mercredi 28 février 2018

Qu’est-ce que la mésologie ? / Augustin Berque

Two Women Embracing (E. Schiele, 1915)
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Pour Sciences critiques. 

Qu’est-ce que la mésologie ?

par Augustin Berque


1. La fondation positiviste
            Le terme « mésologie », au sens de : « étude des milieux », a été créé par un disciple d’Auguste Comte, le médecin Charles Robin (1821-1885), qui le proposa lors de la séance inaugurale de la Société de biologie, le 7 juin 1848. Cofondateur de la Société, Robin fixait, parmi les tâches de la biologie à venir, celle de développer ladite mésologie. Celle-ci, notamment sous l’impulsion du médecin, anthropologue et statisticien Louis-Adolphe Bertillon (1821-1883), devait effectivement connaître un bel épanouissement au XIXe siècle, ce qui lui valut de figurer dans la première édition du Petit Larousse (1906) avec la définition suivante : « Partie de la biologie qui traite des rapports des milieux et des organismes », alors que le terme « écologie » n’y figurait pas encore.

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Ce dernier terme – calque de l’allemand Ökologie, créé par Haeckel en 1866, et apparu en français en 1874 – devait pourtant, au XXe siècle, supplanter « mésologie », qui finit par disparaître des dictionnaires. On peut se demander pourquoi, car, le champ initial des deux disciplines étant proche, « mésologie » aurait pu dire en français ce qu’Ökologie disait en allemand, comme en anglais ecology  – apparu dans cette langue en 1873, à partir de l’allemand. Je vois deux raisons à cet effacement de la mésologie :
- La première, c’est que son champ était trop vaste. Telle que la concevaient Robin, Bertillon et leurs disciples, la mésologie couvrait en effet ce qui relève aujourd’hui de la médecine, de l’écologie et de la sociologie. En tant que science positive, elle ne pouvait traiter d’un tel ensemble sans tomber dans un déterminisme réducteur ; et c’est effectivement ce qui lui est arrivé.
- La seconde, ce sont les développements qu’ecology a connus dans les pays anglophones, où le terme mesology n’existait pas. Il en découla que ces progrès, une fois connus en France, le furent sous l’étiquette « écologie », sans qu’on traduisît le terme en « mésologie ». Cette influence culmina dans les années soixante, où le terme « environnement » prit le pas sur celui de « milieu ». Le géographe Pierre George illustra ce basculement avec le Que sais-je L’environnement, paru en 1971 sur un sujet revenant en fait à ce que la géographie avait jusque-là nommé « milieu ».  Il avait pourtant lui-même écrit à l’entrée « environnement », dans son Dictionnaire de la géographie publié l’année précédente, « Le terme est employé surtout par les auteurs anglo-saxons, dans un sens voisin de milieu géographique »… Mais tout le monde parlait désormais de « crise de l’environnement », personne de « crise du milieu », et il était de notoriété publique que la science de l’environnement, c’est l’écologie, pas la mésologie ; laquelle, en somme, avait perdu et son objet, et son droit au dictionnaire.

