jeudi 20 mars 2014

Milieu urbain et socialité nippone / P. Marmignon

EHESS, Paris, le 14 mars 2014, séminaire "Mésologiques: philosophie des milieux"
Paysage éclectique, Ôsaka, Kita-ku
Paysage éclectique, Ôsaka, Kita-ku
(cc) P. Marmignon, 2000

Milieu urbain et socialité nippone

P. Marmignon

Cette conférence, dans le domaine des « études urbaines » est centrée sur l’interaction entre la socialité et la spatialité urbaine nippone, et porte sur le jeu des acteurs en matière d’aménagements urbains. Il s’agit de présenter « la socialité nippone » à partir du milieu nippon tissé de son histoire dans sa « chaîne trajective », c’est-à-dire, selon Berque, élaborée progressivement de la subjectité, par et dans la relation des Japonais avec leur milieu.
Je cite Augustin Berque à propos de la mésologie, en introduction à ce séminaire :

« Le milieu, ce n’est pas l’environnement, (…) ce n’est pas le donné environnemental universel que, par abstraction, peut saisir la science ; c’est ce qui existe concrètement dans le monde propre à telle ou telle espèce, telle culture. Ainsi, le milieu n’est ni donné, ni universel ; sa réalité singulière ne cesse de se construire, au fil contingent de l’évolution et de l’histoire, dans le rapport dynamique et réciproque d’une espèce ou d’une culture avec son environnement spécifique ». (Augustin Berque, 2013)


Mes propos visent aujourd’hui à éclairer une manière d’être et d’habiter la Terre qui diffère de la nôtre, à partir d’une certaine culture et de son histoire, et non à universaliser un mode de vie, une socialité particulière, non à absolutiser une tendance. Et si le Japon est ici choisi, c’est parce qu’il contraste avec notre mode de vie à tendance individualiste où c’est le sujet « je » qui prédomine. Au Japon, comme le souligne Berque d’un point de vue syntactique, c’est d’abord l’ambiance qui est dépeinte, au détriment du sujet, lui-même rarement mentionné, mais laissé deviné à partir du milieu ambiant et du contexte. De même, traditionnellement, ce n’est point le droit contractuel (le droit juridique) qui repose sur le droit de l’individu qui a été développé au Japon, mais une collaboration fondée sur une entente entre les hommes dans un système communautaire, holiste, où le droit coutumier et le droit naturel ont façonné la poétique de l’habiter, à travers les rites. La poétique est entendue ici au sens de poïétique, de « création métaphorique » en référence à Hölderlin, une « activité créatrice » selon Augustin Berque.

La poétique de l’habiter est un sillon tracé de longue date par Augustin Berque, histoire notamment jalonnée de ses trois ouvrages issus de trois colloques à Cerisy-la-Salle :
-       La ville insoutenable, A. Berque, P. Bonnin et C. Ghorra-Gobin (dirs.), Belin, 2006, 366 pages ;
-       L’habiter dans sa poétique première, A. Berque, A. de Biase et P. Bonnin (dirs.), Paris, Donner lieu, 2008, 404 pages ;
-       Donner lieu au monde : la poétique de l’habiter, A. Berque, A. de Biase et P. Bonnin (dirs.), Paris, Donner lieu, 2012, 400 pages.

Personnellement, mon empreinte dans ce sillon, le fil que j’ai tissé dans cette toile pluridisciplinaire et internationale, s’axe sur l’évolution de la socialité nippone à travers le jeu des acteurs en matière d’aménagement urbain. Quelques références jalonnant cette recherche :

-   La création de l’urbain. Paysage urbain et socialité à Ôsaka depuis Meiji (1868), Sarrebruck, Éditions Universitaires Européennes, 2010 (thèse 2008), 257 pages ;
-   « La socialité dans les déploiements urbains nippons -Nature/culture : vers plus de droit ?-», texte de conférence à l’EHESS, in A. Berque « Questions de mésologie », le 26/05/11. Accessible via Internet in A. Berque (dir.), Mésologiques – Études des milieux, Internet, Yoann Moreau, juillet 2011, 13 pages.
-   « La concertation au Japon – Autonomie locale, collaboration et participation », texte de l’Université d’été CAUE 2011, 7-9 septembre 2011, Audio-visuel : DVD. Accessible via Internet in A. Berque (dir.), Mésologiques – Études des milieux, Internet, Yoann Moreau, octobre 2011, 11 pages.
-  « De la démocratie au Japon – Vers une participation en concertation ? », in A. Berque (dir.), Mésologiques  - Études des milieux, Internet, Yoann Moreau, avril 2012, 6 pages.
-   « Communautés de quartier et associations – Le retour du local après le 11 mars 2011 », in Ebisu n°47 : « Le Grand séisme de l’Est du Japon. Fractures et émergences », Tokyo : MFJ, Printemps /Été 2012, 5 pages.  Accessible via Internet. Traduit en japonais : « Chônaikai to komyuniti. 3.11 ato no chiiki kaiki 町内会とコミュニテイ。3・11後の地域回帰", in Christine Levy et Thierry Ribault (trad. 岩澤雅利/園山千晶),  Shinsai to hyûmanizumu. 3.11 ato no hakyoku wo megutte 震災とヒューマニズム。3・11後の破局をめぐって, Tokyo, Akashi shoten 明石書店, 2013, p. 229-236.

Partant du postulat que donner vie aux lieux pour un développement durable, c’est avant tout le reconnaître (l’homme et son milieu) et laisser place au déploiement de l’existence, l’objectif est d’étudier la poétique de l’habiter au Japon dans les développements urbains, et d’en dégager le sens respectif, à partir de la socialité nippone.
 Habiter, socialité, milieu, sont les termes clés de cette présentation. Aussi, avant de vous dépeindre cette histoire interactive au Japon et de vous en donner une lecture, afin d’éclairer le sujet, je vais les définir d’un point de vue mésologique. À savoir que ces définitions font partie d’un Vocabulaire de la mésologie ébauché et dirigé par Augustin Berque à compter de 2011. 

Le milieu (Fûdo 風土) a été défini par Augustin Berque comme une relation, relation d’un être vivant à son environnement, relation appelée trajection.
Je définis par ailleurs l’habiter en prenant appui sur ses travaux, comme une possibilité d'être au monde. Lié au foyer, temporaire ou permanent, nomade ou sédentaire, il est centré à partir de l’être. D’une existence spatialisée, son espace est vécu. Et, à ce propos, je cite Augustin Berque : «  Habiter, au fond, c’est - comme la médiance - le moment structurel de l’existence humaine ; et l’espace de l’habiter, c’est le déploiement de cette structure existentielle, dans et par l’écoumène » (Berque, 20071).

