mercredi 31 janvier 2018

Chaînes sémiologiques et production de la réalité / Augustin Berque

Café in Mytilene (Spyros Papaloukas, 1929)
source
Congrès de l’Association française de sémiotique / Greimas aujourd’hui : l’avenir de la structure / UNESCO, Paris, 30 mai – 2 juin 2017

Chaînes sémiologiques et production de la réalité

par Augustin Berque

Résumé – La notion barthésienne de « chaîne sémiologique » est ici rapprochée de la notion mésologique de chaîne trajective, et corrélativement de la notion de mitate 見立て (voir un lieu a en tant que lieu b) et de la « logique du lieu » (dite également « logique du prédicat ») de Nishida. Dans cette optique, la réalité se définira comme la trajection (par les sens, l'action, la pensée, le langage) de S en tant que P, soit la formule r = S/P, ce qui permet la synthèse entre logique de l'identité du sujet (Aristote) et logique de l'identité du prédicat (Nishida). La notion de chaîne trajective, soit la formule (((S/P)/P')/P'')P'''..., permet de prendre en compte l'histoire et l'évolution. S'ensuivent une série de rapprochements entre les chaînes sémiologiques barthésiennes, la tonation (Tönung) chez Uexküll, la sémiose chez Peirth, voire la physique chez Heisenberg. Il s'agira ici d'ordonner ces divers rapprochements en tant que production de la réalité (le milieu, Umwelt) à partir du Réel (l'environnement, Umgebung), et réciproquement.
  
§ 1. Le sens, du point de vue mésologique
Je parlerai ici de sens, terme qui vous est familier, mais du point de vue de la mésologie, terme qui vous l’est moins. Ce terme figurait dans la première édition du Petit Larousse, en 1906, il n’y est plus aujourd’hui. En 1906, le Petit Larousse le définissait comme « Partie de la biologie qui traite des rapports des milieux et des organismes », « milieu » étant pour sa part défini sous ce rapport comme « Lieu dans lequel on se meut. Sphère morale ou sociale : être sorti de son milieu ». À peu de chose près, c’était là effectivement le sens dans lequel l’entendit le créateur du terme « mésologie », le physiologiste Charles Robin (1821-1885), qui l’introduisit lors de la séance inaugurale de la Société de biologie, le 7 juin 1848, comme le rappelle Georges Canguilhem :