jeudi 9 décembre 2010

Entre "nature" et "culture", la perméabilité.

Frantisek Kupka - Prométhée

Frantisek Kupka - Prométhée
Séminaire "Le vivant et son milieu". Séance du mardi 16 novembre 2010. Compte rendu de l'exposé de Claude Calame.

Universalisée et réifiée, l'opposition structurale entre "nature" et "culture" a contribué à renforcer la distinction entre un intérieur et un extérieur de l'homme, avec l'idée, héritée des Lumières, d'une domination possible de la raison humaine sur une nature objectivée.

Dans une première perspective d'anthropologie historique, l'attention portée au concept de phusis en Grèce ancienne montre qu'il y a continuité entre la nature du monde environnant et la nature humaine. Le traité hippocratique Des vents, des eaux et des lieux en particulier va jusqu'à offrir une théorie de l'influence de l'environnement climatique sur la morphologie, les dispositions et les actions des hommes.

Dans un second moment de retour anthropologique sur la modernité contemporaine, les arts techniques que le Prométhée d'Eschyle se vante d'avoir conçus pour les hommes mortels permet de jeter un regard critique sur les métaphores du code et du livre qui permettent de rendre compte du fonctionnement du génome humain dans le cadre d'un déterminisme scientiste. Il est néanmoins nécessaire de prendre en compte aussi bien facteurs épigénétiques que de l'environnent matériel, social et culturel dans le développement des cellules de l'organisme humain.

Ainsi le génie génétique échappe au paradigme déterministe pour s'inscrire dans un ordre de déterminations et d'interactions multiples où le hasard joue un rôle important. Dès lors le génie génétique s'avère être un savoir interprétatif au même titre que les arts sémiotiques et herméneutiques élaborés par Prométhée. Ce constat requiert un étroite collaboration entre sciences de la vie et sciences de l'homme

Le concept d' "anthropopoiésis" aidera à penser le système d'interaction écologique et sociale, et de déterminisme pluriel, en partie aléatoire, dans le lequel s'inscrit l'indispensable construction communautaire et culturelle d'un être humain dont le cerveau se caractérise par une remarquable plasticité.

Bibliographie :

  • Pour une perspective critique sur les métaphores utilisées pour rendre compte de l'ingénierie génétique appliquée à l'homme à partir des arts techniques proposé par le Prométhée d'Eschyle, voir : Prométhée généticien, Paris (Encre Marine – Les Belles Lettres) 2010
  • Sur la fabrication d'un paysage cultuel en relation avec le rituel qui s'y déroule avec ses protagonistes, voir : « Iphigénie à Braurôn : étiologie poétique et paysage artémisien », in L. Bodiou & V. Mehl (éds), La religion des femmes en Gréce ancienne. Mythes, cultes et société, Rennes (Presses Universitaires de Rennes) 2009 : 83-94.