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mercredi 4 novembre 2020

Habiter et bâtir en milieu méditerranéen

The Forest of Valdoniello (Corse, Edward Lear: 1869)
Université de Corse, Corte, 20 septembre 2019. Lancement du diplôme universitaire « Qualités environnementales du cadre bâti en milieu méditerranéen ». 

Habiter et bâtir en milieu méditerranéen

par Augustin Berque

I. Pourquoi ce titre, « Habiter et bâtir en milieu méditerranéen », inverse-t-il l’ordre que la raison paraît imposer, puisque avant d’habiter un bâtiment, ne faut-il pas l’avoir déjà construit ? 

Parce que, dans un milieu humain, une habitation n’est jamais un simple produit objectif, où l’on logerait des corps non moins objectifs. Une maison n’est pas une « machine à habiter », contrairement à ce qu’a prétendu ce maître à penser du mouvement moderne en architecture que fut Charles-Édouard Jeanneret, dit Le Corbusier (1887-1965) ; c’est une expression et une garantie à la fois écologique, technique et symbolique de notre humanité même, et de nos liens avec la terre qui nous porte – en l’occurrence, la terre méditerranéenne. Et cette expression, il faut la vivre, il faut l’habiter et en être habité avant justement de pouvoir l’exprimer par une forme bâtie. C’est donc exactement le contraire d’une production mécanique, simple consécution causale où il va de soi que le bâtiment précède l’habitant, comme la machine précède le produit.

II. C’est de ce renversement que je voudrais vous parler aujourd’hui


mercredi 27 novembre 2019

Exister au dehors de soi / Augustin Berque

« Chaudron 3, 2019 : L’Extérieur », École Camondo, 12-13 septembre 2019
conférence inaugurale

Exister au dehors de soi : la demeure humaine 

par Augustin Berque 

Rithika Pandey, Anxiety room (source)
RésuméL’habitation humaine ne se borne pas au logement des corps dans des « machines à habiter » ; c’est le foyer de l’écoumène (ἡ οἰκουμένη, « l’habitée »), tissu des systèmes écologiques, techniques et symboliques qui, au dehors des limites du corps physiologique,  font exister – ek-sistere, « se tenir au dehors » – l’être humain sur la Terre. L’écoumène, ensemble des milieux humains, c’est la demeure de notre être. Elle s’est constituée historiquement (évolutionnairement) dans un couplage dynamique avec l’émergence du genre Homo. Si chaque être humain a toujours le for intérieur de sa propre conscience, il ne pourrait pas vivre – il n’existerait même pas – sans cette sortie au dehors de soi dans un certain milieu. 

I. L’idée d’habitation est pour nous indissociable de celle de séparation entre intérieur et extérieur par une paroi quelconque. Suivant les civilisations, celle-ci pourra se composer de matières variées, des plus légères – comme les herbes sèches à armature de branchage des habitations aborigènes traditionnelles en Australie – aux plus consistantes, comme les briques, les pierres ou les parpaings qui font nos murs familiers ; mais l’essence d’une paroi étant non moins symbolique que physique, ce n’est pas la matière des parois qui détermine l’habitation ; c’est la distinction entre un dedans et un dehors, qui s’accompagne nécessairement d’un seuil faisant le lien entre les deux. Aux dedans, aux dehors et aux seuils correspondent des comportements idoines, qui structurent l’espace-temps de l’existence humaine à diverses échelles, allant de l’intime au monde entier. 

II. Cette relation multiscalaire entre l’existence humaine et l’espace-temps où elle se définit, c’est ce que j’appellerai ici l’écoumène.

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mercredi 12 juin 2019

Coénoncer avec le vivant / Augustin Berque

Conversation, Anonyme
(peuple Gonds, Madhya Pradesh, Inde)
source
Journées d’étude Habiter/être habité.e : quelles relations avec le vivant ?, 16-18 mai 2019, à Cieux et Eymoutiers. Conférence-échange entre Augustin Berque et Nicole Pignier, amedi 18 mai, Eymoutiers, 14h-16h. Ci-après, les éléments du propos d’A. Berque.

