Tokyo Jidai Matsuri 東京時代祭り
Le 3 novembre 2000, Asakusa, TOKYO
Photographie Patricia Marmignon
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Complément au CR du vendredi 28 janvier 2011 (dispositifs et notions de la spatialité japonaise).
On fait remonter l’origine des chônaikai 町内会 à la réforme de Taika de 646. Sous le modèle chinois, des associations garantes de l’ordre, de cinq familles, goho 五保, apparaissent. Le caractère chô 町 ou machi, signifie ville, quartier, une surface de 9917 mètres carrés et une longueur de 109 mètres. Celui de nai 内 désigne l’intérieur, sa propre maison. Au XVe siècle, les chô 町 sont des groupes unis pour la protection du voisinage, issus de liens autochtones, chi-en 地縁 et de filiation, de sang, ketsu-en 血縁.
L’expression chônin 町人, marchand, devient représentative d’un quartier. Au XVIe siècle, des groupes de cinq à dix maisonnées, goningumi 五人組, jûningumi 十人組, et des groupes de chô, chôgumi 町組 se constituent. La génération chô, fondée sur une collaboration dans un système hiérarchisé, exerce un contrôle territorial. Elle s’occupe des attributions et des manières publiques. Au XVIIe siècle, lui correspond la territorialisation des corporations, za 座. Elle a comme attributs, le holisme, le rural et les rites, part du national vers le local, et est de type kyôdôtai 共同体 (gemeinschaft).
Les chônaikai, liées par l’habiter et l’habitat, sont un produit de la modernité dont l’unité est l’ie 家, la maison. Elles renaissent en 1889 avec l’instauration des circonscriptions scolaires. Après le séisme de 1923, les procédés réglementaires des conseils, chôkai kiyaku yôryô 町会規約要領, régulent les chô pour la reconstruction, l’information, l’assistance et la sécurité. Le terme chôkai 町会 signifie conseil municipal, chôgikai 町議会, ou assemblée, communauté de quartier, chônaikai 町内会, qui délibère sur les faits des chônai 町内, des quartiers liant l’aspect social au bâti. Après 1931, elles procèdent à des exercices de défense et de ravitaillement. En 1935, les burakukai 部落会, les communautés de hameaux liées aux élections et les chônaikai, en dessous des communes, représentent le bout de la chaîne du fascisme japonais. En 1940, elles s’étatisent, avec en leur sein des tonarigumi 隣組, groupes de dix maisons. Elles sont « abolies » en 1947, par la proclamation du quinzième article du décret de Postdam, car anti-démocratiques.
Relancées par le traité de paix en 1952, elles transmettent, collaborent et organisent. En 1953, 68% des villes en sont dotées et le congrès des maires demande de les rétablir. Dans les années 1960, des mouvements se dressent, et une enquête est menée par les municipalités. L’approche communautaire est revue, la grande ville reconnue et le village en déclin. Parallèlement aux jichikai 自治会 ou chônaikai, naît en 1968, à l’initiative du gouvernement, le terme komyunitî, association, au sens de MacIver. Cette nouvelle branche relève du local, de l’international, de l’habiter, de l’être social, de l’urbain et de l’innovation. L’autonomie des habitants, jûmin jichi 住民自治, et le volontariat émergent, institutionnalisés depuis les années 1990-2000. Mais les chônaikai demeurent en toile de fond, notamment pour l’information ou dans l’organisation des festivals, encore que cela varie selon les régions. Leurs activités évoluent aussi vers l’aide aux personnes âgées, aux handicapés, la gestion des déchets. Elles peuvent être relayées ou forment certains ponts avec les komyunitî.
Patricia Marmignon
Pour en savoir plus
1- BEL Jean. L’espace dans la société japonaise. Paris : POF, 1980, 430 pages.
2- BERQUE Augustin. Le sens de l’espace au Japon. Vivre, penser, bâtir. Paris : Arguments, 2004, 227 pages.
3- DEWANTARI Raphaella et YOSHIHARA Naoki. Grass roots and the Neighborhood Associations. Jakarta : Grasindo Gramedia Widiasarama Indonesia, 2003, pp.1-121.
4- IWASAKI Nobuhiko 岩崎信彦 et al. Chônaikai no kenkyû 町内会の研究 (Recherches sur les communautés de quartiers). Tôkyô 東京 : Ochanomizu Shobô 御茶の水書房, 1989, 481 pages.
5- MARMIGNON Patricia. La création de l’urbain. Paysage urbain et socialité à Ôsaka depuis Meiji (1868). Sarrebruck : EUE, 2010, 257 pages.