Nous sommes ici dans la perspective d’une chaîne trajective fondée sur l’interdépendance de l’homme et de son milieu, avec comme objet d’étude, choisi afin d’en dégager le sens, la socialité. Je définis la socialité comme la qualité de l’être social liant l’individu à la société. Un mode de vie à tendance individualiste ou holiste, en société, en association ou en  communauté organisée selon une convention tacite. Le terme « socialité » signifie, selon le Littré, la qualité de l’être social, le mode de vie de l’être social. Alors que la « sociabilité » est une tendance à vivre en société, la socialité est le résultat de cette tendance, le mode de vie qu’elle détermine. Et l’« urbanité », en faisant référence à la politesse des anciens Romains, concerne plus la courtoisie, la communication civile. La socialité, le caractère d’une société et ce qui la lie dans son ensemble, est évolutive. Elle peut suivant les cultures, à un moment donné, faire plus ou moins primer la communauté sur l’individu et son droit. On parle ainsi de holisme et d’individualisme (Dumont, 19662, 19833). Les principaux modes distinctifs de la socialité sont la communauté, l’association et la société. Le type Gemeinschaft (communauté) est établi sur l’identité substantielle des volontés assimilées, alors que le type Gesellschaft (société) est fondé sur la stricte individualité des intérêts (Tönnies, 18874). Entre les deux existe l’association. Si la communauté est une aire de vie commune sous contrôle, l’association, qui en est un organe, demeure volontaire à partir de l’être social (individuel et social) (MacIver, 19175). On peut ici parler de tiers inclus, en tant qu’interaction identitaire, thème développé par Claude Plouviet lors de sa conférence du 22 novembre 2013. Je cite Claude Plouviet à propos de Lupasco :
« Ce tiers inclus, dans sa fondamentalité, n’est en aucun cas la résultante de deux identités, mais la troisième voie co-existante (…) cette troisième voie est celle du devenir, de la dynamique de l’être. »
Si la distinction entre communauté et société a été établie par Tönnies en 1887, la distinction entre communauté, association et société a été clairement établie par MacIver en 1917 dans Community, a sociological study. Being an attempt to set out the nature and fundamental laws of social life. Référence importante au Japon, certainement plus qu’en Europe, et notamment en France. Cette référence à MacIver a été soulignée par Wakamori Tarô 和歌森太郎, dans Nihon no kyôdôtai 日本の協同体 (1980 (1966)) « Communauté japonaise ». Elle est aussi présente dans le Kôjien 広辞苑 (2004), c’est-à-dire le Petit Robert nippon, à l’entrée komyuniti, terme angliciste apparu dans les années 1960, que l’on peut traduire par « association », et venu « remplacer » celui de kyôdôtai共同体/協同体 qui signifie plus la communauté englobante. Le Gendai yôgo no kiso chishiki 現代用語の基礎知識(2006), ou « Connaissances de base des termes contemporains » nous dit que les komyuniti コミュニテ sont basées sur « l’autonomie et la responsabilité des habitants ». De même, l’Imidas イミダス(2007)  insiste sur le fait que ce sont les « habitants » qui en sont le « sujet principal ». La traduction adéquate, est donc  selon moi,  celle d’« association », plutôt que celle de  « communauté » ou encore de « société » définies préalablement par Tönnies, car l’association part de l’« être social » (individuel et social), et non de l’individu, ni de la communauté. Dans l’association, ce qui prédomine, c’est « l’être social » dans un groupe organisé, construit dans un but, un intérêt commun. Elle est un organe de la communauté, et à une résonance moins duelle à l’oreille d’un Japonais comme me l’a souligné le Professeur Matsumoto Reiji (conférence du 3/02/10 à l’EHESS).
La notion d’être social, duale et non bivalente, se retrouve  dans les fondements ontologiques japonais, notamment chez Watsuji Tetsurô 和辻哲郎 (1889-1960), dans Fûdo 風土 (1935), traduit récemment par Augustin Berque (20116) par Fûdo, le milieu humain. Cette notion d’être social se retrouve aussi dans l’œuvre majeure de Watsuji, Rinrigaku 倫理学. (Ethics in Japan, 19967 (1937)). Chez Watsuji, comme le souligne Berque, à partir de Fûdo, l’être humain est conçu :
 « comme une dualité alliant nécessairement deux versants, l'un qui est individuel (hito ) et l'autre qui est relationnel (aida ), les deux sinogrammes utilisés pour transcrire hito et aida se lisant quand ils sont accolés ningen 人間, ce qui signifie "être humain". Pour Watsuji, la relation à l'environnement est nécessairement vécue en tant que ningen, c'est-à-dire en tant que cette dualité ontologique comportant structurellement la relation à autrui. »
Cette ambivalence est fondamentale dans la mésologie berquienne.    

Au Japon, les fondements ontologiques sont de type holiste.  Le holisme, selon Dumont (Dumont, 1980 (1966)), procède du principe de « l’englobement du contraire » dans un système hiérarchique. Cette perspective holiste est englobante. Elle intègre les individus dans un système hiérarchique réflexif qui régit les rapports entre eux, entre les groupes, au contraire du système de stratification sociale étanche basé sur l’individualisme au nom de l’égalité et de la liberté. Or, la société japonaise est fondée justement sur la hiérarchie verticale, et sur la vertu d’humanité, elle est holiste et fait primer cette dimension à partir de communautés englobantes, kyôdôtai, regroupant l’ensemble du peuple nippon à travers la politique, l’économie et la religion (Marmignon, 2010). Cette orientation faisant dominer l’englobant sur l’englobé se retrouve à un degré plus ou moins fort dans différentes sociétés, comme en Grèce antique ou encore en Allemagne, en Russie et en Inde, le cas principalement étudié par Dumont. Durant l’Antiquité grecque, Platon (-428 ;-347) comme Aristote (-385 ;-322) entendaient l’homme avant tout comme un être social, et la polis englobait l’individu ou plutôt un groupe d’individus qui se devaient de pratiquer les mêmes cultes publics. Entre le divin et l’héroïque, tous les citoyens de la cité se trouvaient alors englobés. En Inde, « l’englobement du contraire » se fit par la religion à partir de la distinction entre le pur et l’impur, en Russie ce fut sur le domaine politico-social, et en Allemagne sur la vie intérieure, à travers la Bildung ou « éducation de soi ». Au Japon, le tout intégrateur se fait avec le confucianisme et le néo-confucianisme, par les rites et la vertu d’humanité, et est fondé sur l’ie (la maison).
Je vais donc vous présenter l’évolution de la socialité nippone, de l’habiter au Japon, interactivement avec l’évolution de l’ie. Alors, remontons l’histoire !


1. D’une société villageoise à l’ie (maison)

Kyôto Patricia Marmignon

Durant l’Antiquité (Kodai) nippone, i.e. jusqu’au XIIe siècle, l’unité de base de la socialité japonaise est le clan dit uji . Par « uji » est entendue l’unité de base à la cour de Yamato (300-710) dont le noyau est la famille de type patriarcal. Cette organisation familiale constitue en même temps un groupe guerrier. Puis, avec la formation de l’État, celui-ci représente la famille impériale et occupe une place centrale. Il existait ainsi déjà au Japon une « société verticale », tate shakai 縦社会. Celle-ci se fondait sur le code moral confucéen garantissant l’ordre social, régissant le jeu des rapports sociaux, non point à partir des lois, mais par le biais des rites, et d’un enseignement prenant appui sur la vertu d’humanité selon des rôles hiérarchisés : l’ordre social est alors garanti par les vertus d’affection entre père et fils, de correction entre prince et sujet, de distinction entre époux, d’ordre entre aîné et cadet et enfin de sincérité entre amis (Ansart, 19988).
En outre, l’unité fondamentale de la structuration socio-spatiale était le village, la communauté villageoise, mura . La « communauté rurale (village) », mura, unité villageoise faite d’agriculteurs, est certainement au Japon la plus ancienne forme de communauté, kyôdôtai (communauté, communauté englobante), organisatrice de la société attenant au territoire et à son exploitation. Elle est composée de un ou plusieurs dôzoku 同族, « association de ie fondée sur des liens généalogiques », l’ie désignant la « maison ».  Cette forme de socialité apparaît sous le biais de la hiérarchie, et les contributions du privé se font sous la forme de regroupements en communautés, corporatives ou associatives.
Les premiers regroupements d’individus en communauté connus remontent à l’Antiquité nippone. Et, l’on sait que dès l’époque de Nara, ce système communautaire est lié à la répartition territoriale et à son attribution. Au début du VIIIe siècle, l’échelon le plus bas de l’administration locale est le village, ri , au-dessus duquel on trouve les districts, gun , puis les provinces, kuni , au-dessous d’un État centralisé. Entre le VIIIe siècle et la fin du Moyen-Âge, on passe à une attribution foncière en propriétés privées. C’est l’apparition des domaines, shôen 荘園, religieux ou aristocratiques de Cour, qui malgré nombre de vicissitudes, constituent l’ossature de la société provinciale jusqu’au XVe siècle. Les ikki 一揆, « ligues unies pour des actions », principalement guerrières, sont considérées comme insurrectionnelles à compter du XVe siècle. Parallèlement, les communautés villageoises vont s’émanciper des domaines et se constituer en « unités administratives autonomes », ou sôson. Selon Souyri (19989) :
 « Le mode d’organisation du village en sô repose sur un fort degré d’union de la communauté des habitants (…) Ces communes qui se donnent des règles, autonomes vis-à-vis de tout pouvoir seigneurial, se forment d’ailleurs dans la lutte contre celui-ci (…) administrent les villages et y maintiennent l’ordre. » Précisons que  « l’urbanisation du Japon ne commence timidement qu’au XVe siècle. »