Coénoncer avec le vivant, réhabiter la Terre 

Augustin Berque

I. « Coénoncer avec le vivant, réhabiter la Terre », voilà une formulation pour le moins hardie. C’est à Nicole Pignier que nous la devons, semble-t-il. Est-elle simplement absurde, ou oraculaire ? En tout cas, elle n’entre pas d’emblée dans notre casier mental. Nous avons plutôt l’habitude de penser que, d’une part, les humains sont les seuls à posséder la parole, donc les seuls capables d’énonciation ; que, d’autre part, nous habitons bien sur la Terre, pas ailleurs, et que nous n’avons donc pas à la « réhabiter » ; enfin que, par-dessus le marché, le lien logique entre énonciation et habitation n’est rien moins qu’évident… 

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mardi 8 décembre 2015

Habitat insoutenable et COP21 / Augustin Berque

(source)

[Habitat insoutenable et COP 21]

Préface à l’édition japonaise de : Augustin Berque, Histoire de l’habitat idéal, de l’Orient vers l’Occident, Paris, Le Félin, 2010
Augustin Berque

Que je l’aie écrit voici dix ans ne modifie pas l’actualité du propos de ce livre, propos qui reste de définir les origines et l’histoire des motivations qui ont poussé la société contemporaine, dans les pays riches, à idéaliser la maison individuelle au plus près de la nature, ce qui a conduit à l’éclatement des villes et au phénomène de l’urbain diffus. Les origines et l’histoire des motivations qui expliquent ce phénomène n’ont pas changé.

mercredi 12 novembre 2014

Qu’est-ce qu’habiter, au Japon ? / A. Berque

Maison en forêt Karuizawa
Maison en forêt Karuizawa (軽井沢 森の家)
YOSHIMURA Junzo Picture
©Manuel Tardits – à 軽井沢.
source
À paraître dans le catalogue de l’exposition « Japon, l’archipel de la maison », Le Lézard noir, 2014.
AVANT-PROPOS

Qu’est-ce qu’habiter, au Japon ?
par Augustin Berque


            Les maisons que vous allez regarder sont toutes différentes, mais elles ont toutes un trait commun – un trait fondamental, sans lequel ce ne seraient pas des maisons. Or ce trait-là, vous ne le verrez pas. Serait-il caché derrière un mur, dans une penderie, sous le plancher, sur l’autre pan du toit… ? Non ? Regardez mieux. Ou plutôt, non, ne regardez pas, fermez les yeux et imaginez-vous entrer dans l’une de ces maisons. Imaginez vos mouvements, vos sensations (bien entendu, si vous avez déjà l’expérience d’un intérieur nippon – un intérieur vraiment nippon, habité par des Japonais – cela aidera). Touchez, sentez, écoutez bien, soyez tout ouïe…
            Ça y est, vous avez trouvé ? Non ? Alors, je vais vous donner un indice : 諦めますか ?  Ce qui se lit : akiramemasu ka ? et signifie : « vous donnez votre langue au chat ? » ...

jeudi 29 mai 2014

Qu’est-ce qu’une intériorité nippone ? / Augustin Berque

L’intérieur-extérieur nippon idéalisé au Rikugi kôen (Tokyo)
L’intérieur-extérieur nippon idéalisé au Rikugi kôen (Tokyo).
Cliché Francine Adam, 11 mai 2005.
Société française des architectes / CNRS
Colloque international Le silence habité des maisons
–  23-24 mai 2014, SFA  –
Qu’est-ce qu’une intériorité nippone ?
Augustin Berque

Résumé – Le thème de l’intérieur (uchi ) est au Japon fort prégnant, de la définition de la personne à celle du territoire, en passant par la maison. Dans une conversation ordinaire, suivant l’occasion, le même terme uchi pourra correspondre au français « je », « chez moi », « ma famille », « notre entreprise », etc.. Dans le milieu nippon, la topologie du rapport dedans/dehors s’agence à diverses échelles, investissant l’intériorité du sujet dans des objets divers, ce qui diffère essentiellement de l’abstraction du « je » cartésien, mais traduit un aspect universel de l’habiter humain. 

1. Ce que nous appelons « maison »
Comme en anglais avec house et home, il y a en japonais deux termes courants pour dire « maison » : ie et uchi. Les deux termes peuvent être transcrits par le même sinogramme , qui selon le contexte pourra donc se lire soit ie, soit uchi ; il s’applique toutefois le plus généralement à ie. 

jeudi 20 mars 2014

Milieu urbain et socialité nippone / P. Marmignon

EHESS, Paris, le 14 mars 2014, séminaire "Mésologiques: philosophie des milieux"
Paysage éclectique, Ôsaka, Kita-ku
Paysage éclectique, Ôsaka, Kita-ku
(cc) P. Marmignon, 2000

