mercredi 24 avril 2013

Humaniser et naturaliser / A. Berque

Quatre saisons, une tête, Arcimboldo
Quatre saisons, une tête, Arcimboldo (1590)
(source)
Institut d’études avancées de Nantes. Conférence, mardi 16 avril 2013
Humaniser la nature, naturaliser l’humain aujourd’hui
par Augustin Berque

Résumé


Cette formule d’inspiration marxienne [0] veut exprimer une triple urgence. Celle, d’abord, de recosmiser notre existence ; car l’exaltation du sujet individuel moderne a entraîné une décosmisation qui à terme est mortelle, aucun être ne pouvant vivre sans un monde commun (kosmos). Celle, ensuite, de reconcrétiser les mots et les choses, en les remettant dans le fil de leur histoire commune (leur croître-ensemble : concrescence) ; car l’arrêt sur objet propre à la modernité aboutit à dépouiller les choses de leur sens, faisant notamment du langage une aporie. Enfin, celle de réembrayer nature et culture, en passant nécessairement par la question du rapport entre histoire et subjectivité, ce à tous les degrés de l’être, allant, par l’évolution, de la vie la plus primitive jusqu’à la conscience la plus humaine. Recosmiser, reconcrétiser, réembrayer : devant ces trois urgences, la pensée occidentale est aujourd’hui plombée par ce qui hier a fait sa force : la structure mère sujet-verbe-complément, qui à partir de la langue a orienté notre logique (avec le modèle sujet-prédicat), notre métaphysique (avec l’identité de l’être) et, de là, notre science (avec l’en-soi de l’objet), toutes fondées sur le double principe d’identité et de tiers exclu, c’est-à-dire sur la forclusion du symbolique. Des exemples tels que la langue japonaise, dont la structure mère était d’un autre genre, ou que le tétralemme développé par les penseurs indiens, qui inclut systématiquement le tiers, nous suggèrent la voie qui nous permettra de dépasser les apories de la modernité.

mercredi 17 avril 2013

La notion de chose en droit / S. Vanuxem

Le jugement de Pâris Peter Paul Rubens
Le jugement de Pâris (1632-5) Peter Paul Rubens
(source)
Séminaire Mésologique, 12 avril 2013

Pour une approche mésologique de la notion de chose en droit [1]

Sarah Vanuxem 

maître de conférences à l’Université de Nice Sophia Antipolis 
(GREDEG – CREDECO)

A la question « Qu’est-ce qu’une chose ? » le juriste contemporain apporte cette réponse : le terme « chose » signifie les « biens matériels qui existent indépendamment du sujet, dont ils sont un objet de désir, et qui ne ressortissent pas exclusivement au monde juridique (par opposition aux droits) ». Fournie par un usuel – la dernière édition du Lexique des termes juridiques[2] – cette définition est emblématique de la manière dont les juristes se représentent les choses : les choses sont des biens, soit des choses appropriées ou, du moins, susceptibles d’appropriation. Pour autant, les choses ne sont pas tous les biens, mais une espèce seulement de biens : ce sont les biens matériels et, plus précisément, des res corporales, lesquelles n’existent pas seulement en Droit, à l’inverse des droits ou res incorporales, qui n’ont pas d’existence en dehors du Droit et n’existent que par lui. Tandis que les choses ou res corporales ressortissent au donné, les droits ou res incorporels ressortissent au construit. En outre, les choses apparaissent extérieures aux sujets de droit ou personnes.  Les choses ne sont rien d’autre, affirme-t-on sans détour, que des objets de désir, et partant, peut-on imaginer, des matériaux corvéables à merci. Ainsi, les choses apparaissent délibérément opposées aux personnes : ce sont des objets par opposition aux sujets, de simples moyens pour ces fins.

mercredi 10 avril 2013

Développement des territoires et innovation : questions de mésologie / Univ. Di Corsica

Corsica William Turner
Corsica, William Turner (1830-1835)
(source)

Développement des territoires et innovation : questions de mésologie

Augustin Berque

La chaire "Développement des territoires et innovation : questions de mésologie" créée en 2012 à Corte par la Fundazione di l'Università di Corsica en collaboration avec l'Université de Corse et le CNRS (UMR LISA) a tenu sa session de printemps sur le thème du paysage et du sacré dans la nature, avec notamment un film de Jean Froment sur la Corse (série prochainement programmée sur Arte), deux leçons d'Augustin Berque (fichiers ci-joints), et un exposé de Laetitia Carlotti, plasticienne ouvrier du paysage.
Le détail des activités de la chaire, la captation vidéo de la session et des sessions précédentes, ainsi que les textes des leçons d'A. Berque, sont accessibles sur le site de la Fondation : fundazione.univ-corse.fr

Textes associés, à lire en ligne ci-après: "Mésologie du sacré" (version révisée) et "Des eaux de la montagne au paysage". 

mercredi 3 avril 2013

Sujet, sens et milieu : la trajection du physique au sémantique

L'alchimiste Cornelis Bega
L'alchimiste (1663) Cornelis Bega
(source)
Séminaire Mésologiques, EHESS. Vendredi 22 mars 2013

Sujet, sens et milieu

la trajection du physique au sémantique

Exposé d’Augustin BERQUE
Un texte complémentaire (à lire en premier, pour les personnes non familières de la mésologie)  "Sujet, fûdo, mésologie".

Sens, milieu, subjectité

            La problématique des milieux commence avec le mot sens. Dans la perspective de la mésologie[1], ce mot est pleinement assumé dans sa triple et conjointe acception de direction spatio-temporelle, capacité de sensation charnelle et signification mentale. Le premier aspect relève du niveau ontologique de la planète : c’est le sens dans lequel vont physiquement les choses, à la fois dans l’espace et dans le temps. Le second, de celui de la biosphère : c’est la capacité de sentir qu’ont les êtres vivants, et les organes qui y correspondent. Quant au troisième, il relève de l’écoumène : le niveau ontologique de l’existence humaine, où les choses, notamment grâce au langage, prennent une signification qu’élaborent et transmettent nos systèmes symboliques et techniques. Et de même que l’écoumène présuppose la biosphère, qui présuppose la planète (non l’inverse), de même la troisième strate du sens présuppose la seconde, qui présuppose la première (non l’inverse)[2].