mercredi 11 décembre 2013

Marcher au Japon / A. Berque

Kyôto-shi Rakusai Chikurin kôen
Kyôto-shi Rakusai Chikurin kôen
Augustin Berque (CC)
École spéciale d’architecture, Paris, le 10 octobre 2013
Cycle de conférences de l’automne 2013 : La marche

Marcher au Japon

 Par Augustin BERQUE


1. Le chemin du Bois de bambous 

L’image ci-contre, que l’on a choisie pour l’affiche annonçant cette conférence, est une photographie que j’ai prise il y a quelques années au parc du Bois de bambous de Kyôto (Kyôto-shi Rakusai Chikurin kôen 京都市洛西竹林公園). C’est un parc où sont rassemblées une grande variété d’espèces de bambous, de tailles et de formes parfois surprenantes. Le diamètre des plus gros bambous atteint une quinzaine de centimètres, et ils peuvent dépasser les vingt mètres de hauteur. C’est le cas de l’espèce qu’on appelle au Japon madake 真竹 (Phyllostachys[1] bambusoides), le « vrai bambou ». Ceux que vous voyez sur l’image sont d’une autre espèce, plus petite, le bambou de Budai (Hoteichiku 布袋竹, Phyllostachys aurea). Le bambou, notamment le madake, est une plante naturelle au Japon, mais que l’on cultive aussi parce qu’elle se prête à de très nombreux usages, y compris alimentaires (les « pousses de bambou », takenoko 竹の子). Au petit Musée du bambou qui est adjoint au parc, on apprend même que dans les dernières années de la guerre du Pacifique, par manque de métal, on avait mis au point du béton armé par des tiges de bambou !

mercredi 4 décembre 2013

Le territoire des meisho / A. Berque

Pèlerins de la cascade Kirifuri du mont Kurokam Katsushika Hokusai
Pèlerins de la cascade Kirifuri du mont Kurokam
Katsushika Hokusai, 1831-32
source : Philadelphia Museum of Art
Paru dans  Les rameaux noués. Hommages offerts à Jacqueline Pigeot, sous la direction de Cécile SAKAI, Daniel STRUVE, TERADA Sumie et Michel VIEILLARD-BARON, Paris, Collège de France : Institut des hautes études japonaises, 2013, p. 23-36.

 Le territoire des meisho

par Augustin Berque

1. Michiyuki-bun
Rappelons d’abord les grandes lignes de Michiyuki-bun. Poétique de l’itinéraire dans la littérature du Japon ancien[1], la thèse fameuse qui valut à Jacqueline Pigeot le prix Yamagata Bantô, le plus prestigieux de la japonologie. C’est là que j’ai découvert la question des « lieux renommés », les meisho 名所.
            Le mot michiyuki-bun 道行文, qui signifie « littérature (bun) d’itinéraire (michiyuki) », a été créé par la philologie moderne pour désigner un type de littérature qui se développa au XIIIe siècle et connut une grande faveur à l’époque Muromachi (XIVe – XVIe siècles).  Il s’agit de la relation de voyages fictifs dans des lieux connus, dont le style se caractérise par une prose rythmée (surtout des heptamètres et des pentamètres alternés), évoquant la nostalgie du voyageur, riches en toponymes et en citations de poèmes anciens, et mettant systématiquement en œuvre des tropes appelés engo 縁語 et kakekotoba 掛詞.