2. La refondation phénoménologique
            Or tandis que la mésologie disparaissait en France, elle réapparaissait en Allemagne, sous l’influence de la phénoménologie et avec le nom d’Umweltlehre, « étude des mondes ambiants ». Ce fut l’œuvre du naturaliste germano-balte Jakob von Uexküll (1864-1944 ; prononcer « Ükskül »), qui résuma l’essentiel de ses découvertes en 1934 dans un petit livre attrayant, intitulé Incursions dans les milieux animaux et humains.
            Avec Uexküll, la mésologie entrait dans un deuxième âge, marqué par trois différences essentielles avec la période précédente :
- Rompant avec trois siècles de dualisme mécaniciste, Uexküll montre que les animaux (on peut élargir et dire : le vivant en général) ne sont pas des machines, mais des « machinistes » (Maschinisten), lesquels ne sont pas mus seulement par des stimuli comme l’eût voulu le béhaviorisme, mais, en tant que sujets (als Subjekte), interprètent les signes de leur milieu d’une façon particulière. Le milieu, en somme, c’est la réalité comme elle apparaît concrètement, c’est-à-dire existe pour l’être concerné, non pas l’abstraction universelle que serait la substance intrinsèque de l’environnement (i.e. un simple objet).
- Corrélativement, Uexküll introduit une distinction fondatrice entre Umwelt (le milieu, le monde ambiant) et Umgebung (les données brutes de l’environnement). Le milieu, c’est ce qui existe concrètement pour l’être concerné, dans les termes singuliers qui lui sont propres, tandis que l’environnement, c’est un objet universel, existant sous le regard de nulle part d’un observateur abstrait.
- Entre le milieu et l’être concerné s’exprime un « contrepoint (Kontrapunkt), un « contre-assemblage » (Gegengefüge), qui fait que les deux termes sont fonction l’un de l’autre. Le milieu n’est pas universel, il est propre à une espèce donnée (l’exemple de la tique est devenu célèbre).
            Entre autres implications, c’était là rejeter la notion d’adaptation darwinienne, qui est univoque : la sélection naturelle fait que le vivant s’adapte à l’environnement, pas l’inverse. Pour Uexküll en revanche, l’animal et son milieu étant fonction l’un de l’autre, l’environnement serait-il pessimal aux yeux de l’observateur, le milieu est toujours optimal pour l’espèce concernée (comme, par la suite, n’a cessé de le confirmer la découverte d’espèces dites « extrémophiles », i.e. vivant dans un environnement qui serait mortel pour la plupart des autres espèces).
            Ces mêmes bases sont reprises, au même moment, mais cette fois-ci à propos des milieux humains, par un philosophe japonais, Watsuji Tetsurô (1889-1960 ; comme il est normal en Asie orientale, le patronyme Watsuji précède le prénom Tetsurô). Watsuji étant plus jeune qu’Uexküll, on peut se demander s’il n’en a pas entendu parler lors d’un séjour qu’il fit en Allemagne en 1927-1928. Peut-être le lien ne fut-il que l’esprit du temps, celui du grand essor de la phénoménologie. Toujours est-il que c’est à son retour d’Allemagne, en 1928, et en invoquant la phénoménologie herméneutique, que Watsuji commence la rédaction d’une suite d’articles, qui deviendront en 1935 un livre : Milieux. Étude de l’entrelien humain.
            Avec celui d’Uexküll précédemment cité, ce livre est l’un des deux piliers qui ont refondé la mésologie, appelée par Watsuji fûdogaku 風土学 ou  fûdoron 風土論 : « étude du fûdo 風土. Qu’est-ce donc que le fûdo ? Ce mot est formé des deux éléments « vent () » et « terre (do ) ». Watsuji le définit lui-même de la façon suivante dans les premières lignes du chapitre I : « Ce que j’appelle ici milieu (fûdo) est un terme général comprenant, pour une certaine région, le climat, les météores, la nature des roches et des sols, le relief, le paysage etc. ». 
            Or, bien que tout le reste de son propos revienne à dire que l’essentiel, en la matière, est la « manière » (shikata 仕方) dont la société concernée interprète ces données, cette première définition omet ce que tout bon dictionnaire ne manque pas de mentionner comme la seconde acception du terme fûdo ; à savoir les mœurs de ladite société.  Le fûdo en effet, ce n’est pas seulement un milieu physique (comme il ressort de la définition ci-dessus), c’est tout autant un milieu social. Du reste, le sous-titre même que Watsuji a donné à son livre : étude de l’entrelien humain (ningengakuteki kôsatsu 人間学的考察), montre bien que, dans cette réalité globale qu’est un milieu, l’aspect social compte autant que les données de l’environnement physique. Pour Watsuji, c’est en effet à travers un corps social (aidagara 間柄) que les phénomènes du milieu physique sont vécus ; et c’est la combinatoire de cet entrelien (aida ) avec l’individu (hito ) qui fait l’être humain concret, ningen 人間 – mot formé, on le voit, des deux mêmes sinogrammes que hito et aida, mais prononcés différemment quand ils sont accolés.
            Or même à la fois individuel et social, l’humain en question, dans la mesure où justement il est concret, n’est pas non plus dissociable du versant physique de son entrelien – à savoir son lien avec les choses de son milieu. Watsuji, dès la première ligne du livre, introduit à cet effet le concept de fûdosei 風土性 (littéralement « fûdo-ité »), qu’il définit comme « le moment structurel de l’existence humaine » (ningen sonzai no kôzô keiki 人間存在の構造契機), « moment » étant ici à comprendre non comme un court laps de temps, mais comme le couplage dynamique (kôzô keiki traduit l’allemand Strukturmoment) de deux forces ou de deux termes ; en l’occurrence, c’est le couplage dynamique de l’être et de son milieu.
           J’ai traduit fûdosei par « médiance », terme dérivé du latin medietas qui signifie « moitié » (les deux « moitiés » étant ici l’être et son milieu, dynamiquement couplés). Medietas a la même racine med- que milieu, laquelle correspond à la racine grecque meso- de mésologie.  La médiance, concept ontologique, correspond à ce qu’Uexküll, de manière plus imagée, appelait « contrepoint » ou « contre-assemblage ». C’est le foyer problématique de la mésologie. Or comment s’établit-elle, et comment fonctionne-t-elle ?
           
