mercredi 11 avril 2012

Pensée morphologique / Luciano Boi

Summer Evening, Hashimoto Kansetsu
"Summer Evening", Hashimoto Kansetsu, 1941
(Adachi Museum of Art)

Pensée morphologique et interfaces sciences du vivant et sciences humaines

Par Luciano Boi
(EHESS, Centre de Mathématiques et Équipe de Morphologies)

« […] je ne dirais pas que les routes de l’homme traversent le milieu de vie du hérisson mais c’est bien la rencontre de deux histoires : l’homme et le hérisson se retrouvent sur la même route à un moment donné et j’espère bien arriver à freiner et à ne pas écraser le hérisson. » (G. Canguilhem, Connaissance de la vie, Paris, 1966 ; à partir d’un des monologues du mendiant dans l’Électre de Giraudoux.)

Résumé : Nous cherchons à montrer que l’épigenèse, la morphogenèse, l’auto-organisation, les sciences de la complexité, sont des modèles explicatifs qui visent à répondre à la grande énigme de la construction du vivant à l’ère post-génomique. Ces modèles permettraient notamment de montrer que la vie n’est pas contenue dans un programme, mais découle d’une cascade de causalités qui s’enchaînent de manière non linéaire et par des discontinuités qualitatives successives. Par contraste avec le paradigme du « tout génétique », l’épigénétique permet d’appréhender d’une nouvelle manière les interactions entre organismes vivants et milieux naturels et culturels, ainsi que la coappartenance de la diversité et de l’unité du vivant à un même processus historique complexe et changeant. 

   
1. Le contexte général

Une révolution est en cours dans les sciences de la vie. Autour des mots « épigenèse », « morphogenèse », « auto-organisation » ou « coévolution » se cache une vision nouvelle de la vie et de l’évolution, qui a des conséquences majeures sur notre conception de l’humain.
Pendant un demi-siècle, on a cru que l’ADN recelait les secrets du vivant. L’ensemble des instructions codées sur chaque gène formait, du moins le pensait-on jusqu’à récemment, un « programme génétique ». En décodant ce programme, inscrit sur la longue chaîne d’ADN, on allait parvenir à percer le langage de la vie. Mais cet espoir s’est révélé vain et, en fait, depuis deux bonnes décennies déjà, les biologistes ont commencé à prendre conscience que le séquençage du génome n’ouvrait pas la voie au décodage du « programme génétique », pour la simple raison que ce dernier était un leurre. 

À la même époque, d’autres recherches étaient en train de changer la façon de penser la construction du vivant. Les biologistes ont fait des découvertes qui tournaient autour de notions et disciplines nouvelles : épigenèse, morphogenèse, embryogenèse et théorie évo-dévo[1]. Celles-ci portent une nouvelle conception de la vie. En particulier, il apparaissait de plus en plus que les organismes ne sont pas construits à partir d’un seul programme contenu dans ses gènes. L’idée de programme génétique s’effondrait. La première grande brèche dans l’idée de programme génétique est l’épigenèse. L’épigénétique s’intéresse aux mécanismes d’activation des gènes par des facteurs intérieurs et extérieurs. En particulier, l’épigénétique montre que les gènes doivent être exprimés (activés) pour servir dans la construction du vivant. Ainsi, un même embryon, donc un même ADN, peut produire plusieurs individus d’un même animal, en fonction de certains facteurs extérieurs. Au départ, un même ADN, à l’arrivée, des organismes variés.

L’environnement occupe un rôle central dans ce nouveau paysage théorique et expérimental. Il agit en activant les gènes comme on compose des airs différents en appuyant sur telle ou telle note d’un même clavier. Le génome n’est donc pas un grimoire sur lequel est consigné le secret de la vie. Il ressemble plutôt à un alphabet de quelques milliers de lettres : mais comment ces lettres se combinent-elles pour former des mots (les molécules), des phrases (les cellules), des textes (les organismes) ? C’est une autre histoire, et cette histoire peut être écrite seule par une collaboration entre sciences de la vie et sciences sociales. Dans quelques publications, j’ai avancé la thèse que, selon la période de vie et le type d’activité du génome, l’environnement peut se comporter comme promoteur d’une vulnérabilité ou révélateur d’une résistance. 

Il s’agit ainsi d’explorer les nouvelles interactions entre les sciences du vivant et les sciences humaines. Pour y arriver, il faudrait développer une démarche à la fois mathématique, épistémologique et historique. Le point important est que les sciences de la nature et du vivant soient considérées comme un domaine à part entière des recherches et des travaux en sciences humaines et sociales. Cette insertion du naturel et du vivant dans les études philosophiques, historiques, anthropologiques et esthétiques doit être développée aux plans méthodologique, épistémologique et scientifique. Comment ? En explorant surtout les relations complexes entre génétique/épigénétique, inné/acquis, aléatoire/déterminé, contingent/nécessaire, ordre/désordre, local/global, réversible/irréversible. 

