mercredi 23 mai 2018

Transhumanisme et cyborgie, ou recouvrance de la Terre ? / Augustin Berque

Cyborg Ahn Chang Hong et 안창홍
(Korean Art Museum Association, 2006)
« Anthropocène » : qu’avons-nous fait, qu’allons-nous faire ?
Association Tapages, XI èmes Rencontres, Bergerac, 3-7 avril 2018

Transhumanisme et cyborgie,
ou recouvrance de la Terre ?

par Augustin Berque

Plan § 1. À qui la faute ? ; § 2. La médiance humaine ; § 3. Fuir en avant dans la cyborgie… ; § 4. … ou reconnaître notre condition écouménale ? ; Conclusion : mésologie et recouvrance. 

§ 1. À qui la faute ? 

Parler d’« anthropocène », c’est ipso facto attribuer à l’humanité tout entière la responsabilité des ravages que subit l’environnement terrestre à cause de l’action humaine1. En fait, comme l’ont souligné Bonneuil et Fressoz2, il conviendrait plutôt de parler de capitalocène, d’occidentalocène ou de consumérocène, car cette responsabilité n’est pas celle de l’anthrôpos ἅνθρωπος en général, mais celle d’un certain type de civilisation, dont ne profite qu’une minorité, à l’exclusion des autres humains3. C’est là un problème à la fois social et géopolitique. Et comme les effets en sont d’échelle planétaire, c’est aussi un problème moral, parce que, dans l’ensemble, ceux qui ont provoqué et continuent d’aggraver l’anthropocène ne sont pas ceux qui en pâtissent. Pour dire la chose en un mot, la cause principale de l’anthropocène, c’est le paradigme occidental moderne-classique (ci-après POMC), caractérisé ontologiquement par le dualisme, qui s’est instauré en Europe au XVII e siècle, et a rendu possible la modernité dans ses aspects les plus divers. L’essence de ce paradigme dualiste aura été de couper le lien ontologique entre l’être humain et le milieu terrestre, converti en un simple objet mécanique, manipulable et utilisable à volonté. L’humain quant à lui s’est auto-institué en un sujet transcendantal, comme le symbolisa le cogito cartésien.

Lire la suite

mercredi 16 mai 2018

Lieu, Milieu et Architecture

Vue intérieure du musée Yusuhara Wooden Bridge
Tarogawa, Japon, 2010. Architecte : Kengo Kuma.
Paru dans L'Architecture d'aujourd'hui, édition du 11 mai 2018. Discussion menée en japonais, puis retranscrite et traduite en français par Yola GLOAGUEN, assistante de recherche auprès de la chaire de philologie de la civilisation japonaise du Collège de France.

Lieu, Milieu et Architecture

Conversation entre KUMA Kengo & Augustin BERQUE

Résumé - En mars dernier, l’architecte Kengo Kuma rencontrait au sein de son agence parisienne le géographe, orientaliste et philosophe Augustin Berque. Au cours de leur conversation, il fut question de logique du lieu, de ces architectures qui « tuent le sol »... et de celles qui ne font qu’une avec la terre. Mais encore d’« espace foutoir » et de réhabilitation du cosmos. Et aussi de « fûdo », de milieu, d’architectures du lien, par opposition au « nihilisme » de certains starchitectes et à la « vanité » d’architectures tombées là. Ou comment renouer avec la Terre.


<!--LIRE-LA SUITE-->

mercredi 9 mai 2018

Dominique BOURG Une nouvelle Terre / CR d'augustin Berque

Dominique BOURG, Une nouvelle Terre. Desclée de Brouwer éditions. 2018Pour EspacesTemps

Une spiritualité du donné naturel ?

Compte rendu de
Dominique BOURG, Une nouvelle Terre, Paris, Desclée de Brouwer, 2018, 240 p.
par Augustin Berque


Voilà un essai ambitieux. Dominique Bourg ne se contente pas de passer en revue les grandes questions que pose actuellement l’état de l’environnement terrestre, et que l’on ramasse sous le terme d’Anthropocène ; il questionne l’essence même de notre civilisation, jusque dans sa spiritualité – ou son absence de spiritualité. Les six chapitres sont intitulés : 1. L’Anthropocène et le changement de nos modes d’habitation et de conception de la Terre ; 2. Des dommages transcendantaux ; 3. Spiritualité, nature et société ; 4. Esprit, Terre et spiritualité ; 5. La modernité à bout de souffle ; 6. Vers une société plus respectueuse du donné naturel.
Comme le montrent ces divers titres, Dominique Bourg, auteur connu pour ses nombreux ouvrages en philosophie de l’environnement, et professeur ordinaire à la faculté des géosciences et de l'environnement de l'université de Lausanne, n’est pas du bord des climatosceptiques et consorts. Certains des phénomènes qu’il rapporte ont même de quoi faire frémir ; par exemple, p. 37, à propos du réchauffement climatique : « Avec les cyclones Haiyan aux Philippines (2013), Pam au Vanuatu (2015) et Irma dans les Antilles (2017), des rafales de vent ont atteint ou dépassé les 340 km/h, et même 379 km/h pour le premier, soit une vitesse s’approchant de celle du souffle d’une bombe ».