3. La trajection de la réalité
            Cette problématique n’était pas si nouvelle qu’il semble. Elle était déjà pressentie par Platon dans l’onto-cosmologie du Timée, où il est question de la relation ambivalente entre l’être relatif (la genesis γένεσις, reflet de l’être absolu) et son milieu (la chôra χώρα). Il apparaît en effet que le milieu est à la fois l’empreinte (50 c 1) et la matrice (« mère », 50 d 2, « nourrice », 52 d 4) de l’être relatif.  Une telle ambivalence étant « difficilement croyable » (52 b 2), et relevant d’un « raisonnement bâtard » (52 b 2), le rationalisme platonicien renonce en fin de compte à en penser le « troisième et autre genre » (48 e 3), qui ne relève ni de l’intelligible (l’être absolu) ni du sensible (l’être relatif).
            Effectivement, le genre logique de cette empreinte-matrice qu’est la chôra relève de ce que le rationalisme occidental a forclos : le tiers exclu, qui n’est ni A (affirmation) ni non-A (négation), ou à la fois A et non-A. Or si la logique aristotélicienne a rejeté le tiers, la logique indienne en revanche – en particulier dans le bouddhisme du Grand Véhicule – l’a systématiquement pratiqué dans ce qu’on appelle le tétralemme : 1. A ; 2. non-A ; 3. ni A ni non-A (binégation) ; 4. à la fois A et non-A (biaffirmation).
            On intervertit souvent le tiers et le quart lemmes, mais terminer sur la binégation ne mène littéralement à rien, tandis que terminer sur la biaffirmation ouvre au contraire à tous les possibles. Or cette ouverture à tous les possibles, c’est justement ce qui se passe dans les milieux concrets, et c’est cela dont la mésologie d’Uexküll a prouvé la réalité. Pour Uexküll en effet, un animal ne peut pas entrer en relation avec un objet (mit einem Gegenstand) ; ce avec quoi il entre en relation, c’est avec le « ton » (Ton) sur lequel, pour lui, existent les choses. Par exemple, pour une vache, une touffe d’herbe existera sur le ton de l’aliment (Esston) ; mais pour une fourmi, la même touffe d’herbe existera sur le ton de l’obstacle (Hinderniston) ; pour un scarabée, sur le ton de l’abri (Schutzton) ; etc.
            Cela signifie que les choses d’un milieu n’existent pas en soi (an sich, aurait dit Kant), mais toujours en tant que quelque chose (als etwas, dira Heidegger, qui a consacré à Uexküll une bonne part de son séminaire de 1929-1930), ou d’une certaine façon (shikata, aurait dit Watsuji, qui cependant n’a pas poursuivi cette piste). Uexküll, quant à lui, appelait « tonation » (Tönung) ce passage de l’en-soi de l’objet abstrait à la réalité concrète d’une certaine chose, pour un certain animal.
            Poursuivre ladite piste à la fois en termes logiques et ontologiques – ce que n’ont fait ni Uexküll, ni Watsuji – exige une méso-logique dépassant le principe du tiers exclu. C’est ce qui se passe dans les faits quand la même touffe d’herbe existe à la fois comme aliment (A), obstacle (non-A), abri (non-A et non-non-A), etc. Que l’herbe soit pour une vache un aliment correspond en termes logiques à la prédication « S est P », où S est le sujet, i.e. ce dont il s’agit (de l’herbe), et P le prédicat, i.e. ce que l’on dit de S (« ça se mange ») ; mais cette opération dépasse le champ verbal de la logique. À la fois logique et ontologique, elle est onto-logique. C’est plus qu’une prédication ; c’est une trajection, qui fait exister (ek-sistere « se tenir hors de ») S hors de son en-soi pour devenir (gignomai : genesis) une certaine chose selon l’être concerné : un aliment (P) pour la vache, un obstacle (P’) pour la fourmi, un abri (P’’) pour le scarabée, etc.
            Cet « exister en tant que », soit S en tant que P, c’est ce qui engendre la réalité concrète, laquelle – tiers lemme – n’est ni simplement objective (ce n’est pas l’en-soi d’un objet S), ni simplement subjective (ce qui serait un pur P, i.e. un simple fantasme), mais trajective. Cela se représente par la formule r = S/P, qui se lit : « la réalité r, c’est S en tant que P ».
            Or si S existe en tant que P, c’est en fonction d’un certain interprète I : une vache (I), une fourmi (I’), un scarabée (I’’), etc. Il y a donc là une ternarité (S existe en tant que P pour I, soit S-I-P) qui échappe doublement au dualisme : 1. parce que la trajectivité d’une chose est, ontologiquement, irréductible à l’abstraction dualiste sujet-objet ; 2. parce que cette trajectivité est irréductible à la dualité logique sujet-prédicat (S-P), laquelle fait abstraction de l’interprète I et ne saisit donc pas la ternarité S-I-P. 
            Ce n’est pas tout. La pensée moderne a hérité de l’aristotélisme l’axiome que le rapport sujet-prédicat en logique est homologue au rapport substance-accident en métaphysique. S est substantiel : il est à la fois « gisant dessous » : hupokeimenon : subjectum : sujet, et « se-tenir-dessous » : hupostasis : substantia : substance, tandis que P ne l’est pas : il ne fait que « tomber sur » (accidere), arriver accidentellement à S. Le sujet du logicien n’étant autre que l’objet du physicien (ce dont il s’agit, S), cette façon de voir a nourri le credo du dualisme moderne, à savoir que tant le cogito (le « je pense » du sujet cartésien) que l’objet existeraient en soi. Or montrer expérimentalement, comme Uexküll, que dans la réalité concrète, il n’y a pas d’objets en soi mais un processus de tonation qui fait exister les choses en tant que quelque chose, c’était abolir ledit axiome.
            Plus. Cette tonation, ce n’est pas seulement une trajection, mais une chaîne trajective. En effet, dans la réalité concrète, la ternarité S-I-P est mouvante. Elle bouge non seulement dans l’espace, parce que I (une vache) n’est pas I’ (une fourmi), mais aussi dans le temps, parce les générations se succèdent, chacune héritant de la précédente une réalité S/P qu’elle va interpréter à son tour, autrement dit surprédiquer en (S/P)/P’, puis la génération suivante en ((S/P)/P’)P’’, la suivante en (((S/P)/P’)/P’’)/P’’’… et ainsi de suite (NB : ici, par simplification graphique, I n’est pas représenté, il est implicite).
            Or dans une telle chaîne, on voit que la réalité S/P initiale, qui est mi-substantielle (S) mi-insubstantielle (P), va se trouver en position de sujet (S), donc être substantialisée par rapport au nouveau prédicat P’, et ainsi de suite. En métaphysique, une telle substantialisation s’appelle une hypostase. Il ne s’agit ni d’un artifice graphique (les formules susdites), ni d’une logomachie abstraite, mais bien de ce qui se passe concrètement dans l’histoire comme dans l’évolution, où les en-tant-que de la trajection – les modes de saisie de la réalité (S/P) par un certain être (I) – finissent toujours par retentir substantiellement et sur les êtres, et sur leurs milieux. J’ai montré par exemple (dans Histoire de l’habitat idéal, Le Félin, 2010) comment le mythe arcadien, en trois mille ans d’histoire, a fini par engendrer l’urbain diffus, dont l’empreinte écologique contribue substantiellement au réchauffement climatique. Le verbal s’est hypostasié en tellurique…
           
