mercredi 25 janvier 2012

Donner lieu au monde / A. Berque

V. Van Gogh, Le semeur au soleil couchant, 1888
(Source : Rijksmuseum Krueller-Mueller, Otterlo)

Donner lieu au monde : la poétique de l'habiter

Actes du colloque de Cerisy-la-Salle

Augustin Berque, Alessia de Biase, Philippe Bonnin (dir.)

Suite à L’Habiter dans sa poétique première, ce livre recueille les actes du colloque tenu en septembre 2009 à Cerisy-la-Salle. Il s’agit à présent de la création, c’est-à-dire de la poïétique d’un monde autre que l’insoutenable monde actuel. Insoutenable, notre monde l’est puisque non viable écologiquement, injustifiable moralement (car de plus en plus inégalitaire), et inacceptable esthétiquement (car il « tue le paysage »). Dans la réarticulation cosmologique du Vrai (ici l’adéquation de notre mode de vie aux capacités de la Terre), du Bien et du Beau, les auteurs ont donc été invités à imaginer un nouveau poème du monde, au delà de la modernité qui l’a fait taire en disjoignant les champs respectifs de la technoscience, de l’éthique et de l’esthétique.

jeudi 12 janvier 2012

Comment souffle l’esprit sur la terre nippone / Augustin Berque

Le Jōmon Sugi (縄文杉) sur l'île de Yakushima
Le Jōmon Sugi (縄文杉) sur l'île de Yakushima
Colloque Spiritualités japonaises. Bruxelles, Palais des Académies, 21-23 septembre 2011

Comment souffle l’esprit sur la terre nippone

par Augustin Berque

Résumé : Le mot qui en japonais désigne un milieu humain, fûdo, s'écrit avec deux sinogrammes associant le vent et la terre. Le vent désigne ici à la fois les phénomènes météorologiques et les moeurs d'un pays, la terre étant quant à elle ce qui fonde et localise tout cela dans la nature. On peut, métaphoriquement, rapprocher ce rapport  terre/vent du rapport entre sujet S (la base substantielle) et prédicat P (la manière insubstantielle de saisir cette base), ainsi que du "litige" (Streit) heideggérien entre terre et monde, voire du rapport nature/culture. Dans ce rapport, la terre S est assumée en tant que monde P. Ce rapport vaut pour tous les milieux humains, dont il produit la réalité (S/P, i.e. S saisi en tant que P). Il est toutefois insaisissable dans le cadre du dualisme occidental moderne classique, pour lequel la terre ne peut être qu'un objet (S) abstrait idéalement de tout prédicat humain (autrement dit un S sans P), que ce dernier soit matériel (tels les systèmes techniques), charnel ou spirituel (tels les systèmes symboliques). La faille logique de ce dualisme, qui absolutise l'objet (i.e. S), est que l'existence même de S suppose nécessairement qu'il soit saisi (prédiqué) en tant que quelque chose par une instance humaine. La "logique du prédicat" mise en avant par Nishida ne combla nullement cette faille ; elle ne fit que culbuter le parti scientifique (l'absolutisation de S) en un parti mystique (l'absolutisation de P). Au delà de cette symétrique impasse, il s'agira ici de sonder la possibilité d'interpréter la constitution de la réalité, et plus spécialement la symbolicité des choses, comme une concrétisation du tétralemme nagarjunien, qui fut introduit au Japon par le bouddhisme du Grand Véhicule et s'y exprima notamment dans le zen.

jeudi 5 janvier 2012

La chôra chez Platon / Augustin Berque

Platon par Raphaël
Platon, détail de L'École d'Athènes, par Raphaël
Paru dans Thierry PAQUOT et Chris YOUNÈS (dir.) Espace et lieu dans la pensée occidentale, Paris, La Découverte, 2012, 316 p., p. 13-27. 

La chôra chez Platon

par Augustin BERQUE

Résumé : Le thème de la chôra dans le Timée de Platon aboutit à une aporie : ce troisième genre d’être, à la fois empreinte et matrice du devenir, et qui n’est ni l’être absolu ni l’être relatif, reste finalement impensable. Il est ici interprété comme le milieu concret où existe l’être relatif. Ce milieu est inintelligible parce qu’il ne relève pas de la raison dont l’idéalisme platonicien est en train d’instaurer le règne, évinçant celui du mythe, autrement dit celui de la symbolicité, comme l’illustrera le bannissement des poètes hors de la République. Dans le symbole en effet, A est toujours aussi non-A, ce que n’admet pas le principe du tiers exclu, qui va gouverner la raison occidentale jusqu’à la découverte de l’intrication quantique. Du même coup, la pensée de la chôra s’est trouvée forclose, au bénéfice du topos aristotélicien. Or les tétralemmes que les logiciens indiens vont mettre au point aux alentours du IIIe siècle permettent justement d’inclure le tiers. Le quatrième lemme en particulier (à la fois A et non-A) correspond justement au symbole. On conclut en postulant que le tétralemme fournit l’armature logique permettant à la raison de reconnaître la concrétude des milieux humains, si longtemps forclose par le principe du tiers exclu. 