Plus précisément, il faudrait axer les recherches autour de trois grands thèmes. 

(i) L’épigenèse, la morphogenèse, l’auto-organisation, les sciences de la complexité ou la théorie évo-dévo, sont des modèles explicatifs qui visent à répondre à la grande énigme de la construction du vivant à l’ère post-génomique. On peut chercher à utiliser tous ces modèles pour montrer que la vie n’est pas contenue dans un programme, mais découle d’une cascade de causalités qui s’enchaînent de manière non linéaire et par des discontinuités qualitatives successives. En même temps, on peut montrer, en maniant les théories topologiques et dynamiques des immersions et des nœuds, qu’il existe cependant des schémas directeurs initiaux, des boucles de rétroaction, des niveaux d’organisation morphologique interdépendants, des chemins d’évolution, des bassins d’attraction et des logiques de coévolution, qui convergent vers des formes stables et récurrentes. 

 (ii) Avec l’épigenèse et la fin du tout génétique, une autre idée est venue bouleverser les sciences du vivant, celle de coopérativité. La vision du vivant qui domine dans le darwinisme est celle d’une âpre « lutte pour la vie », une lutte de tous contre tous où individus et espèces se combattent et rivalisent entre elles. Or, depuis quelques années, comme je l’ai montré dans quelques travaux récents portant sur les processus embryogénétiques et morphogénétiques (voir la bibliographie), la biologie a mis en évidence combien la vie serait aussi solidaire et coopérative. Dans le monde vivant, il existe plusieurs espèces animales et végétales qui réalisent une forme de donnant entrecroisé (que l’on pense à la relation entre abeilles et fleurs), donnant indispensable à la vie de chacun. On appelle cela le mutualisme. Mais il existe dans la nature une forme d’association plus intégrée encore : la symbiose. On a longtemps cru que ces associations étaient exceptionnelles. Depuis peu, les biologistes, mais aussi certains éthologues et anthropologues, ont pris conscience de l’importance et de l’omniprésence des relations de coopération et de symbiose dans le monde vivant. L’exemple des bactéries qui vivent dans l’estomac de chaque être humain est tout à fait éclairant : nous nourrissons ces bactéries qui, en échange, nous aident à manger. Cette forme de coexistence et d’interdépendance entre organismes vivants et milieux naturels variés est très répandue et elle apparaît essentielle, à toutes les échelles, pour permettre la naissance et la construction des formes vivantes. Le but est de montrer qu’une telle symbiose constitue l’un des processus fondamentaux qui sous-tend l’équilibre des écosystèmes et la régénération de la biodiversité.  

(iii) On peut chercher à approfondir l’étude de ces associations organiques entre êtres vivants en faisant appel à la biologie des systèmes ou biologie intégrative. Une connaissance plus profonde de ces processus complexes de symbiose pourrait contribuer à une mutation paradigmatique dans les sciences du vivant. Au lieu de concevoir des organismes isolés en compétition, il s’agit de percevoir plutôt des individus (bactéries, micro-organismes, végétaux, sociétés animales, communautés humaines) comme des entités liées organiquement entre elles et vivant en échange constant et en étroite interaction avec leur milieu : chacun étant membre d’une unité plus large ou contenant en lui des unités plus petites. En quelque sorte, l’idée même d’individu isolé se dissout : chacun est un peu à l’intérieur de l’autre, au sens qu’il fait partie d’un collectif plus large. L’idée est que la nature et le vivant sont plus solidaires que ce qu’on pense : les organismes ne sont pas des isolats vivant et agissant les uns indépendamment des autres. D’ailleurs, l’existence de propriétés dites « collectives » représente l’une des principales caractéristiques des systèmes complexes, comme j’ai pu le montrer dans quelques travaux récents consacrés à mettre en évidence leurs propriétés morphologiques intrinsèques. Cette vision de la vie a des conséquences majeures sur notre représentation de l’humain. Un être humain se construit, comme tous les autres organismes vivants, à partir d’un substrat biologique qui n’est pas intégralement inscrit dans le programme génétique. L’embryon humain oriente son développement en fonction des apports nutritifs de la mère puis des aliments extérieurs. Comme tous les mammifères, l’enfant a besoin de lait pour vivre et se développer. Ce lait peut être apporté par la mère. Or, aucune mère ne pourrait vivre seule sans support social extérieur, quelle que soit la société des primates, humains compris. L’enfant a besoin d’une mère qui a besoin d’un groupe social (qui lui-même ne pourrait exister sans un minimum de règles). Le développement biologique est donc enraciné dans des milieux naturels et sociaux qui sont indispensables à leur entretien. Inversement, les réseaux sociaux, culturels, symboliques des humains ne pourraient exister et se déployer sans enracinement dans le monde vivant. La création de la plus petite unité sociale suppose que ses membres disposent de tout l’équipement mental et émotionnel permettant la communication et le lien social. Lorsque cet équipement est modifié (comme dans les troubles neuro-développementaux tels que l’autisme), la socialisation est gravement altérée et l’essor de la vie sociale impossible. De nombreuses espèces – abeilles, rats, oiseaux, félins, primates dont les humains – ont développé au cours de l’évolution une palette d’instincts, d’émotions et de compétences sociales leur permettant de vivre ensemble et de coopérer. Sans cet équipement de base, aucune société complexe ne peut s’édifier.

