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dimanche 7 février 2016

MA / Damien Faure et Augustin Berque

 MA

Damien Faure (réalisateur)

Projection du documentaire MA 1 : Espaces intercalaires à la Maison de la Culture du Japon à Paris le samedi 13 février à 15h00.
Rencontre avec Damien Faure et Augustin Berque à 16h00
Projection du documentaire MA 2 : Milieu à 16h30

mercredi 12 novembre 2014

Qu’est-ce qu’habiter, au Japon ? / A. Berque

Maison en forêt Karuizawa
Maison en forêt Karuizawa (軽井沢 森の家)
YOSHIMURA Junzo Picture
©Manuel Tardits – à 軽井沢.
source
À paraître dans le catalogue de l’exposition « Japon, l’archipel de la maison », Le Lézard noir, 2014.
AVANT-PROPOS

Qu’est-ce qu’habiter, au Japon ?
par Augustin Berque


            Les maisons que vous allez regarder sont toutes différentes, mais elles ont toutes un trait commun – un trait fondamental, sans lequel ce ne seraient pas des maisons. Or ce trait-là, vous ne le verrez pas. Serait-il caché derrière un mur, dans une penderie, sous le plancher, sur l’autre pan du toit… ? Non ? Regardez mieux. Ou plutôt, non, ne regardez pas, fermez les yeux et imaginez-vous entrer dans l’une de ces maisons. Imaginez vos mouvements, vos sensations (bien entendu, si vous avez déjà l’expérience d’un intérieur nippon – un intérieur vraiment nippon, habité par des Japonais – cela aidera). Touchez, sentez, écoutez bien, soyez tout ouïe…
            Ça y est, vous avez trouvé ? Non ? Alors, je vais vous donner un indice : 諦めますか ?  Ce qui se lit : akiramemasu ka ? et signifie : « vous donnez votre langue au chat ? » ...

jeudi 29 mai 2014

Qu’est-ce qu’une intériorité nippone ? / Augustin Berque

L’intérieur-extérieur nippon idéalisé au Rikugi kôen (Tokyo)
L’intérieur-extérieur nippon idéalisé au Rikugi kôen (Tokyo).
Cliché Francine Adam, 11 mai 2005.
Société française des architectes / CNRS
Colloque international Le silence habité des maisons
–  23-24 mai 2014, SFA  –
Qu’est-ce qu’une intériorité nippone ?
Augustin Berque

Résumé – Le thème de l’intérieur (uchi ) est au Japon fort prégnant, de la définition de la personne à celle du territoire, en passant par la maison. Dans une conversation ordinaire, suivant l’occasion, le même terme uchi pourra correspondre au français « je », « chez moi », « ma famille », « notre entreprise », etc.. Dans le milieu nippon, la topologie du rapport dedans/dehors s’agence à diverses échelles, investissant l’intériorité du sujet dans des objets divers, ce qui diffère essentiellement de l’abstraction du « je » cartésien, mais traduit un aspect universel de l’habiter humain. 

1. Ce que nous appelons « maison »
Comme en anglais avec house et home, il y a en japonais deux termes courants pour dire « maison » : ie et uchi. Les deux termes peuvent être transcrits par le même sinogramme , qui selon le contexte pourra donc se lire soit ie, soit uchi ; il s’applique toutefois le plus généralement à ie. 

mercredi 2 avril 2014

Préface à "Pour un vocabulaire de la spatialité japonaise" / A. Berque

Couple with a Standing Screen K. Utamaro
Couple with a Standing Screen (1797 ) K. Utamaro
Museum of Fine Arts, Boston
(source)
Préface à Pour un vocabulaire de la spatialité japonaise 
(dir. P. Bonnin)

par Augustin Berque

            Si la spatialité nippone fascine en Occident, c’est d’abord dans les milieux de l’architecture, comme il se doit puisque ce sont les architectes qui s’occupent de mettre l’espace en formes concrètes. On ne s’étonnera donc pas que ce soit un architecte, Philippe Bonnin, qui ait entrepris de réaliser un Vocabulaire de la spatialité japonaise. Mais pour cet architecte qui est aussi anthropologue, il ne pouvait s’agir seulement d’un dictionnaire de l’architecture japonaise. L’entreprise va bien au delà, car elle part d’une interrogation anthropologique sur ce que c’est concrètement que l’espace dans la culture nippone. Certes, on peut se poser une pareille question à propos de toutes les cultures humaines ; mais il y avait dans le cas du Japon des raisons plus pressantes de le faire. D’où l’intérêt tout particulier de ce Vocabulaire, qui réussit l’exploit d’y apporter une réponse coordonnant une approche pluridisciplinaire, ayant mobilisé pendant plusieurs années des dizaines de chercheurs venus de champs divers.

mardi 3 juillet 2012

Espace japonais : le quartier / P. Marmignon

Plan de Yoshiwara
Plan de Yoshiwara, Edo 1846

43ème Symposium international du Nichibunken (Centre de Recherches Internationales pour les Études japonaises) à Kyôto, le 11/05/2012.