Avec la disparition des domaines, shôen, au Moyen-Âge (Chûsei), et avec la recentralisation du pouvoir exercé par Toyotomi Hideyoshi 豊臣秀吉 (1536-1598), l’importance du mura dans la socialité nippone ne fait que s’accroître, et « aboutit à la consécration de l’ie, réduite désormais à la taille d’une « famille souche », comme élément social fondamental », comme le souligne Patrick Beillevaire (vol. 2, 198610) :
« Le mot ie, dont le caractère se lit aussi ka ou ke dans les composés lexicaux (lectures sino-japonaises), possède un contenu proche de celui de  « maison » en français, à la fois habitat, patrimoine et groupe humain partageant le même toit. » 

Il demeure que du XIIe au XVIe siècle, le système de l’uji (clan) et celui de l’ie (maison) cohabitent au Japon.  Au XVe siècle, les chô , issus du chien 地縁, i.e. du lien de sol, sont des groupes unis pour la protection du voisinage, et représentent un quartier urbain. Au XVIe siècle se forment des goningumi 五人組 et des jûningumi 十人組, des groupes de 5 à 10 maisonnées qui assurent un contrôle et une assistance fondée sur l ‘entraide, dans les exploitations agricoles des villages, mura, composées de maisons, ie, selon un système hiérarchisé. Au XVIIe siècle, leur correspond la territorialisation des za , des corporations, ce qui détermine désormais un quartier urbain.
Sous Edo (1603-1868), période prémoderne au Japon (Kinsei), de ce lien social territorialisé, les gens ressentent un « sentiment de village ». À cette époque, le Japon est encore profondément rural, mais des villes commencent à se former véritablement comme Edo (ancien nom de Tôkyô). À Ôsaka, la population qui était de 270 000 habitants au milieu du XVIIe siècle passe à 400 000 habitants au milieu du XVIIIe siècle. Une véritable culture urbaine se développe en ville, machi  / , dans un rapport analogique à la communauté villageoise, mura, composée de ie (maison). À Ôsaka, du système rigide shi-nô-kô-shô 士農工商 (guerrier, paysan, artisan et marchand) établi sous Edo, prédomine la classe des marchands, chônin 町人. Ceux-ci s’autogèrent et collaborent dans un système hiérarchisé fondé sur la propriété, et constituent de puissants comités de quartiers, chônaikai 町内会, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ils occupent alors 80% de l’espace urbain. Et de la propriété foncière dépend aussi leur statut social. Lien de sol, surtout, chien 地縁, mais aussi lien de sang, ketsuen 血縁, tissent la socialité et la spatialité nippones.
Les différents corps de métiers sont regroupés en corporation, mais également organisent le  paysage urbain dès le XVIIe siècle. Aux activités socioprofessionnelles correspond un territoire bien précis. Les avant-toits des machiya 町家 (maisons de ville) précédées de nagaya 長屋 (habitations longues semi-collectives) forment un machinami 町並み (alignement de maisons traditionnelles urbaines), et assurent une continuité paysagère où les rapports sociaux se font dans ce prolongement. Cet espace social est des plus importants. Paysage et socialité vont alors de pair.
À la ville compacte, konpakuto-shitî コンパクトシテ, à un habitat et un paysage faits de continuités, correspondent des familles larges, un esprit communautaire et une sociabilité accrus. Puis vient l’ouverture sur l’Occident avec Meiji (1868), et face à ce nouvel éclectisme social et paysager, il y a une réinvention de l’ie comme affirmation cette fois de l’État-nation à travers la famille.