4. La perspective mésologique
            De telles considérations dépassent le champ d’une simple discipline. Effectivement, plutôt qu’une discipline, la mésologie est une perspective, qui sous des manifestations diverses tend à périmer le paradigme moderne, celui du dualisme sujet-objet et de ses conséquences, notamment le mécanicisme comme on l’a vu avec Uexküll. La mésologie est virtuellement un paradigme transmoderne, qui va s’exprimant aussi bien dans les sciences de la nature que dans les sciences humaines.
            Dire par exemple, comme Heisenberg (La nature dans la physique contemporaine, Gallimard, 1965), que les sciences exactes de notre temps portent non plus sur un objet (la nature) mais sur notre relation à cet objet, cela revient à dire que la physique porte sur S/P, non plus sur S. Son objet n’est plus (putativement) objectif, il est (effectivement) trajectif. C’est dans le même fil que d’Espagnat (Traité de physique et de philosophie, Fayard, 2002) parle de « réel voilé » – voilé par la relation même que la physique établit avec son objet ; celui-ci, une fois de plus, n’est pas un S idéal, mais un empirique S/P. Effectivement, atteindre S, c’est ipso facto en faire un certain S/P. Selon l’appareil de mesure (I, I’ etc.), une même particule S ek-sistera soit en tant qu’onde (P), soit en tant que corpuscule (P’). Et dans ce que l’on appelle « chaînes de von Neumann », les mesures successives I, I’, I’’ etc. fonctionnent même de manière analogue à une chaîne trajective.
            Du côté des sciences humaines, ce que Peirce a nommé « sémiose », derechef, fonctionne comme une chaîne trajective :  dans la triade dont les deux autres termes sont the Object et the Sign, the Interpretant peut indéfiniment être réinterprété en de nouveaux interpretants. Bien que, dans la lignée saussurienne, il n’y ait pas cette ternarité mais une dualité du rapport signifiant/signifié (i.e. le signe, Sã/Sé), l’analogie avec une chaîne trajective est encore plus manifeste dans ce que Barthes (Mythologies, Seuil, 1957) a nommé « chaîne sémiologique ». Cela peut même se représenter comme une chaîne trajective (Barthes le représentait autrement, mais cela revient au même) : (((Sã/Sé)/ Sé’)/ Sé’’) / Sé’’’… et ainsi de suite, indéfiniment.
            Pour Barthes, les chaînes sémiologiques expliquent la transformation de l’histoire en mythe. Il y a de cela dans la perspective mésologique : quels que soient l’époque ou les êtres concernés, qu’il s’agisse de tiques ou de physiciens, ce qui pour eux existe en tant que « la réalité », autrement dit leur milieu (S/P), est toujours tant soit peu mythique, car toujours tant soit peu fonction de leur propre existence, fût-ce par appareillage de mesure interposé. La réalité, en effet, est toujours trajective ; et pour en traiter comme il convient, nous avons besoin, fondamentalement, d’une ontologie et d’une logique transmodernes – celles qu’offre aujourd’hui la mésologie.