(iv) Tout système est unique dans son genre puisqu’il est le résultat d’un parcours épigénétique dans lequel différents éléments et systèmes se sont combinés dans une succession de bifurcations contrôlées et d’événements aléatoires. L’organisation est assurée par la présence d’une interface qui permet de moduler les relations et les échanges entre le système et l’environnement extérieur et influe sur son évolution. En utilisant des outils conceptuels fins de la théorie des systèmes dynamiques et des singularités topologiques, on espère mettre en évidence que les systèmes vivants sont des structures morphogénétiques, auto-organisées et dissipatives complexes capables de s’organiser en des formes cohérentes et de les entretenir au cours du temps. Ces structures présentent deux propriétés fondamentales : a) ce sont des systèmes ouverts, c’est-à-dire qu’ils sont en relation avec un environnement extérieur avec lequel ils réalisent constamment des échanges d’énergie et de matière ; b) ce sont des structures complexes de type adaptatif du fait qu’ils forment des configurations d’ensemble cohérentes en mesure de s’adapter aux sollicitations provenant des milieux extérieurs et de s’auto-organiser.


2. L’intrication scientifique et épistémologique entre sciences du vivant et sciences humaines

Demandons-nous pourquoi les sciences humaines et sociales devraient s’intéresser aux sciences du vivant. La réponse est que la biologie devient de plus en plus la scène où se reflètent avec le plus d’acuité les métaphores, les sensibilités et les enjeux de la pensée contemporaine. Dans ce rôle, elle remplace peu à peu la physique, qui sert de point de référence depuis plus d’un siècle. Réciproquement, ce qui est en train de se produire dans les sciences de la société d’une part, et dans les neurosciences (des maladies neurodégénératives aux troubles cognitifs) de l’autre, et qui peut être du moins en partie éclairé par les acquis récents dans les sciences du vivant, est le reflet d’un profond changement de paradigmes et de pratiques dans la pensée moderne sur ce qu’est la « nature humaine » (ou les « natures humaines ») et l’histoire évolutive (ou les histoires évolutives). Pour le dire autrement, les problèmes des sciences du vivant sont un microcosme où se reflètent les problèmes philosophiques et sociétaux plus vastes qui nous sollicitent aujourd’hui. La manière dont on considère les systèmes naturels et les organismes vivants va conditionner nos rapports avec les êtres sensibles, la vie, l’environnement, la santé et la communication entre les humains. Il s’agit en particulier d’explorer les pointes les plus avancées de ce changement et de réfléchir sur ses conséquences aux échelles plus générales de la société et de la culture. Pour ma part, j’ai la conviction profonde que l’étude des capacités organisationnelles et cognitives du vivant, de son fonctionnement complexe et plastique, de son autonomie endogène (biologique) et exogène (culturelle), de son intentionnalité, doit être soustraite du contexte mécaniste et réductionniste dans lequel elle a été considérée ces derniers cinquante ans et être replacée sous un éclairage profondément différent. Cet effort d’intelligibilité et de réinvention doit s’appuyer, pour être efficace, sur les concepts clés d’intégration relationnelle (intégration du tout et de ses parties, du génétique et de l’épigénétique, du développement et de l’évolution, des organismes et de leurs milieux naturels et culturels), d’auto-organisation régulatrice et de plasticité complexe et multiéchelle.  