2. Le pavillon de banlieue, la famille conjugale et l’ie


Osaka


Tempérant l’option occidentaliste décidée sous Meiji, le Japon réaffirme son unité à travers le code civil de 1890 d’inspiration allemande. Les valeurs de piété filiale et de loyauté sont véhiculées à travers la réaffirmation de l’ie assimilant la famille particulière à la famille impériale. Mais, avec la rupture paysagère qu’engendre la modernisation du pays, la coupe des avant-toits pour l’élargissement des voies, le développement d’un habitat individuel en banlieue et la mise en avant de la décoration interne à la maison, le concept de l’ie se retrouve effrité au profit de la famille nucléaire. D’abord tourné vers un espace social extérieur, les familles se replient dans l’espace interne de leur maison.
Avec la « Révolution de Meiji », Meiji Ishin, en 1868, le Japon s’ouvre à l’Occident. Le système confucéen des statuts shi-nô-kô-shô (guerriers, paysans, artisans et commerçants) est aboli, et une rupture paysagère et sociale s’engage. À Tôkyô, où la superficie urbaine était attribuée aux guerriers à 70% sous Edo, contre 15% de terres religieuses et 15% de terres commerçantes, avec la disparition de la classe des guerriers, une nouvelle ville administrative se construit sous influence occidentale. À Ôsaka où 80% de terres appartiennent aux commerçants, contre 15% aux guerriers et 5% aux religieux, malgré la subsistance des marchands, la modernisation et l’urbanisation rapides provoquent aussi une rupture paysagère et sociale.
Le paysage change au rythme de l’industrialisation et de l’urbanisation rapides du pays. Comme la ville d’Ôsaka, où se serrent les nagaya, bénéficie de peu de place pour installer ses nouveaux équipements liés à la modernisation, l’industrialisation se fait sur de nouvelles terres gagnées sur la mer, kantaku-chi 干拓地, polders, puis umetate-chi 埋め立て地, terre-pleins, et le long des canaux au milieu d’un habitat de plus en plus dense. En raison de l’emploi engendré par la ville industrielle, l’exode rural est important. Dans un premier temps, ce sont essentiellement des jeunes qui viennent travailler en ville tout en gardant de forts liens avec leur famille en province. Puis, ils s’y installent véritablement, souvent en périphérie. Et, il faut construire vite.
La modernisation va de pair avec l’occidentalisation du pays et du paysage urbain : un éclectisme entre habitat traditionnel et occidental se dessine dans la ville. Une nouvelle classe de travailleurs se développe et l’ie, la maison, s’effrite notamment par la mobilité des jeunes et l’ouverture à un monde où l’individualisme est clairement revendiqué depuis la Révolution française. Fukuzawa Yukichi 福沢諭吉 (1835-1901), né à Ôsaka, parti en Amérique et en Europe étudier les techniques et institutions étrangères, présente à son retour trois fascicules intitulés Seiyô Jijô 西洋事情 (Situation de l’Occident, 1866-1870), relatant ses voyages d’avant Meiji. Il y décrit en profondeur les institutions fondamentales, le système parlementaire, la démocratie, les hôpitaux, les bibliothèques, la presse etc. Le naturalisme occidental se répand au Japon à travers traductions et œuvres littéraires, avec notamment Nakae Chômin 中江兆民 (1847-1901) qui traduisit le Contrat social (Min-yaku yakkai 民約訳解) de Rousseau en 1882. Seki Hajime 関一 (1873-1935), maire d’Ôsaka et participant actif à la première loi d’urbanisme au Japon de 1919, étudie les pratiques et les techniques en urbanisme de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne, et se rend en Belgique. Yamaguchi Hanroku 山口半六 (1858-1900), architecte auprès de la ville d’Ôsaka, fait ses études en France. Les techniques étrangères en matière d’urbanisme sont importées principalement de l’Angleterre, de la Hollande, de l’Allemagne et de la France.
L’introduction de ces techniques, notamment du chemin de fer et de l’automobile, permit  la création des den’en-toshi 田園都市, des cités-jardins nippones ou villes-campagnes, et du grand magasin terminal tâminaru depâto ターミナルデパート, mais aussi, et en conséquence sous Taishô (1912-1926) et  au début de Shôwa (1926-1989), la coupe des avant-toits, nokigiri 軒切り, en ville lors de l’élargissement des rues. La pratique du nokigiri représente une « européanisation brusque », comme le souligne Kioka dans La ville insoutenable. Et, de ce fait, le sentiment de village existant sous Edo disparut radicalement au profit d’un habitat en banlieue qui répondait également à la trop forte densité. Ces techniques occidentales s’appliquèrent au détriment des principes de l’esthétique traditionnelle japonaise régissant le paysage et la socialité. L’éclectisme architectural et paysager mit un terme au machinami.
Osaka
Face à l’occidentalisation du pays avec l’introduction de ces nouvelles techniques, le Japon tente alors de réaffirmer son identité nationale à travers son célèbre slogan, « Wakon yôsai 和魂洋才», i.e. « Âme japonaise, techniques occidentales ». Il réinvente ainsi la notion de l’ie en lui apportant une fonction normative politique et familiale (Beillevaire, vol. 2, 1986). L’unité du pays est instituée par l’État-nation à travers la famille, soit l’État-famille, kazoku-kokka 家族国家. Cette nouvelle orientation demeure cependant dans le prolongement de la pensée néoconfucéenne et notamment des Études nationales, Kokugaku 国学, développées dès le XVIIe siècle. Et, ce sont notamment le code civil de Meiji et les  manuels scolaires qui réaffirment l’ie comme fondement du pouvoir en place.
Seki Hajime (1873-1935), futur maire d’Ôsaka et économiste, développe alors une théorie à la base des futurs développements urbains en prenant en compte l’ie comme bloc fondamental de la civilisation moderne. Les emblèmes de la famille ne se retrouvent plus dans la division de la ville englobant la rue et ses environs, mais à l’image de l’Occident, autour du salon et de l’album de famille. L’intérieur de la maison se réduit à l’enveloppe matérielle de l’habitat et de son jardin clos.
Kobayashi Ichizô (1873-1957), homme d’affaires à la tête d’une compagnie ferroviaire à Ôsaka, participe aux développements de la pensée de Seki, mais il la réinterprète également. Si Seki met en avant l’ie et de fait une conception patriarcale (Hanes, 200211), Kobayashi est un des stratèges du développement de la culture populaire sous Taishô, dont les nouveaux acteurs sont la femme et la famille nucléaire (Hamon, 200412).
C’est une époque explosive en matière de création d’un habitat individuel en banlieue. Les den’en-toshi se multiplient selon les principes introduits par Kobayashi. Les publicités pour femmes et l’intérieur de la maison font rage. Le repli sur l’espace domestique (mai hômu-shugi, (my home-ism)), et sur des activités de loisirs pour son bien être individuel se développent rapidement venant se superposer au système patriarcal précédent, fait de devoirs et de filiations. La formation de la classe moyenne, bourgeoise, se fait à cette époque.
Le nombre de personnes par ménage passe de 5 à 4 ce qui ne représente pas une forte transformation. Sous Edo, la famille urbaine pouvait déjà être considérée comme nucléaire. La notion de groupe persiste cependant en ville à travers les chônaikai, i.e. les communautés de quartier, les chônaikai, en tant que réadaptation du mura, communauté villageoise. Et, l’ie demeure à travers les petites exploitations agricoles, industrielles et artisanales jusqu’à la fin des années 1950. Sous Taishô et jusqu’à la seconde guerre mondiale, on peut dire que l’ie et la famille nucléaire cohabitent avec pour nouveau motif la maison individuelle en banlieue et l’apparition d’une fracture paysagère et sociale. La destruction de la continuité socio-spatiale, avec non seulement la pratique du nokigiri en ville, mais aussi la création des den’en-toshi en banlieue font naître un nouvel espace social, valorisant l’individu et l’intérieur de son habitat, mais non plus le groupe.


3.  Les villes nouvelles et la désagrégation de l’ie

Senri New Town Ôsaka
Senri New Town, Ôsaka, 1960

Le code civil de 1947 et la réforme agraire de l’après-guerre contribuent ensuite à l’éclatement de l’ie (maison). D’une part, le droit de l’individu est revendiqué avec l’américanisation du pays, et l’individualisme prend le pas sur l’esprit de communauté et sur l’ie. En ville, l’ie perdure cependant dans l’organisation des entreprises, pendant que le rôle des chônaikai demeure, bien que transformé depuis la période de guerre. En 1947, elles sont abolies par décret, car considérées comme anti –démocratiques, mais elles sont relancées par le traité de paix de 1952 et continuent finalement de transmettre, de collaborer et d’organiser le voisinage via les kairanban 回覧板, le système d’écriteaux mobiles. En 1953, 68 % des villes en sont dotées.
in Vocabulaire de la spatialité japonaise, 
P. Bonnin et al., 2014.