Chô 町 (quartier, unité administrative)


par Patricia Marmignon

La notion chô est la matrice de l’organisation spatiale japonaise. Elle représente à la fois des unités de mesure et des unités administratives. Elle est une unité de longueur, de surface, une unité agraire, urbaine, socio-spatiale, une unité territoriale, et désigne un quartier de plaisir sous Edo. Un chô représente un élément clé dans la conception, la réalisation et la représentation de la spatialité japonaise. Il sert de repère et est « le signe » même de l’organisation structurelle spatiale nippone, celui de l’englobement.
         Le caractère chô combine le champ cultivé, la rizière (den, ta *) au clou, à la forme d’un T, à un outil dans la main de l’homme (chô, tei ). Chô, tei est un spécifique numéral pour les feuilles, un morceau, une part, un pâté de maison, soit une division, un dénombrement. Il désigne une distance urbaine, et se substitue au fil du temps au caractère chô lu aussi machi*, dans le processus de simplification du système d’adressage. Chô/machi allie ainsi l’artifice japonais à son milieu.

mercredi 6 juin 2012

Aida et ma / A. Berque

Le pont Suidō et le quartier Surugadai
Utagawa Hiroshige (1857)
Conférence à l’Institut franco-japonais du Kansai, 10 mai 2012

Aida et ma

– de ce que sont les choses dans la spatialité japonaise –

間(あいだ)と間(ま)。もの(物)からこと(事)へ


par Augustin BERQUE

    Passé voici moins d’une semaine, le cinquième jour du cinquième mois est aujourd’hui au Japon la fête des enfants (kodomo no hi こどもの日). Autrefois, c’était la date du 端午 tango, cn duànwŭ, qui dans la tradition chinoise est la fête du début du yang réchauffant (on l’appelle donc aussi duānyángjié 端陽節). On y organise des régates à la mémoire de Qu Yuan 屈原 (343-290), poète de l’époque des Royaumes Combattants, qui se jeta dans la rivière Miluo 汨羅江 pour avoir perdu la faveur de son souverain, le roi Huai de Chu 楚懐王. Au Japon, cette fête devint le tango no sekku 端午の節句, à l’occasion duquel l’habitude s’est prise à l’époque d’Edo de faire flotter en haut d’un mât des bannières en forme de carpes, les koinobori 鯉幟, pour souhaiter du succès dans la vie aux petits garçons.

Or en passant, sous Meiji, du calendrier lunaire au calendrier grégorien, la date s’est rapprochée de la fin du printemps, alors que dans l’ancien calendrier, elle correspondait à la période des pluies de mousson. Du coup, l’image a changé aussi. À l’époque d’Edo, les bannières flottant sous la pluie représentaient des carpes remontant une rivière torrentueuse, et devenant des dragons. C’était la trace d’une vieille légende chinoise, selon laquelle les poissons qui réussissent à franchir les rapides de la « Porte des Dragons », Longmen 龍門 au Shanxi 山西, deviennent des dragons, tandis que ceux qui n’y arrivent pas redescendent avec le front marqué d’une contusion, pareille à un point. L’expression « le front marqué à Longmen » Lóngmén diăn é 龍門点額 a pris plus tard le sens d’échouer aux concours mandarinaux.

mercredi 23 mai 2012

La spatialité nipponne à l'index / A. Berque

Mont Fuji Yokoyama Taikan
Mt. Fuji, YOKOYAMA Taikan, 1930.
(source : Ishibashi Museum of Art)
Japarchi – Vocabulaire de la spatialité japonaise (dirigé par Philippe Bonnin)

Ma, oku, seken, ta, wabi/sabi 

par Augustin Berque
 
Présentation : Augustin Berque introduit et définit cinq notions - qui sont aussi des esthétiques - propres à la spatialité nipponne. Il tisse ensemble un "entrelien humain" (voir "ma") entre l'univers de la science et le monde des phénomènes.
Ce "tissage", qui fonde notre milieu, 
  1. se déploie dans le rhizome des relations d'un vivant (voir "seken") - on pourrait dire au sens moderne, son "réseau".
  2. s'invagine dans le revers d'un endroit dont la profondeur (voir "oku") est chargée d'intimité et de force de résurgence.
  3. se mesure en conservant un rapport de proportion humaine, à l'échelle des tatamis, ou des rizières (voir "ta, tanbo") et non pas au moyen d'un pas absolutisé selon une métrique mathématique.
  4. il se transforme au cours du temps non pas selon une pente irréversible de dégradation, mais selon une esthétique et une morale (voir "wabi/sabi") qui se révèle progressivement par de la patine et le "goût de la solitude tranquille, loin des soucis du monde".
Au travers de ces 5 notions de la spatialité nippone c'est aussi une proposition de prédication renouvelée, apte à traduire en mots un milieu humain qui échappe toujours - d'une manière ou d'une autre - à toute langue. 
Toute traduction est au "bout de la langue", à l'extrémité de la bouche, en ce point d'inflexion entre le corps animal et le champ symbolique d'une culture donnée. Elle est donc aussi, de manière plus fondamentale, l'expression de l'umwelt de l'humain, du rapport au monde de l'homme en tant qu'espèce. À la lecture de ces "notices", au-delà des différences prédicatives entre milieu francophone et japonophone, c'est bien le sentiment d'une résonance commune qui se fait jour. Cela ouvre la perspective d'une relation médiale, où ce qui gît sur le bout de toutes les langues trouve corde à son arc (vocal) dans un ancrage organique commun. Ces mots-notions permettent d'articuler des vides médiants de la langue française, des absences sémantiques, conceptuelles, spatiales et temporelles. Ils sont de véritables outils pour penser, depuis le monde francophone et au moyen de la langue nippone, la mésologique de l'humain, sa manière propre - en tant qu'espèce - d'habiter et d'être humain sur la terre.
Bonne lecture, Y. Moreau.