À partir de l’idée que les systèmes vivants sont des entités douées d’auto-organisation et d’une signification intrinsèque qui se construit dynamiquement dans l’espace et le temps en relation avec des contextes co-évolutifs et cognitifs, il faut arriver à montrer qu’une pluralité de niveaux ontologiques et morphologiques, irréductibles au modèle d’explication mécanique et/ou moléculaire, doit être intégrée à une définition plus complète et riche du vivant. La vie ne peut pas être expliquée uniquement par la physique et la chimie. Dit autrement, aujourd’hui il n’est pas possible de se contenter de la double hélice de l’ADN pour rendre compte de la vie. Les objets de base qui permettent la genèse de certains processus nécessaires pour définir un organisme vivant sont des molécules, mais l’organisation correspondante possède une échelle qui a un caractère macroscopique : le dialogue entre échelles différentes est une caractéristique essentielle de la vie. Il s’y ajoute un rôle essentiel du temps (comme générateur d’histoires possibles, de dynamiques imprévues) ; la vie ne se manifeste que dans un devenir. L’introduction du temps s’est avérée être un élément essentiel dans l’étude des mécanismes de la croissance, de la physiologie complexe et de l’évolution des organismes vivants. Il permet un changement de paradigme. Ce n’est plus le côté pythagoricien des nombres qui apparaît ici. La profondeur logique des êtres biologiques se relie beaucoup plus au contraire à la distinction aristotélicienne entre potentialité et réalité. Elle donne les raisons qui font qu’on ne devrait jamais parler en termes de potentialité comme on le fait en termes de réalité. Seuls les faits qui sont engendrés mécaniquement, à la manière de l’enchaînement régi par le temps des horloges, pourraient conduire à une assimilation aussi grossière. Cette mécanique-là, typique de l’image du Grand Horloger qui réglait le monde au XVIIIe siècle, est celle qui, longtemps, a fait confondre le déterminé et le prévisible. Mais s’il est plusieurs mécanismes biologiques qui sont déterminés à une échelle donnée, à une autre échelle où émergent d’autres propriétés et comportements des systèmes vivants, les processus biologiques peuvent prendre une allure discontinue, non linéaire, imprévisible et historiquement contingente. C’est en général le cas des changements macroévolutifs ou des spéciations. Malheureusement, cette image est encore pensée par certains biologistes lorsqu’ils décrivent les processus moléculaires à l’œuvre dans la cellule, ou même – et c’est plus surprenant – lorsqu’ils prennent en compte les propriétés spécifiques du système nerveux. Mais cela ne peut correspondre à la réalité sous-jacente, infiniment plus riche, et surtout créatrice. En effet, dans la cellule, l’expression du programme génétique peut produire de l’ontogénétiquement neuf ; dans l’organisme, l’activation des différents systèmes physiologiques étend considérablement ses capacités de régulation, métaboliques et motrices ; dans notre cerveau, l’interaction entre plasticité neuronale, et diversité et variabilité des milieux culturels favorise une plus grande flexibilité et créativité dans nos capacités cognitives.     

Ces niveaux d’organisation complexes dans le monde vivant font intervenir des mécanismes épigénétiques, des principes non mécaniques et des processus auto-organisés, sous la forme notamment de propriétés holistiques émergentes, coopératives et rétroactives. Une propriété d’un système complexe est dite « émergente » lorsqu’elle est qualitativement différente de celles qui s’observent au niveau élémentaire, alors même qu’elle résulte uniquement des caractéristiques des constituants du système et de leurs interactions. Par exemple, un lac pourra présenter des vagues qui n’ont pas de sens au niveau des molécules d’eau, la dispersion d’un nuage de particules sera irréversible alors que les mouvements individuels inverses peuvent être observés, une colonie de bactéries pourra présenter des formes remarquables voire un mouvement collectif. L’adjectif « émergent » contient implicitement l’idée d’un changement d’échelle entre le niveau des éléments et le niveau de la propriété émergente qu’ils produisent. Un exemple très important est celui des rythmes cellulaires, où le comportement périodique représente une propriété émergente des systèmes biologiques liés à leur régulation. Résultant des processus de rétroaction au sein des systèmes biologiques, les rythmes fournissent un exemple emblématique de propriétés systémiques de l’organisation biologique ; ils représentent en effet une propriété émergente des réseaux de régulation.
Or, le fait de concevoir le vivant de cette manière permet tout à la fois d’aller au-delà du déterminisme génétique selon lequel le vivant est entièrement déterminé par les gènes, et de l’idéal de la sélection naturelle fondé sur des purs mécanismes aveugles et sur des variations génétiques totalement aléatoires auxquelles les individus et les espèces doivent passivement s’adapter afin de survivre. On cherche à montrer que ce ne sont pas là les seuls modèles possibles pour penser les organismes vivants et leur relation avec les milieux naturels et humains. Il est important de souligner aussi qu’à toutes les échelles de grandeur et à tous les niveaux d’organisation, les êtres vivants sont les systèmes les plus complexes et les plus organisés que l’on trouve dans la nature, que l’on se place du point de vue morphologique, de celui de leur fonctionnement ou dans une perspective cognitive. Ce sont littéralement des structures chargées d’histoire puisqu’elles sont aptes à préserver la mémoire des formes et des fonctions acquises dans le passé, au cours de longues périodes qui furent celles de l’évolution biologique, écologique et éthologique. Les organismes vivants ne sont pas des observateurs extérieurs, ni des mécanismes passifs ; ce sont bien au contraire des entités actives qui croissent et évoluent selon plusieurs dimensions spatiales et temporelles en modifiant leurs contraintes internes, leur environnement et leur comportement, et qui, au cours de cette croissance et évolution, réalisent plusieurs formes, fonctions et significations.  