Dans les années 1960, des mouvements d’habitants voient le jour (jūmin undō 住民運動), et une enquête nationale est menée. L’approche communautaire de cette organisation sociale est revue, la primauté de la grande ville est reconnue et cette structure de village entre en déclin. Dans les années 1960, et depuis dans certaines régions, on va se mettre à parler de jichikai 自治会 pour désigner les communautés de quartier, habituellement appelées chōnaikai 町内会, jichi 自治 désignant l’autonomie. Et en 1968 naît, à l’initiative du gouvernement, le terme komyuniti コミュニテ.
Depuis 1968, les communautés de quartier peuvent, en effet, être relayées par, ou former certains ponts avec des associations (komyuniti コミュニテ). Leur préoccupation centrale devient celle de l’habiter en zone urbaine. Elles symbolisent, avec la nouvelle loi d’urbanisme de 1968 qui introduit l’audience publique (kôchôkai 公聴会), un tournant vers une autonomie locale (chihô jichi 地方自治). Komyuniti コミュニテ est un anglicisme issu d’une réaction du gouvernement face aux mouvements d’habitants (jûmin undô  住民運動) des années 1965-1975. Ces derniers se sont dressés, en raison de la pollution, contre le gouvernement local, puis central, la fédération patronale (Keidanren 経団連) et les sièges des milieux d’affaires. Et, une prise en considération de l’État s’est faite sous le coup d’une campagne nationale des mouvements d’opposition et des procès. Les quatre grands procès contre la pollution industrielle, qui s’étalent de 1971 à 1973, marquent la fin de la période de haute croissance, (kôdo-seichô 高度成長 (1955-1973)). On parle alors de komyuniti-zukuri コミュニテづくり, de création de « komyuniti ».
Le terme komyuniti  que l’on peut traduire par association en se référant à MacIver (1917) (Kôjien, 2004), et qui prend en compte l’être social, ne fut qu’une récupération des mouvements d’habitants par et pour le gouvernement. Le premier texte gouvernemental abordant cette notion est celui d’une consultation à une réunion d’enquête de l’assemblée délibérante des conditions de vie de la population (kokumin seikatsu shingi-kai chôsa bukai 国民生活審議会調査部会) auprès du Premier ministre Satô Eisaku 佐藤栄作 (1901-1975), en janvier de la 43e année de Shôwa (1968). Cette discussion était intitulée « Des mesures afin d’assurer une vie saine au peuple en réponse aux  conditions en mutation qui accompagnent l’essor de croissance dans la société économique » (keizai-shakai no seichô hatten ni tomonai henka shi tsutsu aru sho-jôken ni taiô-shite kenzen-na kokumin-seikatsu o kakuho suru tame no hôsaku 経済社会の成長発展に伴い変化しつつある諸条件に対応して健全な国民生活を確保するための方策」(Takemura, 197813)). Au cours de cette réunion, la question de la formation de komyuniti fut examinée selon trois axes relatifs aux conditions de vie de la population sur du long terme, aux personnes âgées et aux loisirs. De là fut formé un comité restreint (shô-iinnkai  小委員会) sur la question des komyuniti, qui publia en 1969 les premiers bulletins officiels sur ce sujet. Dans ces bulletins, l’on traitait de la nécessité de komyuniti, de mesures pour les former, et de l’effondrement, en parallèle, des communautés locales (chiiki kyôdôtai  地域共同体).
Parallèlement, à cette époque, l’achat de nombreuses parcelles permet la création de villes nouvelles, d’un habitat diffus où la circulation et l’individualisme se mettent à primer dans la vie des gens. Si au Moyen-Âge, la disparition des shôen (domaines) a recentré la socialité nippone sur le mura (village) et l’ie (maison), la réforme agraire de 1945, nô-chi kaikaku 農地改革, abolissant l’ancien système de propriété foncière et obligeant à la cession des terres cultivées selon le modèle anglais, participe à l’éclatement de la communauté. L’État procède au rachat des terres possédées par des propriétaires absentéistes vivant en ville et non point à la campagne, et de celles qui étaient affermées de plus d’un chô (99,17 ares). Ainsi, de vastes sites sont  acquis qui permettent la construction de grands ensembles et des villes nouvelles où l’idée de village et de maison disparait.
Les communautés de type kyôdôtai, générées par la réinterprétation de l’ie dans les communautés de quartier (chônaikai) en milieu urbain, s’affaiblissent. Après la guerre, le rôle de ces communautés de quartier diminue, limité à des problèmes de maintenance dans le voisinage. Elles participent cependant indirectement à la révolution environnementale des années 1970, incarnée plutôt par les mouvements d’habitants, jûmin undô, dont certains émanent du reste des chônaikai.

Des communautés de quartier aux associations


Selon Tahara (198514), les formes de socialité issues de l’ie ont plutôt perduré après la guerre en milieu urbain au sein des entreprises. Le « familiarisme de gestion », keiei kazokushugi 経営家族主義, qui avait été mis en avant dès le début du XXe siècle et qui allait de pair avec la volonté du gouvernement d’établir un État-famille, kazoku kokka, fut repris au sein du modèle japonais. La structure sociale interne pyramidale tenant de la famille composée de liens sociaux étroits et interdépendants fut reprise dans les zaibatsu 財閥 entre les deux guerres. Et, après 1945, elle survécut dans les entreprises, pour une part dans les keiretsu 系列, dans le cadre des entreprises capitalistes et dans les PME nombreuses à Ôsaka. L’horizontalité se mêle alors à la verticalité mais les notions de groupe, de firme et de liens de sous-traitance évoquent toujours l’ie. Le syndicalisme se développe aussi spectaculairement durant la haute croissance (1955-1973). Un travailleur sur trois est syndiqué contre un sur cinq aux Etats-Unis à la même époque. Durant cette période, le système d’emploi basé sur les « trois trésors », i.e. l’emploi à vie, shûshin-koyô 終身雇用, le salaire à l’ancienneté et le syndicalisme représentent une réinterprétation du système pyramidal de l’ie. Mais, depuis l’éclatement de la bulle, baburu no hôkai バブルの崩壊, en 1990, la crise, kiki 危機, japonaise de 1991 liée à la guerre du Golfe, ce système est remis en cause15.
Durant la haute croissance, on peut dire que la notion de ie liée à l’entreprise a été coupée de l’organisation sociale dans l’habitat, mais plus liée à l’entreprise. Les grands développements que sont les danchi 団地 (grands ensembles) d’après-guerre et les villes nouvelles, nyû taun ニュータウン, à partir des années 1960 reflètent d’ailleurs l’éclatement de l’ie de cette période. Il ne fut plus question de construire ensemble mais de consommer. Miura Atsushi (200416) parle ainsi de « fast-fûdo » en ce qui concerne la périurbanisation. Miura joue sur le double sens qui existe en japonais entre fast-food relatif à un mode de consommation rapide alimentaire et fast-« fûdo » relatif à la consommation rapide du « milieu » nippon avec les villes nouvelles et l’habitat diffus, ce qui n’est pas sans évoquer le McManshion américain. « Fûdo 風土 » se traduit par « milieu » selon Berque. Augustin Berque l’oppose à kankyô 環境 qui représente l’environnement purement physique en se basant sur les travaux de Watsuji Tetsurô 和辻哲郎 (1889-1960). Dans le même esprit, Duany, Plater-Zyber et Speck ont dénoncé en 2000 les saccages de la modernité sur le paysage américain, à travers le vocable « McManshion qui fait référence à la version de fast-food du rêve américain symbolisé par la maison individuelle » (Ghorra-Gobin, 200617).
À ce sujet, Augustin Berque me faisait remarquer que la Cité des sciences et de la recherche du Kansai, Keihanna kenkyû gakuen (gakken), avec sa trame distendue venant se superposer à la précédente sans aucun rapport avec elle, en un lieu où l’automobile est reine, lui faisait penser à un sappûdo 殺風土, i.e. un milieu nu, prosaïque, autrement dit à l’érème plutôt qu’à l’écoumène. Avec l’urbain diffus, la priorité a été donnée à la circulation et non point à l’ habiter, et l’ie a été désagrégé en ces lieux au profit d’un individualisme, d’une production et d’une consommation de masse, incarnés dans les années 1970 par les 3K: kuruma , kûrâ クーラー, karâ terebi カラーテレビ (voiture, climatiseur, télévision couleur).
« Sous l’angle statistique, ce que l’on a appelé le « déclin de l’ie » a correspondu à une diminution très rapide de la taille moyenne des foyers (…) Mais, plus que par sa vitesse, cette évolution se caractérise par une absence de résistance et même, au contraire par une attitude de valorisation des Japonais à l’égard de la famille conjugale. » (Beillevaire, vol.3, 1986) « …la famille conjugale allait apparaître comme le creuset de citoyens d’un type nouveau, ou de citoyens (shimin) tout court… ». (Beillevaire, 198518)

