mercredi 18 novembre 2020

Mail à un étudiant / Augustin Berque - Camille Ringuet

Andy Warhol, Marilyn Diptych (1962, détail)
Le 28/07/2020 à 17:11, Camille Ringuet a écrit :


Cher M. Berque,
Avant toute chose, je vous informe avoir eu connaissance de cette adresse email par le biais du site Écoumène. De ce fait, j'espère que l'adresse en question est destinée aux échanges publics et non privés, si tel n'est pas le cas alors je m'excuse pour cette prise de contact.
Deuxièmement et avant d'exprimer ma question, je tenais très sincèrement à vous remercier pour vos ouvrages, articles et conférences qui m'ont été d'une richesse indispensable tant sur le plan esthétique que sur le plan éthique et aussi j'ose le mot, sur le plan spirituel. L'approche trajective des phénomènes nous enseigne à être au monde, en cela je vous en suis tout à fait reconnaissant.
Je m'appelle Camille Ringuet, je suis étudiant en deuxième année de maitrise de recherches cinématographiques. Je rédige depuis maintenant deux années un mémoire sur une approche du cinéma par les notions de Mujo et de Ku, je me questionne sur l'apparente permanence des rapports que nous entretenons avec les images de cinéma, ainsi que la capacité de ces dernières à se fondre dans les phénomènes, à "retourner à la terre" afin d'éviter de perpétuer l'illusion paradigmatique de l'image en tant qu'image, le "monde du cinéma" ayant "dépassé la réalité en beauté", selon les mots de Warhol suite à la projection de son film "****(four stars)".

mercredi 4 novembre 2020

Habiter et bâtir en milieu méditerranéen

The Forest of Valdoniello (Corse, Edward Lear: 1869)
Université de Corse, Corte, 20 septembre 2019. Lancement du diplôme universitaire « Qualités environnementales du cadre bâti en milieu méditerranéen ». 

Habiter et bâtir en milieu méditerranéen

par Augustin Berque

I. Pourquoi ce titre, « Habiter et bâtir en milieu méditerranéen », inverse-t-il l’ordre que la raison paraît imposer, puisque avant d’habiter un bâtiment, ne faut-il pas l’avoir déjà construit ? 

Parce que, dans un milieu humain, une habitation n’est jamais un simple produit objectif, où l’on logerait des corps non moins objectifs. Une maison n’est pas une « machine à habiter », contrairement à ce qu’a prétendu ce maître à penser du mouvement moderne en architecture que fut Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887-1965) ; c’est une expression et une garantie à la fois écologique, technique et symbolique de notre humanité même, et de nos liens avec la terre qui nous porte – en l’occurrence, la terre méditerranéenne. Et cette expression, il faut la vivre, il faut l’habiter et en être habité avant justement de pouvoir l’exprimer par une forme bâtie. C’est donc exactement le contraire d’une production mécanique, simple consécution causale où il va de soi que le bâtiment précède l’habitant, comme la machine précède le produit.

II. C’est de ce renversement que je voudrais vous parler aujourd’hui