Ces derniers temps, une plus grande attention a été portée à des phénomènes biologiques complexes (différenciation cellulaire et développement, vieillissement cellulaire, adaptation…) et également aux effets des modifications épigénétiques et des micro et macroenvironnements sur l’expression des gènes et sur l’activité cellulaire. Il est utile de préciser, à ce propos, que les facteurs environnementaux ne peuvent pas se résumer aux substances chimiques auxquelles l’individu est exposé mais inclure des composantes dynamiques (développement embryonnaire, modifications épigénétiques) et spatiales (conditions physiques, stimuli neurosensoriels). Les enjeux sociétaux sont tout aussi importants, car les altérations et autres variations des mécanismes de régulation génique sous-tendent de nombreuses pathologies humaines, y compris certains types de cancers, et également sont responsables d’une part considérable de la composante héritable de certains traits complexes. Un aspect important des liens entre épigénétique et environnement concerne donc la santé humaine : aujourd’hui, on sait que l’alimentation, le style de vie, les stress physiques et psychologiques sont parmi les facteurs déclencheurs de certaines maladies non géniques ou polygéniques. Les affections monogéniques sont en effet plutôt rares, et, dans ces cas, à chaque gène correspond une mutation spécifique. Les affections polygéniques sont plus communes et, contrairement aux affections monogéniques, on a ici des assortiments de gènes avec mutations et/ou épimutations (avec donc intervention de facteurs environnementaux), les thérapies exclusivement géniques se révèlent dans la plupart des cas inefficaces ; les thérapies/interventions épigénomiques concernent les médicaments mais aussi les régimes alimentaires et les comportements physiques.


3. Le paysage actuel de la biologie et ses conséquences pour les sciences humaines : questions ouvertes et nouvelles perspectives

Des recherches récentes en biologie se dégagent clairement plusieurs perspectives importantes. 

 (i) Le rôle que les facteurs épigénétiques jouent dans l’hérédité, le développement et pour l’intégrité de l’organisme semble être plus important que le rôle du code génétique. Pour le fonctionnement normal de notre organisme, le matériel génétique et les facteurs épigénétiques doivent agir de manière concertée et être déchiffrés correctement par la cellule. De plus, l’information épigénétique doit être préservée au cours du cycle cellulaire et pendant plusieurs générations ; son altération peut compromettre le développement normal d’un organisme ou favoriser l’apparition de certaines maladies, ainsi que le vieillissement cellulaire. 

(ii) L’environnement exerce une grande influence sur notre épigénome pendant le développement et le vieillissement et peut expliquer, par exemple, pourquoi deux jumeaux monozygotes (génétiquement identiques) ne développent pas forcément les mêmes attitudes ou les mêmes maladies. La séquence d’ADN est identique chez les vrais jumeaux[2], l’épigénome en revanche ne l’est pas. Ces différences se multiplient par trois entre l’âge de trois ans et 50 ans. Cette différence est davantage marquée si l’environnement diverge beaucoup. En effet, l’épigénome est en perpétuel changement d’état, une entité toujours en évolution ; il y a potentiellement autant d’épigénomes que de cellules ou de tissus à l’intérieur d’un seul organisme vivant, en fonction des contextes micro-environnementaux. On voit donc que des décennies de séquençage et de dissection du génome humain ont confirmé que les causes réelles des problèmes de santé sont en partie environnementales, écologiques et sociales. Ce ne sont pas en effet les messages génétiques qui sont codés dans l’ADN génomique, mais bien des modifications épigénétiques induites par l’environnement, qui sont des déterminants de certaines maladies. 

(iii) Ces résultats remettent en question les principes fondamentaux de l’hérédité, et notamment le déterminisme génétique, qui a dominé la biologie pendant environ un siècle : c’est-à-dire la conviction que l’environnement ne peut pas influer directement sur les gènes et que les caractères acquis au cours de la durée de la vie ne peuvent pas être hérités. L’épigénétique a mis un terme au déterminisme génétique (sensu stricto), mais ne soutient pas non plus la notion d’un déterminisme d’origine environnementale. La marque de l’hérédité épigénétique est son dynamisme et sa plasticité. Bien que l’influence épigénétique de l’environnement puisse persister pendant des périodes variables, et peut se trouver transmise entre plusieurs générations, elle peut aussi être inversée, ou être modifiée en changeant les conditions de l’environnement d’une manière appropriée, notamment en réduisant des stress extérieurs comme les ultraviolets, les produits chimiques, les agents toxiques, etc. On peut dire que l’hérédité s’opère au moins en quatre dimensions : (a) l’hérédité génétique, c’est-à-dire le mode de l’hérédité généralement accepté de la transmission du génome d’une génération à une autre ; (b) l’hérédité épigénétique, à savoir la transmission d’informations non génétiques des cellules parentales aux cellules filles ; (c) l’hérédité comportementale, ou la transmission culturelle de caractères acquis ; (d) l’hérédité ou transmission symbolique d’informations à travers des représentations abstraites, et notamment par le langage chez les humains. Ces différents modes de l’hérédité fournissent des variantes sur lesquelles la sélection agit, non pas de manière unique ou complètement au hasard, mais suivant plusieurs parcours évolutifs, historiques, et sous l’influence de facteurs différenciés qui s’organisent en plusieurs dimensions spatiales et divers régimes de temporalité. L’évolution et l’hérédité sont donc des phénomènes historiques multidimensionnels et elles se réalisent grâce à une interaction dynamique entre les quatre modes d’organisation indiqués.