Alors que le code civil de Meiji, Meiji minpô, procédait d’une réaffirmation de l’ie lié à la notion d’État-famille, Kazoku-kokka, le code civil de 1947 abolit  l’ie au profit des droits de la personne. « Le Code Civil de 1947, entré en application le 1er janvier 1948, a aboli l’ie dans son principe et mis fin aux prérogatives traditionnelles du chef de maison en établissant notamment l’égalité entre époux. Le terme ie fut remplacé par celui de setai ou shotai, qui correspond exactement à ce que nous entendons par « foyer » ». (Beillevaire, 1985)
En périurbain, la population et en particulier les jeunes ressentent aujourd’hui le manque d’histoire, d’« habiter », de communication, d’espaces prêtant à la sociabilité, d’occupations, et la « perte » de l’esprit de communauté. Et, le Japon connaît plus une criminalité aux nœuds des axes périurbains qu’en zone urbaine. Selon Miura Atsushi, les nouvelles générations ayant toujours vécu en banlieue seraient cependant plus attirées par la banlieue, mais leurs nouveaux critères seraient l’hétérogénéité, la mémoire d’un lieu, la possibilité de création et l’individualité. L’esprit de communauté a ainsi éclaté avec les villes nouvelles au profit de l’individualisme.


4. D’une planification administrative à un urbanisme participatif

Tadashi Okubo Ishinomaki


Les komyuniti se sont particulièrement développées depuis le grand séisme de Hanshin-Awaji de 1995. L’autonomie des habitants (jûmin jichi  住民自治) et le volontariat (borantia katsudô ボランテイア活動) ont émergé, institutionnalisés depuis les années 1990-2000. En 1998, la loi sur les associations - qui équivaut à la loi de 1901 en France -, la loi NPO / la loi pour l’accélération des activités à but non lucratif (NPO hô NPO / Mokuteki ni tokutei hi-eiri katsudô sokushin hô 目的に特定非営利活動促進法) est promulguée. Elle vient reconnaître comme personnes morales ces nouveaux acteurs. Leur rôle est, en principe, complémentaire de celui du gouvernement et des entreprises, mais s’accroît depuis le séisme du 11 mars 2011.
Les chōnaikai impliquent la plupart des habitants. Leurs fonctions concernent la sécurité, la cogestion et l’entretien des espaces publics, de la voirie, des espaces verts ou de l’éclairage, l’information et l’organisation de fêtes locales. Mais, cela est surtout vrai là où la tradition reste vivace, comme à Kyôto. Au centre social (kōmin-kan 公民館), à la salle de réunion du quartier (chōnai-kaikan 町内会館ou chō-shūkai-jo 町集会所), les citadins (chōmin 町民) discutent des nécessités, en principe le dimanche matin, notamment les responsables des chōnaikai et les administrateurs de la communauté de quartier (chōnaikai-yakuin 町内会役員) qui ont un rôle de servitude pendant un an. Les chōnaikai sont à l’origine des conventions architecturales (kenchiku kyōtei 建築協定) et de la formation de conseils (kyōgikai 協議会). Leur rôle s’élargit à un débat public dans l’élaboration du plan local d’urbanisme ou des décisions politiques, via un conseil de quartier (chiiki jichi ku 地域自治区), selon la loi de 2004. Leurs activités évoluent vers l’aide aux personnes âgées, aux handicapés, et vers la gestion des déchets. Les chōnaikai peuvent être relayées par, ou former certains ponts avec d’autres associations. Le terme komyuniti évolue aussi. Il devient plus général, et semble se substituer à celui de kyōdōtai.
Depuis le 11 mars, le terme komyuniti semble intégrer les différentes associations, aussi bien que de futurs jichikai 自治会 et des corporations de métiers, d’agriculteurs ou de pêcheurs. Mais, s’il paraissait démontrer un certain droit de l’individu et une autonomie locale, il manifeste aussi une absence des pouvoirs publics. C’est ainsi que les maîtres mots sont « la reconstruction de komyuniti (komyuniti fukkô コミュニテイ復興) », « la reconstruction de l’être humain (ningen fukkô 人間復興) ».
La décentralisation vers une société locale est réelle depuis 1968. Le déclin naturel des villages existe depuis les années 1980, par leur désertion et le vieillissement de la population. La rétraction urbaine, le retour vers une ville compacte est entamé depuis les années 1990. Depuis les années 2000, on parle de développement durable, jizoku kanô-na kaihatsu 持続可能な開発. Et la reconstruction, suite à cette triple catastrophe, séisme, tsunami et accidents nucléaires, doit tenir compte de ces tendances. Mais, la reconstruction par qui ?
Depuis le grand séisme de l’Est du Japon, au niveau local, les komyuniti sont les principaux acteurs dans l’urgence. À moyen terme, les collectivités locales (jichitai 自治体) développeront la région. Et, sur le long terme, l’État devrait s’interroger sur un nouveau modèle national tourné vers le développement durable. Cependant, dès à présent des aides de l’État sont attendues, car à la suite du séisme, seules les dettes demeurent. 
Dans les régions touchées par le tsunami du 11 mars 2011, des komyuniti et de nouvelles ONG (NPO) regroupent habitants, volontaires, spécialistes du bien-être social, de la santé, juristes, avocats, conseillers, éducateurs, architectes, urbanistes, historiens ou encore artistes. Elles ont un rôle de soutien et de consultation (kyôgi 協議) et enquêtent sur les besoins. Elles offrent nourriture et vêtements, produits de première nécessité et soins médicaux d’urgence. Elles informent et transmettent les messages des réfugiés, voire des objets retrouvés. Le tout est de retisser les liens sociaux et de recréer une communauté locale. Elles participent aux traitements des gravats, à la remise en état des terres, à la réfection rapide des habitations, à la construction de logements temporaires réutilisables et tournés vers des espaces collectifs, des jardins partagés. Au lendemain du séisme, il y a 90 000 sans abris et la demande de logements est grande.
Les associations permettent aussi la reconstruction des liens de sol et la territorialisation des corporations, le rétablissement des métiers locaux. Elles participent à la mise en place de commerces temporaires et à la reconstitution d’un parcellaire, comme en 1923, de terres communales qui seront revendues par la suite aux propriétaires. Elles organisent avec l’aide des municipalités la distribution d’emplois journaliers, par le biais d’une assemblée, comme Seki Hajime 関一 (1873-1935) l’avait fait, suite aux émeutes du riz de 1918. Des quartiers spéciaux agricoles ou aquicoles sont fixés, et des assemblées d’habitants, de travailleurs ou d’exploitants sont créées ou redéfinies.
Depuis le 11 mars, on assiste à un retour au local, accélération d’un processus déjà entamé depuis 1968. Mais, peut-on parler pour autant d’une autonomie ? La reconstruction du Tôhoku doit passer par la participation de tous les acteurs. Et, les questions majeures qui demeurent aujourd’hui concernent la transparence et les aides de l’État, la décentralisation des activités, ainsi que la participation des habitants aux décisions politiques.
Après un urbanisme planifié centralisé qui différait du local, les municipalités se tournent de plus en plus vers un urbanisme participatif, machi-zukuri まちづくり. Le Japon, depuis les années 1980 tend vers une aménité à déployer dans les aménagements en matière d’urbanisme. Le Kôjien, le Petit Robert nippon, définit ainsi l’« aménité » (ameniti) : « confort dans notre vie environnementale, que ce soit dans le bâti, le lieu, le paysage, le climat, et sollicité notamment en matière d’urbanisme. » Il n’est bien sûr plus question ici de confort lié à la consommation de masse, comme dans les années 1960, mais d’une harmonie à développer et à prendre en compte dans les différents aménagements à travers une symbiose entre l’homme, l’environnement et le monde. L’origine du mot vient du vieux français, du latin amoenitas, de amoenus, c’est-à-dire agréable. Le TLFi fait remonter le terme d’aménité à 1358.
La question d’aménité est, depuis les années 1980, au cœur des débats et des perspectives dans les pays développés à travers le monde, parallèlement à la volonté de déployer de nouvelles énergies. Elle est devenue prioritaire dans les nouveaux discours urbains, dans les plans d’aménagement du territoire, des villes et de leur périphérie. Et, elle passe par une diversification des fonctions à travers une multipolarité, certes entamée sur les nouveaux terre-pleins, les téléports, depuis les années 1980. Ôsaka édite son plan d’aménité en 1985. L’objectif du plan est de créer un équilibre entre l’habiter, le travail et l’agrément La priorité n’est plus donnée à la circulation dans ces nouveaux aménagements, mais à l’habiter.
Avec ce changement de tendance, de nouveaux principes ont été établis par le ministère de la construction, dans un rapport de 1999. Celui-ci signale la nécessité de reconsidérer l’anticipation de la demande de logements face à la diminution et au vieillissement de la population. Les développements massifs et uniformes qui ont caractérisé le passé n’ont plus lieu d’être. La base des affaires est à réajuster, car il n’est plus possible de miser sur la plus-value des terrains, et les nouveaux critères sont à penser en fonction de la nouvelle population, de sa demande et de ses besoins.
Les nouvelles données, soulignées par Doteuchi Teruo en 199919, poussent aujourd’hui à la diversification, tayôka, et à repenser les villes nouvelles. La nouvelle orientation, on l’a dit, est au mixage intergénérationnel, à la diversité des fonctions, au collectif décliné, au locatif et aux services. Et, il insiste d’une part sur la disparition de la « maison à vie » parallèlement à celle de l’« emploi à vie », shûshin-koyô, et à la dévaluation foncière. D’autre part, il préconise la diversité à penser tant dans l’habitat que dans la localisation, du fait de la nouvelle composition de ces ménages réduits, du vieillissement de la population, et de sa diminution. Les gens désirent passer moins de temps dans les transports, réclament des services, et un travail à proximité de leur lieu de résidence. La ville se veut compacte, konpakuto-shitî.


