samedi 11 décembre 2010

Credo quia absurdum. Comment fonder la morale ?

Séminaire "Poétique de la Terre". Compte rendu de la séance du vendredi 10 décembre 2010 

A. Berque reprend l'exposé entamé le 3 décembre sur le problème de fonder la morale dans la nature, étant entendu que la morale ne peut pas se fonder dans des raisons morales (ce qui contrevient aux théorèmes de Gödel). L'anthropologie et l'histoire montrent qu'en effet, les sociétés humaines n'ont cessé d'interpréter (de prédiquer) la nature en termes moraux.

Historique du terme "mésologie" / Exposé de Mlle LEE Yichien

Séminaire "Questions de mésologie". Compte rendu de la séance du jeudi 9 décembre 2010

A. Berque commence par définir le sens dans lequel il utilisera "milieu" (relation d'un sujet, individuel ou collectif, vivant et/ou humain, avec son environnement), "écoumène" (l'ensemble des milieux humains, i.e. la relation de l'humanité à la Terre) et "mésologie" (l'étude des milieux humains).

Le terme "mésologie" a été créé par Charles Philippe Robin, médecin et naturaliste (1821-1885).

jeudi 9 décembre 2010

Entre "nature" et "culture", la perméabilité.

Frantisek Kupka - Prométhée

Frantisek Kupka - Prométhée
Séminaire "Le vivant et son milieu". Séance du mardi 16 novembre 2010. Compte rendu de l'exposé de Claude Calame.

Universalisée et réifiée, l'opposition structurale entre "nature" et "culture" a contribué à renforcer la distinction entre un intérieur et un extérieur de l'homme, avec l'idée, héritée des Lumières, d'une domination possible de la raison humaine sur une nature objectivée.

Dans une première perspective d'anthropologie historique, l'attention portée au concept de phusis en Grèce ancienne montre qu'il y a continuité entre la nature du monde environnant et la nature humaine. Le traité hippocratique Des vents, des eaux et des lieux en particulier va jusqu'à offrir une théorie de l'influence de l'environnement climatique sur la morphologie, les dispositions et les actions des hommes.

Aux commencements du milieu / A. Berque


Puit de mine de Bingham Canyon
Puit de mine de Bingham Canyon (Utah) 
Séminaire collectif « Le vivant et son milieu », mardi 7 décembre 2010.

Aux commencements du milieu

Historique et (re)définition de la notion

 par Augustin Berque

L’intitulé « Le vivant et son milieu » est emprunté à un article de Georges Canguilhem (1904-1995). Sa thèse principale est que le vivant ne saurait être déduit des lois physico-chimiques ; il faut partir du vivant lui-même pour comprendre la vie. L'objet d'étude de la biologie est donc irréductible à l'analyse et à la décomposition logico-mathématiques.
« Le vivant et son milieu » est initialement une conférence que Canguilhem donna au 1946-1947 au Collège philosophique (fondé par Jean Wahl en 1946, et devenu plus tard Collège de philosophie), dont il a repris le texte pour en faire le chapitre III de La Connaissance de la vie (Paris, Vrin, 1965 ; on se réfère ici à l’édition de poche, 2009). A. Berque tient à résumer cet article, qui reste fondamental même s’il y manque les données récentes du problème. C’est l’une des sources dont il s’est inspiré pour la définition du terme « milieu » dans Médiance, de milieux en paysages (Paris, Belin/Reclus, 1990, 2000) et dans Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains (Paris, Belin, 2000, 2009).

mardi 7 décembre 2010

Logique de la co-suscitation. Refonder la morale

Primates et philosophes
(source iconographique ici)
Séminaire "Poétique de la Terre". Compte rendu de la séance du vendredi 3 décembre 2010
A. Berque rectifie d'abord un solécisme qui s'était glissé dans le CR du 19 novembre : "avec nos signes" se dit "mit unseren Zeichen" (pas "unserem"). Il rappelle que l'expression "la Terre nous prononce" signifie que nous sommes une expression de l'histoire, naturelle puis humaine, selon une logique dont ne peuvent pas rendre compte les deux positions dominantes de la modernité à cet égard :
- soit un réductionnisme déterministe (qui prétend expliquer les faits humains par les lois de la nature), 
- soit un métabasisme culturaliste (qui prétend déconnecter les faits humains de la nature). 

Du point de vue de la mésologie, les faits humains ont leur fondation dans la nature, mais ne peuvent pas s'y ramener parce qu'ils en procèdent selon une histoire dont chaque étape est marquée par la contingence et l'émergence. Cette histoire va du moins spécifique vers le plus spécifique. Elle n'est donc ni réversible, ni répétable.

samedi 20 novembre 2010

Séminaire "La poétique de la Terre". Compte rendu de la séance du vendredi 19 novembre 2010. "La Terre nous prononce".