 

 

4. Sur les interactions entre le vivant et les milieux naturels et sociaux en relation avec la question de la maladie et de la santé

À une époque où la pensée biologique connaît un bouleversement conceptuel des plus importants qu’il soit, et où nous assistons à un tournant fondamental qui marque la transition d’une conception gène-centrée à une vision à la fois plus intégrative et différenciée du vivant, il apparaît important qu’une nouvelle idée philosophique et anthropologique de la santé soit développée. Il s’agit de penser la vie et les êtres humains dans un cadre complexe, pluriel et ouvert. Le philosophe et l’anthropologue intéressés à comprendre les bases biologiques des êtres vivants se doivent de saisir les individus et les sociétés dans la diversité de leurs milieux de vie. L’anthropologue, autant que l’ethnologue, peut contribuer, avec le biologiste et le philosophe, à changer la conception de la vie et de la santé tournée depuis un demi-siècle vers une démarche moléculaire dans le traitement de la maladie, et donc axée autour d’une intervention exclusivement pharmacologique sur les symptômes du patient. Mais les conception et pratique médicales ne sauraient être dissociées de la vie sociale et interpersonnelle qui s’élabore dans le contexte des conditions quotidiennes d’existence.

La conception moléculaire des organismes vivants et de la santé de la personne connaît un regain d’intérêt mais sous une nouvelle forme, dû essentiellement au tournant géno-technologique que nous vivons aujourd’hui, tournant qui fait apparaître une nouvelle médecine, dite prédictive, en même temps qu’il tend à redéfinir la maladie et la santé sur l’horizon de la biologie moléculaire. Mais cette démarche montre toutes ses limites, notamment face aux nouvelles pathologies chroniques, non transmissibles, comme les pathologies cardio-métaboliques, le diabète, certains cancers, etc., ou face à des états comme le surpoids et l’obésité, qui caractérisent nos sociétés d’abondance. Il est clair aujourd’hui qu’une certaine approche sociale et anthropologique de la santé doit prendre en compte des facteurs comme l’inégalité sociale et l’exclusion souvent liées à un déficit criant de justice sociale et à un manque d’équité dans la distribution de la richesse collective. L’étude et la pratique thérapeutique des pathologies rappelées exigent désormais l’intégration de ce qu’il convient d’appeler les déterminants sociaux de la santé. 

Une nouvelle approche de la biologie et de la santé ne peut plus ignorer que les génomes s’expriment toujours, par-delà leur structure formelle, dans des actes d’interprétation et de communication qui se font dans des histoires et milieux spécifiques. C’est cette approche sensible aux liaisons entre formes de vie, et milieux naturels et culturels que les sciences sociales doivent développer. Face à une certaine médecine et à une certaine biologie qui tendent à détacher les organismes vivants et les êtres vivants de leur milieu, à les amputer de leur histoire et à ramener la complexité des processus de vie à un programme donné à l’avance, immobile et inscrit dans les gènes, les sciences sociales, la philosophie et l’anthropologie se doivent de souligner que la logique binaire des ordinateurs ne peut produire qu’une conception naïve et simplificatrice du vivant et de l’humain. Une vision plus riche et plurielle du vivant et de l’humain invite à comprendre ces phénomènes au carrefour des interactions entre environnement, biologie, organisation sociale, valeurs culturelles, histoire familiale et biographie individuelle. Pas d’individu sans communauté, sans lignage et sans héritage ; pas d’humanité sans sociétés, sans groupes ethniques, sans culture ; pas d’histoires individuelles et collectives sans milieux ; pas de biologie sans liens dynamiques entre génétique, épigénétique et environnements. Biologie, environnement et société apparaissent ainsi indissociables dans l’interprétation qu’aujourd’hui beaucoup de biologistes, philosophes et anthropologues proposent de la vie et de l’humain. Il existe des limites et des possibilités à la fois dans le développement de l'embryon et dans l'ontogenèse. À l'état actuel des connaissances en biologie, le déterminisme biologique ne présente aucune validité absolue. En revanche, nous sommes confrontés à un déploiement dynamique des formes organiques et des trajectoires évolutives.


5. Quelques réflexions épistémologiques sur la question de la plasticité et complexité du vivant  

Soulignons maintenant un point fondamental qui a été évoqué plusieurs fois dans cet article. 