Palaiseau, 25 novembre 2017.

Pour en savoir plus

- AUGENDRE Marie, LLORED Jean-Pierre, NUSSAUME Yann (dir.), La mésologie, un autre paradigme pour l’anthropocène ?, Paris, Hermann, sous presse.  
- BERQUE Augustin, Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin, 2000 (poche 2008).
- Id. Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie, Paris, Belin, 2014.
- Id. La mésologie, pourquoi et pour quoi faire ?, Nanterre La Défense, Presses universitaires de Paris Ouest, 2014.
- Id., Là, sur les bords de l’Yvette. Dialogues mésologiques, Bastia, éditions Éoliennes, 2017.
- UEXKÜLL Jakob von, Streifzüge durch die Umwelten von Tieren und Menschen. Bedeutungslehre (Incursions dans les milieux animaux et humains. Théorie de la signification), Hambourg, Rowohlt, 1956 (1934). Traduit par Philippe Müller, Mondes animaux et monde humain, suivi de La théorie de la signification, Paris, Denoël, 1965. Traduit par Charles Martin-Freville, Milieu animal et milieu humain, Paris, Rivages, 2010 (NB : cette traduction ne comporte pas la Théorie de la signification).
- WATSUJI Tetsurô, Fûdo. Ningengakuteki kôsatsu 風土。人間学的考察, (Milieux. Étude de l’entrelien humain), Tokyo, Iwanami, 1935. Traduit par Augustin Berque, Fûdo, le milieu humain, Paris, CNRS Éditions, 2011.