5. Vers un droit de l’individu et l’ie ?


Certains architectes contemporains, comme Yamamoto Riken山本理顕, font aujourd’hui des propositions fines en matière d’aménagement en réponse à ces directives tout en préconisant cependant une revalorisation de l’ie. Voici sa théorie, à titre d’exemple et non de modèle, présentée récemment au Palais du Luxembourg lors d’un colloque sur « L’aménagement urbain en France et au Japon. Quel cadre de vie pour demain ? » du 24 octobre 2013, et exposée dans son ouvrage Chiiki shakai-ken shugi 地域社会圏主義 (Principes d’une aire de communauté locale, 201220). Pour lui, projeter un nouveau quartier passe par la question de la vie d’une communauté locale et le système gouvernemental posé implique une aide mutuelle, l’auto-assistance d’une maison qui correspond à une unité familiale. Or, cette unité sociale devient de plus en plus inutile. Alors quel système adopter ? Il se propose de considérer une unité d’approximativement 500 personnes. Cela pourrait être 400 ou 700, le nombre variant suivant la localité, et constituerait une « aire de communauté locale ». De là, il s’interroge sur le type de résidence possible et sur le système d’entraide mutuelle qui pourrait être développé. L’achat d’un logement est trop pesant pour un individu et inadapté aux changements sociaux majeurs. Les logements, dit-il, doivent être loués. Le maximum d’espace doit être aux parties communes, et les espaces où les individus ont des droits exclusifs doivent être restreints. L’habitat d’une aire de communauté locale se compose de ie (maisons). Une ie est constituée de magasins, mise et d’une chambre, nema 寝間. L’organisation de cette pièce est entièrement différente de l’unité LDK (Living-Dining-Kitchen). La boutique donne sur l’extérieur, tandis que la pièce est un espace hautement privé. Les gens sont libres de louer n’importe quel espace. L’espace commercial peut être utilisé comme magasin, mais aussi comme un atelier ou un bureau. Cela peut-être aussi un porche où une personne âgé peut faire une sieste ou un enfant jouer. Les gens pourraient aussi louer une grande pièce, nema, et créer une ie, comme une maison traditionnelle privée. Les toilettes, douches et mini-cuisines seraient partagées pour un nombre suffisant et non selon la logique d’une maison pour une unité familiale. La relation entre les espaces privés et publics serait complètement à reconsidérer. Tout ce qui a trait à l’énergie, le transport, les soins, le bien-être et l’économie locale devrait être reconsidéré en pensant à l’ie, et permettrait ainsi, selon Yamamoto de reconsidérer les relations dans une aire de communauté locale.
Depuis les années 1990, la nouvelle orientation nippone est à la ville compacte konpakuto-shitî, du fait du déclin démographique et de la baisse des valeurs foncières. L’objectif est de recréer un paysage qui allie formes urbaines et formes sociales pour renouer avec l’esprit de communauté tout en répondant aux nouvelles caractéristiques et tendances du pays comme à l’orientation globale, à l’Agenda 21 édicté par les Nations Unies en 1992. Un lieu habité doit être investi, et donner un sentiment d’appartenance aux habitants, comme aux travailleurs, aussi avoir un travail à proximité de son lieu de résidence est capital. La multiplication des services en ville, comme en périphérie, sert aussi aux personnes âgées, population en explosion.
Aux États-Unis, selon Cynthia Ghorra-Gobin (2006), une autre réponse est apportée, depuis les années 1980, le New Urbanism, une alternative à faible densité correspondant plus à l’étendue du pays, mais alliant aussi « la diversité, l’animation urbaine (street life) et l’échelle humaine ». En France, par contre, chaque seconde, 26 mètres carrés de terres agricoles disparaissent. Selon un article du Monde du 26 février 2012, on « artificialise » 60 000 à 70 000 hectares chaque année, ce qui correspond à un département français tous les sept à dix ans, deux à trois fois plus qu’en Allemagne. La France a fait le choix de l’étalement urbain jusque-là. Certes, le droit au logement est une question majeure. Mais, l’espace est une ressource non renouvelable.
Aujourd’hui, les questions qui se posent, en matière d’aménagement urbain, sont celles de la densification du tissu, surtout périurbain, notamment en banlieue, celle de la mixité des fonctions, de la régionalisation et de l’urbanisme participatif, machi-zukuri, et elles sont communes, même si c’est plus ou moins, aux trois pôles planétaires, aux Etats-Unis, à l’Europe et l’Asie, aux sources de la ville-campagne, de La ville insoutenable, La ville franchisée (Augustin Berque, 2006, David Mangin, 2004).