mercredi 4 janvier 2012

"Logos et Lemme" de Yamanouchi Tokuryû / Augustin Berque


Yamauchi Tokuryû

YAMANOUCHI Tokuryû, Logos et lemme

( 山内得立著『ロゴスとレンマ』)

Tokyo, Iwanami, 1974, 380 p.
Condensé partiel et commentaire, par Augustin Berque. 

Les insertions entre crochets sont soit des remarques d’A. Berque à propos du texte de Yamanouchi, soit des citations d’autres ouvrages. Tout le texte qui suit est un travail en chantier, ne visant qu’à amorcer des pistes de recherche, donc à ne pas citer. Les traductions rendant diverses terminologies (bouddhiques en particulier) très spécialisées, beaucoup sont à revoir ou à gloser davantage. Certains signes diacritiques du sanscrit ne sont pas notés, donc les transcriptions sont à revoir.

Logique du champ, de l’interdépendance et du milieu / Augustin Berque


Le jardin de la Trajection
Le jardin de la Trajection
(photo d'A. Berque, sous licence CC)
Séminaire Japarchi, 17 décembre 2011, Nichibunken, Kyôto

Logique du champ, de l’interdépendance et du milieu

( 場と縁と風土の論理 )

exposé d’Augustin Berque

NB Cet exposé a été fait en contrepoint aux notices ba , en et fûdo 風土 du Vocabulaire de la spatialité japonaise dirigé par Philippe Bonnin.

I. AB annonce d’abord que la « logique » en question serait plutôt une « lemmique » ou une « méso-logique », faisant le pont entre les mots et les choses, comme il va s’efforcer de le montrer. « Lemmique » vient du grec lemma (du verbe lambanô, prendre). Dans la théorie des milieux humains ou mésologie, cela s’applique aux « prises » que nous avons sur la réalité, et que la réalité a sur nous[1]. Sur le lemme en général, AB renvoie au livre séminal de YAMANOUCHI Tokuryû, Logos et lemme 山内徳立著『ロゴスとレンマ』, 岩波書店, 1974 (condensé en français dans "Logos et Lemme" de Yamanouchi Tokuryû / Augustin Berque).

Etat de la situation du Japon sinistré, au 30 décembre 2011 / Marc Humbert

(CC)

Petit état des lieux

en cette fin d’année à destination de ceux qui sont intéressés par cette situation du Japon sinistré mais qui n’ont pas eu l’occasion de pouvoir en suivre l’actualité.

Par Marc Humbert


Plan de l'article :
 
1)  Peut-on parler d’un retour à la normale ?
2)  Les données les plus publiques sur le niveau de radioactivité.
3) Les perspectives concrètes : un avenir proche encore bien difficile
4) Il n’y a pas de mot de la fin 
  
1)  Peut-on parler d’un retour à la normale ?

Le Japan Times du 30 décembre a décidé d’arrêter la publication de la carte des niveaux maximum de radiation dans l’Est du Japon en indiquant que la situation semblait stabilisée. Le service culturel et d’information de l’ambassade du Japon en France a fait un communiqué le 20 décembre pour protester auprès des média contre les informations publiées en France et de nature à induire en erreur les lecteurs sur les initiatives du gouvernement. Ce courrier donne certaines précisions avec des commentaires pour tenir que la situation est en voie de normalisation, pour souligner que le gouvernement japonais a fourni des efforts remarquables, et que tout peut reprendre comme avant. Le Japon renaît.

De l'influence des milieux ou mésologie / Louis-Adolphe Bertillon

Louis-Adolphe Bertillon
Louis-Adolphe Bertillon
De l'influence des milieux ou mésologie

Un article du Bulletin de la Société d'Anthropologie, année 1872, vol. 7, n°7, pp. 711-728, reprenant un exposé de Louis-Adolphe Bertillon.

La mésologie est là présentée dans son état primitif, à prendre avec des pincettes quant aux naïvetés de son déterminisme climatique. Entre cet état primitif et l'état actuel de la discipline, il y a l'apport du possibilisme vidalien (la contingence historique mise en lumière par Lucien Febvre dans La Terre et l'évolution humaine), de la médiance watsujienne, etc. Mais il est bon de voir d'où on part.