Le programme génétique de l’homme, qu’il partage avec le reste du règne vivant, ne détermine pas entièrement son existence. Son individualité n’obéit pas à une programmation physico-chimique, mais elle est construite, et se réalise par rapport à un projet. En d’autres termes, la spécificité humaine est en grande partie le fruit d’une histoire qui n’est plus inscrite dans les gènes. Notre identité biologique, et, à fortiori, notre identité intellective, n’est pas la résultante d’un programme génétique, mais la conséquence d’interactions dans lesquelles l’environnement joue un rôle capital. Le déterminisme génétique n’est donc pas une conception fondée. Lors de sa formation in utero, l’embryon écoute, perçoit, vibre en rapport avec le milieu dans lequel il se trouve, et la mise en place notamment des réseaux neuronaux dépend à la fois de la génétique et du cadre matériel, mais aussi de l’environnement affectif et culturel. Cela apparaît clairement lorsqu’on suit les avancées des neurosciences, montrant que dans le cerveau rien n’est à jamais figé, ni programmé à la naissance, car la structuration du cerveau se fait en grande partie par interaction avec l’environnement culturel et social. Les propriétés plastiques du cerveau apportent un éclairage nouveau sur les processus qui contribuent à forger nos identités. C’est l’interaction avec l’environnement familial, social, culturel qui va orienter le développement de certaines aptitudes et contribuer à forger les traits de la personnalité. Autrement dit, la quantité et la qualité des connexions entre les cellules nerveuses (neuroplasticité) sont des variables déterminées tout au long de la vie d’un individu par ses interactions avec le monde. Dans cette dynamique, la structuration de la matière cérébrale est le reflet intime de l’expérience vécue. Le dilemme classique d’une opposition entre nature et culture est dépassé. L’homme est non seulement un animal social, mais aussi un animal qui ne peut s’individualiser que dans un ensemble plus large, une communauté d’humains ou une société. On pourrait dire, avec le philosophe Michel Foucault, que l’Homme abstrait, avec un grand H, n’existe pas réellement : c’est une construction culturelle inscrite dans un lieu et dans une époque.

Les questions « Qu’est-ce que la vie ? », « Qu’est-ce qu’un être vivant ? », « Qu’est-ce que sont les "natures" et les "cultures" humaines ? » se posent aujourd’hui avec plus de force par rapport au passé en raison notamment de l’interdépendance entre nouvelles technologies et phénomènes vivants, et elles exigent des réponses inédites. Au cours des deux dernières décennies, les sciences du vivant ont avancé à pas de géant (trop rapidement peut-être ?) et ont bouleversé notre compréhension de la vie. Au début du 20e siècle, l’homme a domestiqué l’atome. Il sait à présent, en ce début du 21e siècle, manipuler les processus biologiques et même fabriquer des chimères. Il importe de réfléchir sur la portée d’une telle « révolution », et d’agir face aux conséquences d’un tel changement de « paradigme ». Toutes les disciplines, des mathématiques à l’histoire, en passant par l’anthropologie et la philosophie, sont concernées. Les mathématiques sont concernées parce que le foisonnement théorique et les résultats des expériences en biologie vont certainement alimenter une bonne part des mathématiques à venir. Mais les mathématiques du vivant restent à inventer. L’histoire naturelle et l’histoire culturelle sont aussi directement concernées, car on assiste à une sorte de relecture entrecroisée des mécanismes et des rythmes évolutifs des espèces, des langues et des cultures à travers les divers espaces géographiques et les différentes périodisations temporelles. Il apparaît de plus en plus clairement que l’évolution phénotypique et génotypique des espèces et des individus est influencée par des conditions biogéographiques, des grandes migrations démographiques et des conditions physiques relatives aux milieux spécifiques à chaque région spatiale existant sur la planète. L’anthropologie est pleinement touchée par les transformations inédites que connaissent les sciences du vivant, transformations qui remettent profondément en question les objets et les modèles théoriques, classiques et récents, et conduisent à repenser des concepts clés comme ceux de « nature », de « culture » ou encore de « mythe ». La philosophie est, elle, deux fois concernée : autant par cet extraordinaire essor du savoir que par les inquiétudes que suscite le pouvoir de modifier le vivant.


6. Trois axes prioritaires de recherche à développer

Les recherches à venir dans les sciences du vivant auront à se développer autour de trois axes de réflexion et de recherche.

(i) Le développement galopant des sciences de la vie et de la biomédecine influent considérablement sur la définition des maladies, les soins et, au-delà, sur notre vie quotidienne. Plus généralement, les questions liées à la vie et au vivant sont aujourd’hui au cœur des préoccupations individuelles et collectives. Après un demi-siècle de molécularisation de la vie culminée dans le séquençage du génome humain, on est entré depuis les années 1980 dans une nouvelle époque post-génomique, marquée par la révolution de l’épigénétique, qui transforme profondément notre conception du vivant en accordant une place beaucoup plus grande aux effets de micro et macroenvironnements et en démontrant l’influence parfois déterminante que peuvent exercer les milieux naturels et sociaux sur l’expression des gènes, l’activité cellulaire et donc la construction des organismes. Cette « révolution », qui s’appuie sur les concepts clés de plasticité (développementale, phénotypique et cognitive) et de complexité (la construction et la diversité des organismes vivants sont le fruit de processus morphogénétiques et auto-organisés subtils), permet aussi de redessiner en des termes inédits les relations entre génétique/épigénétique, inné/acquis, naturel/cultuel, et montre que la frontière entre ces mondes est beaucoup plus perméable et poreuse que l’on ne l'avait cru, et qu’il s’agit plutôt d’une interface souple et variable. Pour faire le lien entre les mutations de la vie biologique et celles de la vie sociale, il nous faut prendre conscience de ce que la vie n’est pas seulement un concept scientifique et/ou philosophique, mais aussi une expérience vécue d’êtres humains situés dans des formes culturelles et sociales.

