor purely subjective), but that modern physics itself has come to this evidence. Accordingly, beyond the abstraction of dualism, we have to conceive of reality anew, including in the field of the natural sciences.  

mercredi 11 mars 2015

La ville insoutenable / Augustin Berque

Lotissement
 (source)
Colloque ANR PAGODE
Villes et quartiers durables : la place des habitants
Maison des Suds-Pessac, 27 et 28 novembre 2014

La ville insoutenable

par Augustin BERQUE

1. « Insoutenable », mais encore ?
Je remercie les organisateurs du colloque ANR PAGODE « Villes et quartiers durables : la place des habitants » de m’avoir confié cette première conférence plénière sous le titre « La ville insoutenable ». C’était là certainement rendre hommage au programme de recherche décennal (2001-2010) L’habitat insoutenable / Unsustainability in human settlements, dont la première publication collective portait effectivement ce titre : « La ville insoutenable » [1] ; mais je dois immédiatement dissiper un malentendu. Dans l’esprit où ce programme de recherche fut lancé, en 2001, l’« insoutenabilité» en question n’était pas entendue comme étant celle de la ville, mais celle au contraire de ce que, par approximations successives, nous sommes finalement convenus d’appeler « l’urbain diffus » ; c’est-à-dire bien autre chose que la ville dans son acception traditionnelle, cet « assemblage d’un grand nombre de maisons disposées par rues », selon la définition qu’en donnait la première édition du Petit Larousse (1906) ; autre chose, a fortiori, que ce qu’entendait par là l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, et qui correspond plutôt à ce que nous appellerions aujourd’hui une place forte, derrière ses remparts qui l’isolent et la distinguent catégoriquement des campagnes environnantes ; cela exactement pour les mêmes raisons qui ont fait qu’en chinois, c’est le sinogramme chéng  (« muraille », comme dans « la Grande Muraille », Cháng Chéng 長城) qui a historiquement signifié la ville. 

mercredi 4 mars 2015

La nature en fleur / A. Berque

Arrangement floral ikebana Yôshû Chikanobu
Arrangement floral ikebana,
Yôshû Chikanobu (1838-1912), (source)
Postface à Josui OSHIKAWA et Hazel H. GORHAM, 
Manual of Japanese flower arrangement, Paris, éditions B2, 2015 (1936)

 La nature en fleur

par Augustin Berque

   Curieuse aventure que celle de ce manuel d’ikébana (selon le Petit Larousse : « Art de la composition florale conforme aux traditions et à la philosophie japonaises, et obéissant, depuis le VIIe s., à des règles et à une symbolique codifiées »)… L’édition 1947 que j’ai entre les mains, publiée en anglais par Cosmo Publishing Company à Tokyo, a vu le jour alors que le Japon, écrasé sous les bombes deux ans auparavant, était sous occupation américaine. Or les deux auteures sont l’une japonaise, l’autre américaine, et elles ont travaillé en si parfaite harmonie qu’on se croirait sur une autre planète, où la guerre du Pacifique n’aurait jamais eu lieu. Certes, la première édition du livre datait d’avant la guerre ; mais justement, l’on dirait que rien ne s’est passé entre les deux. Hazel Gorham était l’épouse d’un ingénieur américain qui a longtemps vécu au Japon et a choisi, avec elle, de se faire naturaliser japonais en 1941, quelques mois avant Pearl Harbor. Elle a été l’élève d’Oshikawa Josui (dans l’ordre japonais, patronyme en premier). Celle-ci, quant à elle, était depuis 1930 l’iemoto (chef) de l’école d’ikébana Shôfûryû, une branche de l’école Ikénobô. L’ouvrage est leur œuvre commune, sans que l’on puisse distinguer ce qui revient à l’une ou à l’autre ; mais on peut évidemment supposer que l’écriture première, ou au moins l’orientation principale, revient à Oshikawa Josui, tandis que Hazel Gorham aurait travaillé surtout à la mise en forme de la version anglaise. Toutefois, ne voir en elle qu’une traductrice serait certainement sous-estimer son rôle, car, à son actif, elle a d’autres œuvres de son cru sur l’esthétique japonaise.