Milieu urbain et socialité nippone

P. Marmignon

Cette conférence, dans le domaine des « études urbaines » est centrée sur l’interaction entre la socialité et la spatialité urbaine nippone, et porte sur le jeu des acteurs en matière d’aménagements urbains. Il s’agit de présenter « la socialité nippone » à partir du milieu nippon tissé de son histoire dans sa « chaîne trajective », c’est-à-dire, selon Berque, élaborée progressivement de la subjectité, par et dans la relation des Japonais avec leur milieu.

mercredi 12 septembre 2012

Valeurs humaines et cosmicité / A. Berque


Chapelle du Mont Rokkō d'Andō Tadao Kōbe Japon
"Chapelle du Mont Rokkō d'Andō Tadao", à Kōbe, Japon
((cc) Patricia Marmignon, 1992)
Master européen en architecture et développement durable, VIIIUniversité catholique de Louvain-la-Neuve. Conférence inaugurale, 13 septembre 2012

VALEURS HUMAINES ET COSMICITÉ

Recosmiser l’aménagement, l’urbanisme et l’architecture


par Augustin BERQUE



1. L’architecture, mais avec ou sans architectes ?
Voilà près d’un demi-siècle maintenant, à l’automne 1967, je faisais mes premières armes d’enseignant, comme assistant en sciences humaines à l’École des Beaux-Arts, quai Malaquais à Paris, côté architecture. C’était aussi la première fois que des enseignements de sciences humaines, à l’instigation de Michel Écochard, étaient introduits dans la vénérable institution, qui allait éclater un an plus tard. Jusque-là, en France, les architectes avaient été formés à construire des édifices de diverses échelles, de la maison à la ville, sans apprendre ce qu’on mettait dedans, à savoir une société humaine. J’étais géographe, mais inclus dans une fournée où l’on trouvait aussi deux ou trois sociologues, une psychologue, un économiste et même un philosophe, ainsi que quelques autres géographes. Écochard,

mercredi 25 janvier 2012

Donner lieu au monde / A. Berque

V. Van Gogh, Le semeur au soleil couchant, 1888
(Source : Rijksmuseum Krueller-Mueller, Otterlo)

Donner lieu au monde : la poétique de l'habiter

Actes du colloque de Cerisy-la-Salle

Augustin Berque, Alessia de Biase, Philippe Bonnin (dir.)

Suite à L’Habiter dans sa poétique première, ce livre recueille les actes du colloque tenu en septembre 2009 à Cerisy-la-Salle. Il s’agit à présent de la création, c’est-à-dire de la poïétique d’un monde autre que l’insoutenable monde actuel. Insoutenable, notre monde l’est puisque non viable écologiquement, injustifiable moralement (car de plus en plus inégalitaire), et inacceptable esthétiquement (car il « tue le paysage »). Dans la réarticulation cosmologique du Vrai (ici l’adéquation de notre mode de vie aux capacités de la Terre), du Bien et du Beau, les auteurs ont donc été invités à imaginer un nouveau poème du monde, au delà de la modernité qui l’a fait taire en disjoignant les champs respectifs de la technoscience, de l’éthique et de l’esthétique.

mercredi 26 octobre 2011

Habiter vs habitacle / Augustin Berque

Otto Mueller "Rue de village, le soir"
Otto Mueller "Rue de village, le soir" (v. 1927)
Pour Historiens-Géographes, numéro spécial à l’occasion du Congrès de l’Union Géographique Internationale, Cologne, 2012

Habiter vs habitacle

Par Augustin Berque

Résumé : L'article analyse le parcours intellectuel accompli par le programme décennal de recherche coopérative internationale "L'habitat insoutenable / Unsustainability in human settlements", qui de 2001 à 2010 intéressa une centaine de chercheurs d'une douzaine de pays (de l'Australie au Québec, et de la Chine au Brésil, autour de deux foyers : la France et le Japon). Parti d'une critique de l'urbain diffus (le thème de "la ville insoutenable"), à travers quatre colloques internationaux à Cerisy-la-Salle et cinq ouvrages collectifs (entre autres publications), ce programme s'est clos sur le thème de "la poétique de l'habiter". Autour d'un noyau de géographes et d'architectes, il a concerné de nombreuses disciplines allant de l'ingénierie à l'ontologie. Comment et pourquoi est-on passé, en dix ans, d'une problématique centrée sur l'empreinte écologique de l'urbain diffus à une problématique centrée sur la poétique de l'écoumène, en tant que "l'habitée" (oikoumenê)?