(ii) Par la biologie moléculaire, à travers le décryptage du génome, ou la biologie synthétique, à travers l’intégration de nanotechnologies au corps humain, on a voulu réduire l’être humain à un phénomène naturel pouvant être décrit par des lois de nature physico-chimique. Mais, d’une part, l’épigénétique a fait sauter en éclats une telle prétention en montrant que tout être humain est le fruit de plusieurs niveaux d’organisation de complexité croissante, où les bases biologiques se trouvent dans une intrication avec des facteurs environnementaux et sociaux et où à chaque niveau supérieur apparaissent de nouvelles propriétés dites émergentes ; de l’autre, les nombreuses recherches récentes en biologie intégrative montrent toutes les limites de l’approche synthétique du vivant, car elles mettent en évidence un aspect fondamental des systèmes biologiques, à savoir l’interdépendance de leurs parties ou sous-systèmes, donc l’impossibilité d’en isoler telle ou telle partie sans tenir compte des effets que cela peut avoir sur le tout. La biologie intégrative conçoit tout système vivant comme un tout intégré, formé d’un réseau de fonctions physiologiques qui interagissent entre elles. Cette compréhension holistique des organismes biologiques, comme de tout écosystème naturel, pose des limites fondamentales aux tentatives de fabrication artificielle de l’humain.

(iii) Le darwinisme a été appliqué aux sciences humaines et sociales pour expliquer l’évolution de l’homme. Mais c’est là une vision trop linéaire et réductrice de l’humain. Il s’agit de mettre en évidence que nous sommes « à part », c’est-à-dire des êtres cognitivement et culturellement singuliers dans l’arbre de l’évolution, et néanmoins nous faisons partie du monde animal. Notre caractère à part résulte des processus neurobiologiques, historiques et anthropologiques de l’évolution, non d’une prétention à un statut supérieur. Dans la vie humaine, il n’y a pas de progression constante, déterministe, mais des étapes différentes, discontinues qui se déploient en fonction des projets historiquement enracinés dans les structures des communautés humaines et sociales. Il n’existe pas de déterminisme biologique que l’on puisse appliquer aux sciences humaines ; en d’autres termes, il n’existe pas de contrôle génétique des comportements sociaux de l’homme. De nombreuses pratiques symboliques et formes rituelles de régulation sociale sont des caractéristiques adaptatives, et en ce sens elles sont à la fois davantage naturelles et culturelles (où le naturel et le culturel forment un ensemble indivisible) et non pas génétiques. Nous sommes à la fois particuliers et communs. La principale caractéristique de notre singularité biologique nous permet de douter du fait que nos comportements culturels et sociaux soient directement contrôlés par des gènes spécifiques. Cette caractéristique est évidemment la forme et la fonction de notre cerveau, sa plasticité morphologique et structurelle et sa complexité fonctionnelle et physiologique. Ces deux propriétés génèrent ce que l’on peut appeler la complexité cognitive spécifique des êtres humains. Connexions neuronales, mémoires, capacités perceptives, apprentissages, ce sont là autant de phénomènes événementiels à la base de nos comportements sociaux, et tout comportement est une forme d’apprentissage non programmé et non soumis au contrôle génétique direct. Ainsi, la souplesse, la variabilité, la plasticité morphologique et cognitive, pourrait bien être l’un des éléments fondamentaux de la conscience. Et à ce moment-là, la construction de la culture et des comportements sociaux n’est plus uniquement adaptative, comme dans la plupart des espèces animales, mais génératrice, créatrice.  


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[1]L’évolution et le développement sont désormais conçus comme deux moments profondément interdépendants dans la construction ontogénétique des individus et aussi dans leur processus d’individuation morphologique, physiologique et cognitive. Les contraintes d’ordre anatomique, morphologique voire fonctionnel de l’embryogenèse ont des effets sur la manière dont les organismes vivants peuvent évoluer dans des contextes naturels, culturels et sociaux différents, et, en retour, l’histoire naturelle et les facteurs contingents de l’évolution peuvent produire des variations plus ou moins importantes sur le processus de construction et de croissance de l’embryon.
[2] Il en va de même avec les vaches clonées de J.P. Renard : même génome mais phénotypes différents, il n’y en pas deux qui se ressemblent.