Désert
1. Pour résumer la problématique du séminaire, A. Berque livre en pâture à l'imagination de l'auditoire cet aphorisme "Zwar nennen wir die Erde, mit unserem Zeichen ; aber es ist sie, die uns ausspricht".*

2. Que la Terre nous "prononce" veut dire que l'histoire naturelle nous a produits, et qu'à tout moment elle soutient notre existence. Ce processus anthropopoïétique (créateur de l'humain) est en même temps cosmopoétique (il crée notre monde). Ici "monde" (l'ensemble des choses qui pour nous sont la réalité, i.e. notre Umwelt) doit être soigneusement distingué de l'Univers (la totalité des objets reconnus par le "point de vue de nulle part" qui est celui de la science moderne).

mercredi 17 novembre 2010

Séminaire "Le vivant et son milieu", séance du mardi 16 novembre 2010. Compte rendu de l'exposé d'Augustin Berque

Comme étudiant en géographie, A. Berque a découvert la question des milieux vers 1960, avec la lecture de Paul VIDAL de la BLACHE (Principes de géographie humaine, 1922) et de Lucien FEBVRE (La Terre et l'évolution humaine, 1922). Comme japonisant, il l'a redécouverte avec la lecture de WATSUJI Tetsurô (Fûdo 風土, 1935). Le concept central de Fûdo - terme qu'A. Berque rend par "milieu humain" - est fûdosei 風土性, que Watsuji définit comme "le moment structurel de l'existence humaine" (ningen sonzai no kôzô keiki 人間存在の構造契機) et qu'A. Berque traduit par médiance (du latin medietas, moitié). La traduction espagnole le rend par ambientalidad. Les traductions anglaise et allemande ne le traduisent pas. La traduction chinoise reprend 風土性 : fengtuxing.

La médiance est le couplage dynamique de deux "moitiés", dont l'une est l'individu, et l'autre le complexe éco-techno-symbolique qu'est son milieu. Sans ce milieu, l'individu n'est qu'une abstraction. Il ne peut pas exister sans cette moitié de son être. Tel est, dans l'optique d'A. Berque, le principe de base de la mésologie (étude des milieux, terme créé par Louis-Adolphe BERTILLON vers 1860, soit un peu avant qu'Ernst HAECKEL ne créât Oekologie).

mardi 16 novembre 2010

La transgression des cartes

Séminaire "L'embrayage nature/culture". Compte rendu de la séance du lundi 15 novembre 2010

A. Berque termine l'exposé entamé le 18 octobre.

dimanche 7 novembre 2010

La notion de contingence

Jimbocho, Kanda, Tokyo
Jimbocho, Kanda, Tokyo
CC : scripsisti
Séminaire "Poétique de la Terre". Compte rendu de la séance du vendredi 5 novembre 2010

Pour illustrer la notion de contingence, A. Berque commence par une anecdote : l'histoire de ce livre du philosophe YAMAUCHI Tokuryû (1890-1982), Logos et lemme (山内得立著『ロゴスとレンマ』Tokyo, Iwanami, 1974) qu'il avait acheté à Sendai et commencé à lire en 1974, puis perdu, puis reçu par la poste en janvier 2010, envoyé par un ami japonais qui l'avait trouvé chez un bouquiniste de Kanda. Or le propos de ce livre peut éclairer des questions qu'A. Berque se pose actuellement, mais ne se posait pas en 1974.

Entre le hasard et la nécessité, il y a là quelque raison étrangère au calcul, et qui relève de la contingence. Dans la définition courante, est contingent ce qui pourrait être ou ne pas être.

samedi 23 octobre 2010

A. Berque : Hypothèses à partir de l'aphorisme de Nagarjuna gantâ na gacchati (le marcheur ne marche pas).

Nâgârjuna est un philosophe indien des IIe-IIIe siècles, l'un des plus illustres du bouddhisme du Grand Véhicule (Mahâyâna). L'aphorisme ci-dessus est extrait d'une stance que vous trouverez p. 47 dans son Traité du milieu (traduit par Georges Driessens) :

Tout d'abord, l'agent de mouvement ne se meut pas,
Le non-agent ne se meut pas;
Quel tiers autre que l'agent et le non-agent
Pourrait-il se mouvoir?


Cette stance relève implicitement d'un mode de raisonnement familier à Nâgârjuna, le tétralemme, raisonnement en quatre stades qui combine affirmation, négation, ni affirmation ni négation, affirmation et négation. La proposition gantâ na gacchati est souvent citée comme illustrant l'idée que les mots (ici la distinction entre le marcheur et le fait de marcher) découpent arbitrairement l'unité des phénomènes.

mercredi 6 octobre 2010

Journée d’étude : “L’embrayage nature/culture”

Cette journée d'études a été l'occasion de discuter des nouveaux enjeux épistémologiques, anthropologiques et scientifiques que posent aujourd'hui les relations entre nature et culture. Nous présentons ici les résumés des 3 interventions.
1/ Augustin Berque, «La pensée orientale peut-elle nous aider à concevoir l'embrayage histoire naturelle / histoire humaine ?».
2/ Claude Calame, «Fabrications grecques de l'humain entre nature et culture: un point de vue d'anthropologie historique et critique».
3/ Luciano Boi, «Sciences de la complexité, philosophie de la nature et écodynamique: quelques nouveaux concepts et modèles pour repenser les relations entre nature et culture»

lundi 4 octobre 2010

Séminaire inaugural


L'embrayage nature culture
Le séminaire a consisté en deux présentations successives de M. Augustin BERQUE, suivie de celle de Luciano BOI et dont voici les comptes rendus (réalisées par leurs auteurs), puis d'une longue discussion avec les participants .

1/ Augustin Berque

Augustin Berque souligne qu'"embrayage" vise à exprimer la souplesse ou la contingence du rapport en cause. Or, traditionnellement, le rapport nature/culture a été exprimé en termes déterministes (les particularités du climat, notamment, "causant" celles de la société), au moins depuis Hippocrate, qui est resté un modèle de pensée en la matière pour toute l'Antiquité et tout le Moyen Âge.

Sommes nous déterminés par la géographie ?

Sommes-nous déterminés par la géographie ?
Vidéo de la conférence d'Augustin Berque (15min).

Présentation de l'hypothèse de la "contingence exponentielle".