mercredi 28 juin 2017

Chaînes sémiologiques et production de la réalité / A. Berque

The Exaltation of the Arts (Jan Leyniers, 1660)
Brussels Manufactory (tapestry)
Congrès de l’Association française de sémiotique
Greimas aujourd’hui : l’avenir de la structure
UNESCO, Paris, 30 mai – 2 juin 2017
Chaînes sémiologiques et production de la réalité
par Augustin Berque


Résumé – La notion barthésienne de « chaîne sémiologique » est ici rapprochée de la notion mésologique de chaîne trajective, et corrélativement de la notion de mitate 見立て (voir un lieu a en tant que lieu b) et de la « logique du lieu » (dite également « logique du prédicat ») de Nishida. Dans cette optique, la réalité se définira comme la trajection (par les sens, l'action, la pensée, le langage) de S en tant que P, soit la formule r = S/P, ce qui permet la synthèse entre logique de l'identité du sujet (Aristote) et logique de l'identité du prédicat (Nishida). La notion de chaîne trajective, soit la formule (((S/P)/P')/P'')P'''..., permet de prendre en compte l'histoire et l'évolution. S'ensuivent une série de rapprochements entre les chaînes sémiologiques barthésiennes, la tonation (Tönung) chez Uexküll, la sémiose chez Peirth, voire la physique chez Heisenberg. Il s'agira ici d'ordonner ces divers rapprochements en tant que production de la réalité (le milieu, Umwelt) à partir du Réel (l'environnement, Umgebung), et réciproquement.

mercredi 21 juin 2017

Vivre avec les catastrophes (Yoann Moreau) / Clément Lefranc

La Vague, Plantu (source)
Recension de Clément Lefranc
Sciences humaines N° 294 - juillet 2017

Vivre avec les catastrophes

Yoann Moreau, Paris: Puf, 2017

Par définition, ou presque, les catastrophes naturelles qui emportent des vies, détruisent des territoires, abîment le monde, sont des événements imprévisibles. Figure funeste par excellence, la catastrophe est toujours suivie d’un moment de sidération, puis d’efforts d’élucidation pour en comprendre les causes et les conséquences suivis, très souvent, de controverses multiples. Partant de ce cadre général, l’auteur entre dans le vif de cas exemplaires (le séisme d’Edo en 1855, l’éruption volcanique d’Ambrym en 1892, l’éruption de l’Etna en 1991, le glissement de terrain de Vargas en 1999) pour examiner une thèse forte : même si ce qui est arrivé était impossible à envisager, la seule manière de panser les plaies consiste, collectivement, à construire un sens à la catastrophe. À défaut, il est impossible d’accepter l’inacceptable et de se projeter ensemble vers l’avenir. Signé par un physicien devenu anthropologue, spécialiste des modes d’existence en situation extrême, l’ouvrage renouvelle le genre. Il propose d’abord de restituer chaque catastrophe étudiée dans sa texture géographique, historique et sociale singulière. Il forge ensuite une nouvelle grammaire des risques, en insistant en particulier sur l’importance des « remédiations collectives » (mise en place d’espaces de discussion et de disputes, recherches communes d’explications à l’aide de modèles variés…) à défaut desquelles il serait impossible d’apprendre à vivre avec et après les catastrophes.

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mercredi 14 juin 2017

Feux et lieux de l’humanité sur la Terre / A. Berque

Scene from the Quaternary upper Paleolithic Period
José María Velasc (XIXe, Museo Nacional de Arte)
source
Paru dans Thérèse VIAN-MONTOVANI (dir.) Frans Krajcberg. Destruction Destruição, Pau, Materia Prima, 2005, p. 31-43.

Feux et lieux de l’humanité sur la Terre

par Augustin BERQUE

Se combinant avec l’oxygène, un atome perd des électrons. Hypnotisé par le phénomène, le héros de La Guerre du feu, Naoh, prononce, avec son bel accent paléolithique, le mot atrrr ; et cela nous réchauffe le cœur, parce que nous autres tenons de nos ancêtres latins la coutume de paver le lieu du feu : l’âtre, mot qui vient d’astracus, « carrelage ». Il semble du reste qu’on se soit servi à l’origine de coquillages pour ce faire, puisqu’astracus vient lui-même d’ostreum,  « huître ». Quant à nous, réunis devant l’âtre de génération en génération, nous en avons gardé le sentiment qu’un foyer humain, cela commence par un feu.  Autrement dit, par un phénomène d’oxydation : une combinaison avec l’oxygène dans laquelle certains corps, tel le bois, dégagent simultanément chaleur, lumière et flamme. Ils brûlent.

mercredi 7 juin 2017

Retournement du monde et émergence de shanshui / Nan Liu

Séminaire Mésologiques V :
La genèse des milieux humains : anthropisation, humanisation, hominisation
École des Hautes Études en Sciences Sociales
12 mai 2017

Couleurs automnales sur les Monts Que et Hua (鵲華秋色),
Zhao Mengfu (趙孟頫)

Retournement du monde et émergence de shanshui :

sur l’érémitisme et la recherche d’immortalité dans les milieux lettrés en Chine des Wei-Jin (220-420)


Par Nan Liu

        Le shanshui 山水, « montagnes-eaux », motif intrinsèque de l’art lettré en Chine, qui pourrait correspondre au sens étroit au paysage littéraire et pictural en tant que représentation. Comme le montrent les peintures de shanshui, les montagnes et les eaux constituent un macrocosme de pics et de vallées, de forêts et de torrents, où apparaissent des personnages miniatures mais indispensables pour indiquer que ce macrocosme est un lieu de vie humaine. Plutôt que les montagnes-eaux coupés en elles-mêmes, on observe bien souvent des hommes contemplatifs dans le paysage, ayant une allure digne, dont le regard, instauré à l’intérieur du tableau, suggère un rapport entre l’homme et le paysage qu’il a devant lui, mais qui ne figure pas nécessairement devant les spectateurs. Demandons-nous qui sont ces hommes ? Quels types de rapport ont-ils avec ce milieu ? Ainsi, nous remontons à l’émergence des montagnes-eaux en abordant deux facteurs à savoir deux mouvements et tendances – l’érémitisme et la recherche d’immortalité – dans les milieux lettrés de l’époque des Wei-Jin , qui témoignent de l’invention de shanshui.