Au Japon, la mégalopole s’étend aujourd’hui de Kumamoto vers Sendai. Elle accueille 90 millions d’habitants sur 1 300 kilomètres, 70% de la population japonaise. Habitent en ville, 90% des Japonais. Mais les déclins, démographique et des valeurs foncières, ne permettent plus de miser sur la plus-value, depuis les années 1990. Et, la rétraction urbaine (toshi shukushô 都市縮小) ainsi que la décentralisation vers une société locale durable sont aujourd’hui les enjeux dans la reconstruction urbaine (toshi fukkô 都市復興), aussi bien en zone sinistrée, sur les côtes nord-est de l’île de Honshû, l’île principale, que sur l’ensemble du territoire. Les années 1990-2000 ont institutionnalisé et légiféré les pratiques nippones suivant l’orientation internationale. Dans un pays de type communautaire à la base, une propension vers une démocratisation, un embrayage droit naturel/droit juridique à tendance à voir le jour. Et, les chônaikai, organes-clés au Japon, connaissent un nouveau souffle en matière d’urbanisme participatif, à travers la mise en place des conseils de quartiers (Chiiki jichi ku地域自治区), parallèlement à la fusion des communes depuis la loi de 2004, dont la nouvelle cohésion correspond en principe aux anciennes communes. Le Japon tend vers plus de participation et de collaboration avec le privé, mais la législation reste permissive. Par ailleurs, en sachant que la densité de la participation diminue avec l’augmentation de l’échelle des communes, due à leur fusion, certaines questions demeurent en ce qui concerne la représentativité. L’organisation de ces nouvelles collectivités locales appelées « système représentatif dual (nigen-teki daihyô-sei二元的代表制) » fait débat, ainsi que la question du suffrage universel. À l’heure actuelle, les membres de l’assemblée délibérante, les conseillers municipaux, et le maire, organe décisionnel, sont tous élus distinctement au suffrage universel direct, selon une configuration dite « présidentialiste », et se trouvent souvent en conflit. Un changement nécessiterait une modification de la Constitution du Japon, en son article 93, au chapitre 8. Les discussions portent aussi sur l’organisation des assemblées rapporteuses au conseil (gikai hôkoku kai議会報告会), instaurées en 2006, rapporteuses aux conseils locaux (chihô gikai地方議会). Il s’agit de réformer les conseils en centre de participation des habitants. Et aujourd’hui, les arrêtés de base des conseils (Gikai kihon jôrei議会基本条例) se multiplient. Mais pour l’instant, la participation des habitants au Japon signifie plus leur engagement dans les activités des communautés de quartiers, que l’expression de leur opinion ou de leur participation au processus de décision des politiques locales, et c’est ce qui fait débat aujourd’hui.


in Vocabulaire de la spatialité japonaise, P. Bonnin et al., 2014.
Références:
(1) BERQUE Augustin, « Qu’est-ce que l’espace de l’habiter ? » in PAQUOT Thierry, LUSSAULT Michel et YOUNÉS Chris. (dirs.), Habiter, le propre de l’humain. Villes, territoires et philosophie, Paris, La Découverte, 2007, p. 53-67.
(2) DUMONT Louis, Homo Hierarchicus. Le système de castes et ses implications, Paris, Gallimard, 1980 (1966), 449 pages.
(3) DUMONT Louis, Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, du Seuil, 1983, 310 pages.
(4)  TÖNNIES Ferdinand (trad. HARRIS Jose et HOLLIS Margaret), Community and Civil Society (Gemeinschaft und Gesellschaft : Grundbegriffe der reinen Sociologie), Cambridge, Cambridge University Press, 2001 (Or.1887), 266 pages.
(5) MACIVER Robert Morrison, Community, a sociological study. Being an attempt to set out the nature and fondamental laws of social life, Lexington, Cornel University Library Digital Collections, 30 juin 2010 (1917), 437 pages.
(6) WATSUJI Tetsurô (trad. BERQUE Augustin), Fûdo, le milieu humain, Paris, CNRS Éditions, 2011 (Or.1935), 330 pages.
(7) WATSUJI Tetsurô (trad. YAMAMOTO Seisaku et CARTER Robert E.), Watsuji Tetsurô’s Rinrigaku. Ethics in Japan, Albany, State University of New York Press, 1996 (Or.1937), 381 pages.
(8) ANSART Olivier, L’empire du rite. La pensée politique d’Ôgyû Sorai. Japon 1666-1728, Genève/Paris, Droz, 1998, 248 pages.
(9) SOUYRI Pierre F., Le monde à l’envers. La dynamique de la société médiévale, Paris, Maisonneuve & Larose, 1998, 321 pages.
(10) BEILLEVAIRE Patrick, vol. 2 : « Le Japon, une société de la maison » et vol. 3 : « La famille, instrument et modèle de la nation japonaise », in BURGUIÈRE André et al., Histoire de la famille, vol. 2 : « Temps médiévaux : Orient / Occident », et vol. 3 : « Le choc des modernités », Paris, Armand Colin, 1986, respectivement p. 287 à 340. 
(11) HANES Jeffrey E., The City as subject. Seki Hajime and the reinvention of Modern Osaka, Berkeley, Los Angeles et Londres, University of California Press, 2002, 348 pages.
(12) HAMON Claude, « Urbanité moderne et massification : ÔSaka et la culture Hankyû (1905-1940) », in TSCHUDIN Jean-Jacques et HAMON Claude, La modernité à l’horizon. La culture populaire dans le Japon des années vingt, Arles, Philippe Picquier, 2004, p. 63-81.
(13) TAKEMURA Yasuharu 竹村保治, «Ôsaka-shi no «komyuniti-zukuri» ni tsuite -kiroku to jakkan no kôsatsu» 大阪市の「コミュニテイづくり」についてー記録と若干の考察  (À propos du développement de komyuniti dans la ville d’Ôsaka. Des actes et quelques observations), Toshi mondai kenkyû 都市問題研究, vol. 331 (vol. 30, n°7), juillet 1978, p. 78-79. 
(14) TAHARA Otoyori, « Sur certaines formes de la socialité japonaise : le traditionnel et le contemporain- avec quelques considérations sur les études sociologiques », in BERQUE Augustin et SAUTTER Christian (dirs.), Sciences Sociales du Japon Contemporain. La socialité japonaise, n° 7, Paris, EHESS, mars 1985, p. 19 à 45.
(15) Le Japon entra en crise économique, à la fin de la période de la haute croissance en 1973, lors du premier choc pétrolier. Le suivant, de 1979 ne l’ayant pas vraiment atteint, on peut dire qu’il connut une nouvelle crise en 1991, suite à l’effondrement de la bulle en 1990 et en raison de son obligation de verser en 1991, 13 milliards de dollars pour la guerre du Golfe. Son PIB fut alors de 1%. En 1997-1998, il fut ensuite question d’une crise financière avec un discrédit mondial des banques japonaises.
(16) Le Professeur Miura  est venu donner une série de conférences à l’EHESS sous le titre « Problems of « Fast-hudo ». Suburbanization, Fastfood-like landscape, and the Changing Japanese Society », notamment les 4/11/2004 et 25/11/2004 dans les séminaires dirigés par Augustin Berque.
(17) GHORRA-GOBIN Cynthia, La théorie du New Urbanism. Perspectives et enjeux, Paris, DGUHC, 2006, Accessible via Internet.
(18) BEILLEVAIRE Patrick, « La famille japonaise : hier et aujourd’hui », in BERQUE Augustin et SAUTTER Christian, Sciences Sociales du Japon Contemporain, n° 7 : « La socialité japonaise », Paris, EHESS, mars 1985, p. 49 à 74.
(19) DOTEUCHI Teruo, « Metropolitan New Town Developments Undergo Transition », Tôkyô, NLI Research Institute, n° 129, 1999, p. 35 à 42. Accessible via Internet.
(20) YAMAMOTO Riken 山本理顕 et al., Chiiki shakai-ken shugi 地域社会圏主義 (Principes d’une aire de communauté locale), Tokyo, LIXIL, 2012, 152 pages.